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Mohammed 6

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  • Mohammed 6

    Au chef de l'Etat algérien qui l'interrogeait, il y a plusieurs mois, sur le souverain marocain, Mohammed VI, Jacques Chirac fit cette réponse, rapportée par un diplomate : "Le roi est valable. C'est l'entourage qui ne fait pas le poids." On ignore si le président Bouteflika a été convaincu par ce jugement d'un familier du monarque, mais le fait est que, près de six ans après son accession au trône (le 23 juillet 1999), Mohammed VI reste une énigme et le fonctionnement de la monarchie un mystère.

    "Le roi se cherche les moyens de travailler" , plaide un ministre. "Il n'y a pas de cap. On navigue à vue" , se plaint, de son côté, un universitaire, sous couvert d'anonymat, avant d'ajouter : "Heureusement, Hassan II a légué un Etat qui fonctionne. Jusqu'à quand ?" A la presse étrangère (la seule jugée digne d'intérêt par le Palais royal) Mohammed VI accorde * avec parcimonie * des entretiens largement réécrits par les proches du monarque. Le roi n'a jamais tenu de conférence de presse. Ses interventions à la télévision sont rares et laborieuses comme l'observait, il y a peu, le directeur de l'hebdomadaire Tel quel . Le roi délaisse les conseils des ministres : au cours du premier semestre, il n'en a convoqué qu'un, début janvier, au palais royal d'Agadir, dans le sud du royaume, où, traditionnellement, il passe une partie de l'hiver avec la cour.

    Roi nomade, Mohammed VI a pris goût aux déplacements à l'étranger, en grand équipage. Ses voyages officiels se prolongent parfois par des escapades privées. En revanche, le monarque ne prise guère les grand-messes diplomatiques internationales : il les évite. Son emploi du temps est un secret d'Etat. Les Marocains n'en savent que ce que la télévision veut bien leur dire. Un voyage en province, l'inauguration d'un bâtiment, une entrevue avec un chef d'Etat étranger nourrissent copieusement le journal télévisé.

    Monarque lointain, mais doté par la Constitution d'un pouvoir quasi absolu, Mohammed VI dirige le Maroc avec les outils hérités de son père, Hassan II. Dans ce système, le gouvernement pèse peu. Le roi ne rencontre que très rarement son premier ministre, Driss Jettou, un homme d'affaires repéré par Hassan II. Illustration de cette distance : à la mi-mai, c'est seulement vingt-quatre heures avant l'annonce officielle que le chef du gouvernement a été prévenu du lancement, par Mohammed VI, d'un "plan contre la pauvreté" (encore dans les limbes) vendu comme l'un des chantiers majeurs du règne...

    Le poids de l'entourage familial ? Avec son frère cadet et ses trois soeurs, Mohammed VI entretient des relations "lâches et en dents de scie" , selon un proche. Il n'y a pas plus de connivence entre le monarque et le reste de la famille. Quelques cousins l'accompagnent régulièrement dans ses déplacements à l'étranger mais sans exercer d'influence particulière. En fait, Mohammed VI dirige le Maroc en s'appuyant sur une poignée de fidèles installés au coeur de l'appareil d'Etat, au gouvernement ou au palais royal : une énorme machine, le huitième budget de l'Etat, devant l'agriculture.

    Mohammed VI communique peu par téléphone. Membres du premier cercle, ce sont donc ces inconditionnels qui recueillent en direct les volontés royales et s'en font les hérauts, quand ils ne les mettent pas directement en musique. Ces collaborateurs ne sont pas ceux de son père. Homme fort des vingt dernières années de Hassan II, Driss Basri a été évincé. Et le Français André Azoulay n'est plus guère sollicité, même s'il demeure, en titre, conseiller économique du souverain. Il y a bien quelques rescapés du règne précédent parmi les conseillers (Meziane Belfquih pour les dossiers industriels, Mohamed Mouatassim, en charge des discours du roi et des affaires juridiques), mais ils n'appartiennent pas au premier cercle. C'est également le cas de la seule femme qui a le titre de conseillère du roi, Zoulikha Nasri, réputée avoir pesé en faveur du changement du statut légal de la femme marocaine, seule réforme d'envergure depuis six ans.

    "GÉNÉRATION INTERNET"

    Pour sa garde rapprochée, Mohammed VI a puisé en priorité dans le vivier du Collège royal, parmi les jeunes gens * des quadragénaires aujourd'hui * qui l'ont accompagné tout au long de ses études secondaires. Le directeur du cabinet royal, Rochdi Chraïbi, le nouveau patron du contre-espionnage, Yassine Mansouri, sont de ceux-là, tout comme Hassan Aourid, nommé à la mi-juin préfet de Meknès après avoir été le porte-parole officiel du Palais.

    Mais le représentant emblématique de cette filière est Fouad Ali El-Himma. Ministre délégué à l'intérieur, sa proximité avec Mohammed VI (qu'il avait suivi à l'université) en a fait un homme bien plus puissant et plus redouté que le ministre de l'intérieur. Chargé des dossiers politiques, M. El-Himma a contraint les islamistes à refréner leurs ambitions lors des élections municipales sous peine d'être interdits. Il a favorisé la création d'un organisme chargé de solder les comptes des "années noires" du règne de Hassan II. Le ministre a la haute main sur les services de sécurité. Seuls lui échappent les dossiers économiques et la diplomatie.

    Homme de l'ombre, Fouad Ali El-Himma suscite des jugements contradictoires. Devenu son ami, Driss Benzekri, un ancien prisonnier politique, le présente comme un "démocrate fervent" tandis qu'Abraham Serfaty, un autre opposant au roi défunt, se souvient que M. El-Himma était venu l'accueillir à son retour d'un exil imposé. D'autres sont autrement sévères et rappellent qu'il est aussi un homme impulsif et manipulateur, dépourvu d'états d'âme lorsqu'il s'agit d'éliminer un adversaire. "C'est un homme dangereux" , dit le journaliste Ali Lmrabet, qui a eu maille à partir avec lui. Le "noyau dur" de l'entourage comprend aussi quatre ou cinq "quadras" qui, sans être passés par le moule du Collège royal, ont fréquenté le prince héritier à partir des années 1980. Mounir Magidi, directeur du secrétariat particulier du roi, et Taïeb Fassi Fihri, ministre délégué aux affaires étrangères, sont issus de cette filière.

    En cinq ans de règne, ceux que l'on a surnommés la "génération Internet" ou encore la "génération Amnesia" (du nom d'un night-club de Rabat fréquenté naguère par le prince héritier et ses amis) ont eu le temps de se familiariser avec l'exercice du pouvoir. Il leur reste à montrer leur compétence et à faire mentir Jacques Chirac.
    J.-P. T.
    Source :Le Monde
    Article paru dans l'édition du 29.06.05
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