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Les eaux océaniques les plus claires de la planète

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  • Les eaux océaniques les plus claires de la planète

    Les eaux du tourbillon du Pacifique Sud-Est, au large de l'île de Pâques, sont d'une pureté optique jamais observée dans les eaux océaniques et qui témoigne d'une pureté chimique jamais obtenue en laboratoire ! Voilà ce que des chercheurs du Laboratoire de microbiologie, de géochimie et d'écologie marines (LMGEM/COM) (1) et du Laboratoire d'océanographie de Villefranche (LOV/OOV) (2) ont découvert, après avoir déterminé la profondeur de pénétration du rayonnement UV dans ces eaux, au cours de la campagne BIOSOPE !

    Récemment parus dans Geophysical Research Letters et Limnology and Oceanography, ces résultats ont fait l'objet respectivement d'un "highlight" et d'un "featured article" de la part des éditeurs.


    Image satellite de la couleur de l'océan.

    La couleur pourpre indique la grande pauvreté en chlorophylle de la zone étudiée.
    © SeaWiFS Project, NASA/Goddard Space Flight Center, ORBIMAGE

    Dans le contexte général du changement climatique, les scientifiques s'intéressent à l'impact du rayonnement solaire sur les écosystèmes marins, et en particulier du rayonnement ultraviolet (UV: 280-400 nm). Très énergétique, ce dernier peut en effet affecter les organismes planctoniques en altérant leur molécule d'ADN et donc leur métabolisme. Il peut également oxyder ou cliver la matière organique dissoute, l'un des plus grands réservoirs de carbone réactif de la planète, et ainsi modifier sa biodisponibilité pour les bactéries hétérotrophes (3). Le rayonnement UV joue donc un rôle significatif dans le cycle du carbone au sein de la couche éclairée de l'océan.

    En 2004, au cours de la mission BIOSOPE (Biogeochemistry and optics south pacific experiment) coordonnée par Hervé Claustre du LOV/OOV, des chercheurs du LOV/OOV et du LMGEM/COM ont effectué des mesures de pénétration du rayonnement solaire dans les eaux du Pacifique Sud-Est, le long d'un transect allant des îles Marquises jusqu'aux côtes du Chili.

    Ils ont constaté que dans les eaux biologiquement très pauvres du tourbillon du Pacifique Sud, situé à l'ouest de l'île de Pâques, la profondeur à laquelle parvenait 10 % de l'éclairement de surface était de 30 m pour les UV-B (à 305 nm), de 60 m pour les UV-A (à 340 nm) et de 80 m pour l'ensemble du rayonnement visible (400-700 nm). Or, ces profondeurs de pénétration sont les plus importantes jamais rapportées pour des eaux océaniques. Une seule valeur similaire de pénétration a déjà été publiée: elle concerne les eaux douces du lac Vanda en Antarctique qui ne reçoit pas d'apport terrigène(4) extérieur car il est recouvert de glace en permanence. La pureté optique des eaux du tourbillon du Pacifique Sud est donc tout à fait étonnante.




    Profondeurs auxquelles parvient 10 % de l'éclairement de surface,
    pour les UV-B (305 nm) et les UV-A (340 nm),
    dans l'océan Pacifique Nord (Goes et al., 1995, Photochem. Photobiol. 62, 703-710),
    en Antarctique (Helbling et al., 1995, Mar. Ecol. Prog. Ser. 126, 293-298),
    en Méditerranée orientale (Obernosterer et al., 1999, Aquat. Microb. Ecol. 20, 147-156),
    dans le Golfe du Mexique (Weinbauer et al., 1997, App. Environ. Microbiol. 63, 2200-2205),
    dans l'Atlantique subtropical (Obernosterer et al., 2001, Limnol. Oceanogr. 46, 632-643)
    et dans le tourbillon du Pacifique Sud (Tedetti et al., 2007)

    Mais il est vrai que ces eaux ne reçoivent pas d'apports continentaux, qu'ils soient atmosphériques ou fluviaux, du fait de leur éloignement de tous continents. De surcroît, la structure hydrodynamique de ce tourbillon anticyclonique ne permet pas la fertilisation des eaux de surface par une remontée d'eaux profondes riches en éléments nutritifs (N, P...), comme c'est souvent le cas dans l'océan. Il en résulte que les eaux de surface du tourbillon sont très pauvres en phytoplancton, et partant, en particules diffusantes et matières dissoutes absorbantes.

    De ce fait, leur couleur aussi est étonnante ; alors que la mer des Sargasses ou la mer Méditerranée orientale sont réputées pour leur "bleu profond", dans cette zone du Pacifique, un degré supplémentaire est franchi et le bleu indigo est presque violet.

    Ce réservoir d'eau "ultra-pure" est vaste (la superficie de la mer Méditerranée) et - un comble - le degré de pureté de ses eaux dépasse celui jamais obtenu en laboratoire, les coefficients d'absorption de la lumière de ces eaux naturelles étant inférieurs à ceux communément admis pour l'eau purifiée !




    Les eaux océaniques quasi violettes du tourbillon du Pacifique Sud.
    © LOV/OOV, Joséphine Ras

    Si l'absorption de l'eau dans les domaines spectraux allant du bleu au violet et au proche UV (460-320 nm) n'est pas connue avec précision, c'est d'une part qu'elle est très faible (moins de 0.5% par mètre), et donc difficilement mesurable avec précision, et d'autre part qu'il est quasi-impossible de débarrasser l'eau de toutes traces organiques (absorbantes dans le domaine spectral considéré), et donc d'atteindre la pureté indispensable.

    Il n'en demeure pas moins que l'existence d'un tel volume d'eau naturellement aussi pure a été une surprise et reste énigmatique. En l'absence de données expérimentales fiables de l'absorption de l'eau dans ce domaine spectral (allant du bleu à l'UV), ces conditions extrêmes ont permis indirectement d'inférer ce que pourraient être les limites supérieures plausibles de cette absorption.

    Notes

    (1) Laboratoire de microbiologie, de géochimie et d'écologie marines (LMGEM/COM: CNRS / Université Aix-Marseille 2 ; Centre d'océanologie de Marseille / INSU)

    (2) Laboratoire d'océanographie de Villefranche (LOV/OOV: CNRS / Université Pierre et Marie Curie ; Observatoire océanologique de Villefranche-sur-mer / INSU)

    (3) Les organismes dits hétérotrophes des organismes qui ne peuvent fabriquer leur propre matière organique et qui sont donc contraints de la prélever à l'extérieur, sur d'autres organismes vivants ou morts.

    (4) terrigène: qui vient de la terre

    - Source: CNRS / INSU
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