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Pourquoi une cravate Hermès coûte-t-elle plus cher à Paris qu'à New York ?

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  • Pourquoi une cravate Hermès coûte-t-elle plus cher à Paris qu'à New York ?

    Si vous pénétrez dans la boutique Hermès du célèbre magasin GUM de Moscou, sur la place Rouge, vous devrez débourser 5 760 roubles, soit environ 155 euros, pour l'une des emblématiques cravates colorées en soie de la maison. Le même article vous coûterait 125 euros dans le magasin phare de la marque, rue du Faubourg-Saint-Honoré, mais seulement 160 dollars (103 euros) hors taxes (173,40 dollars TTC, soit 111,65 euros) dans la boutique de Madison Avenue, à Manhattan. Pourtant, elles sont identiques. Pourquoi cette différence de prix ?

    Hermès étant une entreprise française, ses prix sont fixés en euros. Avec un rouble fort et un dollar faible, le coût devrait être supérieur aux États-Unis et inférieur en Russie à ce qu'il est en Europe. Pourtant, c'est l'inverse qui est vrai.

    Parité de pouvoir d'achat

    Selon le célèbre sellier, les variations sont dues uniquement aux fluctuations du taux de change. Les prix restent à peu près fixes dans chaque monnaie et la maison ne veut pas changer la valeur d'achat de l'un de ses produits les plus connus comme le ferait, par exemple, une station-service. Le problème cependant, est que l'écart de prix entre les pays varie avec les taux de change. Depuis que cet article a été rédigé, l'euro a progressé de 6 % par rapport au dollar. L'entreprise va donc perdre de l'argent dans certains pays, mais en gagner plus ailleurs.

    L'une des causes principales de ces divergences est la Parité de pouvoir d'achat (PPA), la théorie économique selon laquelle, dans un marché qui fonctionne bien, des biens identiques doivent avoir une valeur identique, quelle que soit la devise dans laquelle ils sont exprimés, ou le pays dans lequel on les achète. C'est toutefois rarement le cas. Quand, en 1986, The Economist a démarré son fameux index Big Mac, c'était une façon d'illustrer la PPA. Bien entendu, le prix d'un Big Mac est déterminé par de nombreux facteurs. Même si les prix sont fixés au siège de l'entreprise, dans l'Illinois, le sandwich en question est fabriqué localement et son montant reflète beaucoup plus les différences du coût de la viande et de la main-d'oeuvre entre Amsterdam et Bangkok. En réalité, le prix d'un Big Mac peut également varier à l'intérieur d'un marché national : il coûte plus ou moins cher dans différentes régions des États-Unis.

    Mais, une cravate Hermès, ce n'est pas un hamburger. Premièrement, où qu'elle soit vendue, elle est toujours confectionnée en France. Deuxièmement, c'est un produit qui vise exclusivement le consommateur de luxe. Troisièmement, la monnaie de référence du Big Mac est le dollar. Enfin, son prix dépasse de loin celui du sandwich, et les différences entre les marchés peuvent atteindre jusqu'à 50 dollars.

    Les liens se desserrent


    Alors qu'en Amérique, le prix de ce petit morceau de soie imprimé a augmenté de presque 10 %, passant de 145 dollars en 2005 à 160 dollars aujourd'hui, il coûte toujours moins cher en dollars que le même dans une autre monnaie. L'une des raisons de cet état de fait, la PPA mise à part, c'est que le pays représente, de loin, le plus gros marché d'Hermès. Si la maison augmentait brutalement le prix de l'un des articles qui se vend le mieux, elle risquerait non seulement de perdre beaucoup de ses clients américains, mais aussi de décourager les acheteurs extérieurs qui, grâce à la faiblesse de la devise américaine, s'offrent leurs cravates à moindre coût.

    La maison poursuit sa croissance rapide dans de nouveaux marchés, ce qui devrait la rendre moins dépendante d'un billet vert très affaibli. La marque aux boîtes orange dispose en ce moment de 268 magasins et 39 points de vente divers dans le monde entier. L'année dernière, elle a ouvert 13 nouvelles boutiques, dont quatre en Chine. Quatorze ouvertures supplémentaires sont prévues pour 2008, dont quatre de plus dans l'Empire du Milieu où, en ce moment, ses ventes doublent tous les ans.

    La maison de luxe pense que sa marge de croissance est encore importante. Pour Robert Chavez, pdg d'Hermès aux États-Unis, "notre distribution actuelle est très limitée. Même avec nos projets d'évolution, Hermès restera l'une des grandes des marques de luxe dont le réseau de distribution est le plus limité. Hermès est encore absente des marchés clés qui offrent de belles perspectives de croissance et de développement."

    Rester exclusif

    Jusqu'à maintenant, la maison a très bien su gérer son évolution. Comme le rapporte Tommy Fazio, responsable de la mode homme chez Bergdorf Goodman, "Hermès a fait preuve d'une grande prudence dans sa stratégie d'expansion. Elle se montre très exigeante en ce qui concerne les emplacements, le merchandising et la présentation de ses produits." Bergdorf est le seul grand magasin new-yorkais à les vendre. En juillet 2007, une nouvelle boutique a été ouverte dans le quartier de Wall Street, en plus de celui de Madison Avenue.

    Bien que la maison ne liste pas séparément les revenus des ventes de cravates, ces dernières sont, après les carrés et les sacs, la troisième catégorie d'articles les plus vendus, et leur succès ne se dément pas, bien au contraire. La maroquinerie, les arts de la table et le prêt-à-porter sont eux aussi en constante progression. Les cravates sont, en fait, l'un des articles les plus abordables que l'on puisse trouver dans une boutique Hermès, puisqu'un sac Birkin démarre à 7 500 dollars (4 828 euros) et une selle anglaise à 5 400 dollars (3 476 euros).

    Ce genre d'appel au snobisme est tout à fait rentable. Le 20 mars, la maison a annoncé que ses bénéfices avaient grimpé de 7,5 % en 2007. Le bénéfice net a surpassé les prévisions des analystes, puisqu'il a atteint 288 millions d'euros, contre 268 millions en 2006.

    Signe extérieur de richesse

    Chez Bergdorf, Tommy Fazio a vu augmenter les ventes de cravates de luxe, Hermès y compris, et Marshall Cohen, analyste chez NPD Group, consultant en marketing commercial, considère que la maison de luxe ne doit pas s'inquiéter de voir les jeunes bouder la cravate. "Une génération plus âgée prend sa retraite et cesse d'en porter, mais les trentenaires les adopteront quand ils accéderont à des postes à responsabilités", déclare-t-il.

    Quel que soit le prix de ses produits, Hermès sait bien que ses clients aisés continueront à acheter avec bonheur ses cravates (et ses carrés, selles, costumes et sacs à main) aussi longtemps qu'ils considéreront que la marque est synonyme de luxe et de prestige. Mais, comme l'ont déjà découvert de nombreux visiteurs venus d'Asie et d'Europe, pour ceux qui cherchent une petite ristourne sur ces coûteuses cravates françaises, les États-Unis ressemblent de plus en plus à un magasin discount.

    Par BusinessWeek
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