LE 29juin passé cela faisait 13ans le 29 juin passé qu"'ils" nous l'ont assassinés!!!
je vous propose ces extraits du livre le grain de sable retraçant les dernieres heures de la vie de boudiaf:
Boudiaf Mohamed, 72 ans, natif de M'sila, une petite ville des Hauts-Plateaux, président du Haut Comité d'Etat. Ce matin du lundi 29 juin 1992, à 5h 10, il vient de terminer la prière du fadjr. Il ne pouvait retourner au lit tellement il se sentait nerveux. D'étranges sensations l'envahissaient, dont il ne pouvait localiser ni les origines ni les raisons. A un moment, il avait pensé à ces petites lourdeurs sur l'estomac, mais il se rendit vite compte qu'il n'y avait aucune raison : son maigre repas d'hier soir n'était pas si différent de ce qu'il avait l'habitude de prendre.
En gandoura d'une blancheur éclatante et babouches marocaines, il se dirigea vers le jardin. Il commença à arpenter le long du petit chemin bordé d'arbres et d'arbustes, lorsqu'il atteignit le coin sud du petit jardin, il constata quelques outils de jardinage que les jardiniers avaient omis de ranger la veille. Il se saisit d'un déplantoir et se dirigea vers le carré de la roseraie où quelques rosiers de différentes espèces font l'objet d'une attention particulière de la part des deux jardiniers professionnels et du Président pendant ses rares moments de détente ; il retroussa les larges manches de sa gandoura et s'accroupit près d'un arbuste épineux En retournant la terre avec délicatesse à l'aide du déplantoir, son esprit s'en alla loin des lieux. Il se remémora les actes de son périple à Oran et Aïn Témouchent, son esprit est assiégé, tourmenté par la concrétisation du Rassemblement patriotique national. Il se rappelle les termes qu'il utilisa dans son discours à Aïn Témouchent : «Le Rassemblement patriotique national ne sera pas le résultat de compromis opportunistes ou de marchandages politiciens. Il est ouvert à toutes les catégories sociales et à toutes les sensibilités politiques pour relancer le processus démocratique menacé par certaines forces qui ne cherchent nullement l'intérêt de la nation... L'Algérie a connu plusieurs expériences : celle du parti unique a été néfaste pour le peuple puis celle de la démocratie après 1988 où les Algériens ont été divisés par des personnes qui voulaient accéder au pouvoir et par d'autres qui, au nom de la religion, voulaient revenir à l'époque pré coloniale. En janvier dernier, des patriotes sincères ont senti le danger et arrêté le processus électoral qui allait confier la gestion du pays à des personnes irresponsables».
«Tout à l'heure», se disait-il intérieurement, la main droite occupée à retourner la terre au pied des arbustes, il développera davantage les idées fortes de la plate-forme du RPN, il expliquera à ces jeunes en qui il nourrit d'énormes espoirs... Le silence était presque total, les lueurs du jour envahissaient les lieux avec la brise matinale. Le président se réjouissait de cet air frais matinal. Il tenta d'imaginer la perception de son discours tout à l'heure à Annaba, Il lui sembla un instant que le texte du discours préparé les derniers jours et revu la veille doit être enrichi par d'autres idées fortes exprimées auparavant. Sa propre voix résonne dans sa tête en se revoyant déclarer aux Algériens : «A, tous, sans exception, je tends la main avec confiance et espoir et renouvelle mon serment pour la réconciliation, l'entraide et la coopération pour l'édification de l'Algérie dont avaient rêvé nos martyrs et dont rêvent nos jeunes d'aujourd'hui». Le jour de son arrivée officielle à Alger. Puis lors de son deuxième discours, le 10 février 1992 où il déclara : «Nous avons hérité d'une situation caractérisée par l'existence de voleurs et de mafias».
Il revoit devant lui les regards ahuris de certains des membres du Conseil supérieur de la magistrature quand il leur lâcha avec la franchise et le charisme qui lui est propre : "On m'a dit qu'il y a des brebis galeuses dans la magistrature, je veux que cela change, vous devez vous comporter en hauts fonctionnaires". Il se redressa d'un bond. Des tiraillements au niveau des mollets l'ont obligé à se redresser. Il s'étira un court instant en plantant ses poings fermés dans ses reins, puis alla ranger le déplantoir là où il l'avait ramassé. Sur le chemin du retour, il eut comme un petit tressaillement : il se rappela soudainement les officiers assassinés et tombés "au champ de bataille". "Allah yarhamhoum ! Une grande perte pour le pays. Combien de temps faudra-t-il au pays pour former d'aussi valeureux hommes ? Ils ont été à la hauteur de leurs missions dans le combat qu'ils ont mené contre les pilleurs du pays. La corruption est un mal profond, mais notre combat pour son éradication ne doit en aucun cas constituer des règlements de comptes leur répétait-il à chaque rencontre. Il s'arrêta un instant. Se retourna vers le petit jardin tournant le dos à la bâtisse. De là où il était, il dominait presque la totalité du jardin, il contempla le frémissement des feuilles, masqué par le gazouillement montant comme dans une symphonie gracieuse. Boudiaf soupira profondément : "Aurons-nous le temps de faire grand-chose dans ce domaine ? " Il est devenu subitement anxieux. Lorsqu'il rejoindra la salle de bains, il était 6h 50. Il se rasa et entreprit de s'habiller. Sa femme était déjà réveillée, elle prenait son café sur la petite véranda ; le président prit un flacon d'after-shave Fabergé, se frictionna le visage pour supporter le picotement du produit sur le visage, ajusta sa cravate et enfila la veste de son costume. Il paraissait nerveux dans ses gestes. "Finalement, tu ne vas pas partir avec moi !" annonça-t-il en élevant la voix à sa femme. Il ne donna aucune explication. Madame Boudiaf ne dira rien, pourtant elle est troublée, ce n'est pas dans ses habitudes de ne pas donner des explications ; de le voir nerveux, inquiet et anxieux la plongea dans une profonde tristesse. Elle eut l'étrange sentiment d'être étrangère à l'intérieur de cette maison. "Qu'est-ce qui l'a pris de bon matin aujourd'hui ? Ce n'est pas dans ses habitudes de prendre tant soin de sa personne ?" s’est-elle interrogée. Elle se leva pour le rejoindre au salon. Il boutonna sa veste, écarta légèrement les bras et avec un léger sourire complice, il demanda à sa femme : "Alors qu'est-ce que tu en penses ?". "Ah ! tu ressembles vraiment à Sadate dans ce costume !". Elle se ressaisit soudainement, comme prise d'une frayeur inexpliquée. "Pourquoi lui avait-elle dit cela ? Asteghfer Allah !". Il n'a pas relevé son anxiété. Il s'est contenté de la regarder affectueusement. Aucun des deux ne pouvait penser que ce sera les derniers instants qu'ils vivront ensemble. Tout à l'heure, à 600 kilomètres de là, des balles assassines vont le ravir à son épouse, ses enfants et à l'Algérie.
L'assassinat
Le Président Boudiaf était très attentif en écoutant les différentes explications des chefs de stands de l'exposition. Les initiatives des jeunes entrepreneurs, leur enthousiasme, leur ferveur agissaient sur lui comme un galvaniseur supplémentaire. Ils sont source de fierté pour lui. Samir B., Nefissa sa fiancée et les actionnaires de la coopérative El Amel jubilaient de bonheur après le passage du Président et de la délégation qui l'accompagnait. Il leur déclara, en commentant la déclaration du responsable de l'Association des coopératives de jeunes qui faisait la présentation des différentes coopératives présentes pour les journées d'études sur les initiatives des jeunes: «La jeunesse doit être promue et intégrée dans le processus décisionnel national». «L'Algérie compte énormément sur vous». «L'Algérie est certes en crise, nous n'avons pas peur de le dire, il y a urgence à re dynamiser les projets et placer, l'intérêt de l'Algérie au-dessus de toute considération.»
Nefissa, flanquée de son fiancé nageait dans le bonheur total. «Tu parles bien à la télé! Les caméras ne t'impressionnent pas ?», dira-t-elle à Samir toute souriante. Ils se dirigèrent vers la grande salle où ils prirent place cote-à-cote sur la quatrième rangée bien en face de la tribune. Vingt minutes plus tard, la salle vibrera sous un tonnerre d'applaudissements. Les têtes se retournent de côté, les cous s'étirent, un essaim de malabars bien fringués évolue telle une carapace encadrant le Président vers la tribune, suivi des officiels. Samir et Nefisssa ne peuvent que distinguer le crâne dégarni du Président qui brille au reflet des projecteurs. Nefissa emportée par l'enthousiasme et les youyous des femmes entonna un son strident qui obligea à Samir à feindre l'agacement.
L'allée centrale de la salle grouille de monde. Le Président gravit les sept marches menant à la tribune. Les 900 personnes présentes sont debout. Boudiaf tout souriant s'assied. Les personnalités locales qui l'accompagnent s'installent à ses côtés de part et d'autre. Ébloui par les projecteurs, le Président ne peut distinguer la salle, il place sa main en visière pour mieux apprécier ce public, submergé d'un grand sentiment de bonheur : la moyenne d'âge de l'assistance n'excédait pas la trentaine.
je vous propose ces extraits du livre le grain de sable retraçant les dernieres heures de la vie de boudiaf:
Boudiaf Mohamed, 72 ans, natif de M'sila, une petite ville des Hauts-Plateaux, président du Haut Comité d'Etat. Ce matin du lundi 29 juin 1992, à 5h 10, il vient de terminer la prière du fadjr. Il ne pouvait retourner au lit tellement il se sentait nerveux. D'étranges sensations l'envahissaient, dont il ne pouvait localiser ni les origines ni les raisons. A un moment, il avait pensé à ces petites lourdeurs sur l'estomac, mais il se rendit vite compte qu'il n'y avait aucune raison : son maigre repas d'hier soir n'était pas si différent de ce qu'il avait l'habitude de prendre.
En gandoura d'une blancheur éclatante et babouches marocaines, il se dirigea vers le jardin. Il commença à arpenter le long du petit chemin bordé d'arbres et d'arbustes, lorsqu'il atteignit le coin sud du petit jardin, il constata quelques outils de jardinage que les jardiniers avaient omis de ranger la veille. Il se saisit d'un déplantoir et se dirigea vers le carré de la roseraie où quelques rosiers de différentes espèces font l'objet d'une attention particulière de la part des deux jardiniers professionnels et du Président pendant ses rares moments de détente ; il retroussa les larges manches de sa gandoura et s'accroupit près d'un arbuste épineux En retournant la terre avec délicatesse à l'aide du déplantoir, son esprit s'en alla loin des lieux. Il se remémora les actes de son périple à Oran et Aïn Témouchent, son esprit est assiégé, tourmenté par la concrétisation du Rassemblement patriotique national. Il se rappelle les termes qu'il utilisa dans son discours à Aïn Témouchent : «Le Rassemblement patriotique national ne sera pas le résultat de compromis opportunistes ou de marchandages politiciens. Il est ouvert à toutes les catégories sociales et à toutes les sensibilités politiques pour relancer le processus démocratique menacé par certaines forces qui ne cherchent nullement l'intérêt de la nation... L'Algérie a connu plusieurs expériences : celle du parti unique a été néfaste pour le peuple puis celle de la démocratie après 1988 où les Algériens ont été divisés par des personnes qui voulaient accéder au pouvoir et par d'autres qui, au nom de la religion, voulaient revenir à l'époque pré coloniale. En janvier dernier, des patriotes sincères ont senti le danger et arrêté le processus électoral qui allait confier la gestion du pays à des personnes irresponsables».
«Tout à l'heure», se disait-il intérieurement, la main droite occupée à retourner la terre au pied des arbustes, il développera davantage les idées fortes de la plate-forme du RPN, il expliquera à ces jeunes en qui il nourrit d'énormes espoirs... Le silence était presque total, les lueurs du jour envahissaient les lieux avec la brise matinale. Le président se réjouissait de cet air frais matinal. Il tenta d'imaginer la perception de son discours tout à l'heure à Annaba, Il lui sembla un instant que le texte du discours préparé les derniers jours et revu la veille doit être enrichi par d'autres idées fortes exprimées auparavant. Sa propre voix résonne dans sa tête en se revoyant déclarer aux Algériens : «A, tous, sans exception, je tends la main avec confiance et espoir et renouvelle mon serment pour la réconciliation, l'entraide et la coopération pour l'édification de l'Algérie dont avaient rêvé nos martyrs et dont rêvent nos jeunes d'aujourd'hui». Le jour de son arrivée officielle à Alger. Puis lors de son deuxième discours, le 10 février 1992 où il déclara : «Nous avons hérité d'une situation caractérisée par l'existence de voleurs et de mafias».
Il revoit devant lui les regards ahuris de certains des membres du Conseil supérieur de la magistrature quand il leur lâcha avec la franchise et le charisme qui lui est propre : "On m'a dit qu'il y a des brebis galeuses dans la magistrature, je veux que cela change, vous devez vous comporter en hauts fonctionnaires". Il se redressa d'un bond. Des tiraillements au niveau des mollets l'ont obligé à se redresser. Il s'étira un court instant en plantant ses poings fermés dans ses reins, puis alla ranger le déplantoir là où il l'avait ramassé. Sur le chemin du retour, il eut comme un petit tressaillement : il se rappela soudainement les officiers assassinés et tombés "au champ de bataille". "Allah yarhamhoum ! Une grande perte pour le pays. Combien de temps faudra-t-il au pays pour former d'aussi valeureux hommes ? Ils ont été à la hauteur de leurs missions dans le combat qu'ils ont mené contre les pilleurs du pays. La corruption est un mal profond, mais notre combat pour son éradication ne doit en aucun cas constituer des règlements de comptes leur répétait-il à chaque rencontre. Il s'arrêta un instant. Se retourna vers le petit jardin tournant le dos à la bâtisse. De là où il était, il dominait presque la totalité du jardin, il contempla le frémissement des feuilles, masqué par le gazouillement montant comme dans une symphonie gracieuse. Boudiaf soupira profondément : "Aurons-nous le temps de faire grand-chose dans ce domaine ? " Il est devenu subitement anxieux. Lorsqu'il rejoindra la salle de bains, il était 6h 50. Il se rasa et entreprit de s'habiller. Sa femme était déjà réveillée, elle prenait son café sur la petite véranda ; le président prit un flacon d'after-shave Fabergé, se frictionna le visage pour supporter le picotement du produit sur le visage, ajusta sa cravate et enfila la veste de son costume. Il paraissait nerveux dans ses gestes. "Finalement, tu ne vas pas partir avec moi !" annonça-t-il en élevant la voix à sa femme. Il ne donna aucune explication. Madame Boudiaf ne dira rien, pourtant elle est troublée, ce n'est pas dans ses habitudes de ne pas donner des explications ; de le voir nerveux, inquiet et anxieux la plongea dans une profonde tristesse. Elle eut l'étrange sentiment d'être étrangère à l'intérieur de cette maison. "Qu'est-ce qui l'a pris de bon matin aujourd'hui ? Ce n'est pas dans ses habitudes de prendre tant soin de sa personne ?" s’est-elle interrogée. Elle se leva pour le rejoindre au salon. Il boutonna sa veste, écarta légèrement les bras et avec un léger sourire complice, il demanda à sa femme : "Alors qu'est-ce que tu en penses ?". "Ah ! tu ressembles vraiment à Sadate dans ce costume !". Elle se ressaisit soudainement, comme prise d'une frayeur inexpliquée. "Pourquoi lui avait-elle dit cela ? Asteghfer Allah !". Il n'a pas relevé son anxiété. Il s'est contenté de la regarder affectueusement. Aucun des deux ne pouvait penser que ce sera les derniers instants qu'ils vivront ensemble. Tout à l'heure, à 600 kilomètres de là, des balles assassines vont le ravir à son épouse, ses enfants et à l'Algérie.
L'assassinat
Le Président Boudiaf était très attentif en écoutant les différentes explications des chefs de stands de l'exposition. Les initiatives des jeunes entrepreneurs, leur enthousiasme, leur ferveur agissaient sur lui comme un galvaniseur supplémentaire. Ils sont source de fierté pour lui. Samir B., Nefissa sa fiancée et les actionnaires de la coopérative El Amel jubilaient de bonheur après le passage du Président et de la délégation qui l'accompagnait. Il leur déclara, en commentant la déclaration du responsable de l'Association des coopératives de jeunes qui faisait la présentation des différentes coopératives présentes pour les journées d'études sur les initiatives des jeunes: «La jeunesse doit être promue et intégrée dans le processus décisionnel national». «L'Algérie compte énormément sur vous». «L'Algérie est certes en crise, nous n'avons pas peur de le dire, il y a urgence à re dynamiser les projets et placer, l'intérêt de l'Algérie au-dessus de toute considération.»
Nefissa, flanquée de son fiancé nageait dans le bonheur total. «Tu parles bien à la télé! Les caméras ne t'impressionnent pas ?», dira-t-elle à Samir toute souriante. Ils se dirigèrent vers la grande salle où ils prirent place cote-à-cote sur la quatrième rangée bien en face de la tribune. Vingt minutes plus tard, la salle vibrera sous un tonnerre d'applaudissements. Les têtes se retournent de côté, les cous s'étirent, un essaim de malabars bien fringués évolue telle une carapace encadrant le Président vers la tribune, suivi des officiels. Samir et Nefisssa ne peuvent que distinguer le crâne dégarni du Président qui brille au reflet des projecteurs. Nefissa emportée par l'enthousiasme et les youyous des femmes entonna un son strident qui obligea à Samir à feindre l'agacement.
L'allée centrale de la salle grouille de monde. Le Président gravit les sept marches menant à la tribune. Les 900 personnes présentes sont debout. Boudiaf tout souriant s'assied. Les personnalités locales qui l'accompagnent s'installent à ses côtés de part et d'autre. Ébloui par les projecteurs, le Président ne peut distinguer la salle, il place sa main en visière pour mieux apprécier ce public, submergé d'un grand sentiment de bonheur : la moyenne d'âge de l'assistance n'excédait pas la trentaine.
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