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Quand Alger était la Mecque des révolutionnaires !

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  • Quand Alger était la Mecque des révolutionnaires !

    Quand les Black Panther fuyant la répression américaine se réfugiaient à Alger

    Le refuge d'Eldridge Cleaver en Algérie

    La conférence de presse qu'a tenu Eldridge Cleaver à Alger le 17 juillet 1969 avant l'ouverture formelle du Festival était sa première apparition publique depuis sa disparition à San Francisco huit mois auparavant.

    Il était devenu un célèbre fugitif aux États-Unis, faisant face à plusieurs inculpations de tentative de meurtre suite à une fusillade entre la police d'Oakland et les Panthères en avril 1968, deux jours après l'assassinat de King. Une Panthère était morte dans la bataille, trois policiers blessés, et huit Panthères arrêtées.

    Ce mois de juin, Cleaver est libéré sous caution après avoir été couvert par un article de l'habeas corpus. Son livre d'essais, Soul on Ice, étant devenu un best seller, Cleaver se lance dans la course à la présidence en tant que candidat du Parti de la Paix et de la Liberté [Peace and Freedom Party], et les confrontations du Parti des Panthères Noires avec les forces de police sont de plus en plus couvertes médiatiquement par la presse à sensation nationale.

    Des mois de bataille juridique devant les tribunaux de Californie prirent fin avec la décision de son retour en prison au mois de novembre pour violation de liberté conditionnelle. Au lieu de se rendre aux autorités pénitentiaires, Cleaver voyagea clandestinement jusqu'à Cuba.

    Son arrivée en Afrique du Nord lui permit de renouer de visu des relations avec plusieurs amis, soutiens, collègues, et camarades que son séjour à La Havane avait interrompues. Une série de malentendus, de désaccords, et de confrontations catégoriques avec les autorités cubaines à La Havane culmina avec le départ de Cleaver pour Alger. Plus tard, il déclara que « les Cubains ont renié certaines promesses faites avant même que je n'arrive, comme une installation permanente et bien organisée, et le droit de diffuser de l'information (…) Ils n'avaient pas l'intention de nous permettre les choses qu'ils nous avaient promises ».

    Les militants radicaux de Bay Area avaient négocié l'asile de Cleaver avec les diplomates de la mission de Cuba aux Nations Unies, à New York. Mais une fois arrivé à La Havane, le gouvernement autorisa la prolongation de la permission de résidence de Cleaver à Cuba aussi longtemps qu'il le voulait, mais uniquement en tant que citoyen individuel, et insista pour que sa présence restât non médiatisée. Après qu'une dépêche de Reuters révéla à la fin du mois de mai 1969 que Cleaver vivait à La Havane, son séjour s'interrompit subitement.

    Voyageant avec un passeport cubain et avec rien d'autre qu'un visa de transit pour l'Algérie, Cleaver est escorté à Alger par un diplomate cubain au début du mois de juin. Pendant la semaine de son arrivée, très méfiant vis-à-vis de son escorte cubaine, Cleaver déclencha secrètement des discussions pour rester en Algérie, où aucun embargo n'empêchait les communications avec les États-Unis. Finalement, il s'en alla chercher un soutien algérien pour établir une base arrière de l'action politique et militaire des Panthères Noires contre les États-Unis, le plan qu'il espérait réaliser à Cuba.

    Le statut de fugitif de Cleaver n'était pas un handicap pour lui en Algérie. La plupart des officiels gouvernementaux avaient été qualifiés de criminels par les autorités françaises durant la guerre qui avait fait rage de 1954 à 1962. Ces hommes étaient conscients, concrètement, de la relation entre un mouvement révolutionnaire et le gouvernement établi, mais contesté, qui juge toutes les activités de soutien à la révolution comme criminelles.

    Des fugitifs de toute l'Afrique et d'autres parties du monde vivaient en paix à Alger à mesure que la nouvelle nation devint l'hôte de représentants de presque tous les mouvements de libération d'Afrique, du mouvement de libération palestinien, et de plusieurs groupes révolutionnaires extérieurs à l'Afrique, incluant des exilés politiques du Brésil et du Canada. La politique étrangère de l'Algérie soutenait toutes les luttes contre la domination coloniale, sinon matériellement, du moins dans le discours.

    Cependant, l'absence de liens diplomatiques officiels entre l'Algérie et les États-Unis sécurisait la présence de Cleaver à Alger. L'Algérie avait interrompu ses relations diplomatiques avec les États-Unis pendant la guerre Égypte-Israël de 1967, dans laquelle des troupes algériennes avaient combattu aux côtés de l'Égypte. Le président égyptien Nasser était le leader arabe le plus respecté et admiré en Algérie. Son leadership a inspiré et soutenu la montée de leur mouvement nationaliste révolutionnaire.

    Boumediene avait passé des années en Egypte pendant la guerre de libération algérienne. En premier défenseur du nationalisme arabe radical, l'Algérie était prise dans un conflit perpétuel avec ces États arabes conservateurs intimement liés aux États-Unis, particulièrement le Maroc, avec qui elle avait été en guerre. Mais le soutien américain à Israël a précipité cette rupture formelle. Cleaver n'allait faire face à aucune menace d'arrestation et d'extradition vers les États-Unis, puisque l'ambassade américaine avait perdu son autorité officielle.

    Mais le fait d'arriver à Alger sous l'égide de Cuba n'était pas propice à un bon accueil, parce que Cuba et l'Algérie n'étaient plus en bons termes. Cuba avait soutenu le FLN (Front de Libération Nationale) depuis 1960 et s'était allié avec le gouvernement radical de Ben Bella. Mais quand le Vice-président et Ministre de la Défense Boumediene dirigea un coup d'état militaire contre Ben Bella en juin 1965, les leaders cubains dénoncèrent vigoureusement son action.

    Boumediene avait mis en application son coup à l'aube de la seconde Conférence Afro-Asiatique, un rassemblement majeur des nations non-alignées et socialistes prévu à Alger, espérant ainsi mettre un frein au considérable prestige international de Ben Bella. C'était bien plus important que la force politique interne qu'il commandait, mais qui s'érodait depuis l'indépendance. Les leaders socialistes cubains refusèrent de soutenir Boumediene, consternés parce qu'il avait renversé un des régimes africains les plus progressistes. Le strict et fade colonel qui remplaça Ben Bella était quasiment inconnu en dehors d'Algérie. Même son véritable nom était inconnu, Houari Boumediene étant son pseudonyme pendant la guerre.

    Une partie de la stratégie de Boumediene visait à faire valoir le leadership algérien à un niveau international, et une étape de son programme pour porter l'Algérie dans le leadership de l'Afrique, du monde arabe, et des nations non-alignées, était d'accueillir le premier Festival Culturel Panafricain.

    A la fin du mois de mai 1969, Emory Douglas, le Ministre de la Culture du Parti des Panthères Noires, accompagna Kathleen Cleaver de San Francisco à Alger. Ils quittèrent les États-Unis en prévoyant de prendre un vol Alger-La Havane, mais ils devaient d'abord régler des problèmes de papiers officiels à Paris.

    En attendant leurs visas pendant dix jours à Paris, Emory et Kathleen firent connaissance avec Julia Wright Hervé et son mari Henri Hervé, des radicaux panafricanistes soutenant les mouvements de libération africains et américains. Julia Hervé se dévoua généreusement pour aider les Panthères. Mme Hervé, la fille de Richard Wright [célèbre écrivain noir américain ─ NdT], avait passé son enfance en France. Elle était tout à fait bilingue, vivait bien les deux cultures, et maîtrisait avec finesse les enjeux politiques en Afrique. A plusieurs occasions, elle voyagea jusqu'à Alger pour aider les Cleaver, et son assistance précieuse a été cruciale pour leurs objectifs à la fois personnels et politiques.

    Eldridge Cleaver est entré clandestinement à Alger déguisé en Cubain et a été emmené directement dans un petit hôtel en bord de mer dans lequel, suite à l'insistance des officiels de l'ambassade de Cuba, Kathleen Cleaver et Emory Douglas avaient été hébergés. Quelques jours après que les Cleaver ont été réunis, le diplomate qui avait leur charge leur rendit visite à l'hôtel. Il informa Eldridge Cleaver que des négociations étaient en cours pour le cacher dans un camp d'entraînement du Fatah en Jordanie, et qu'il pourrait quitter Alger prochainement. La raison qu'il avança pour expliquer cette surprenante suite à sa fuite était que le gouvernement algérien avait découvert que Cleaver était dans leur pays et qu'il en était mécontent.

  • #2
    Suite

    Kathleen Cleaver, qui n'avait pas vu son mari depuis novembre 1968, était enceinte de huit mois. L'idée que l'un d'entre eux parte précipitamment en Jordanie ne faisait aucun sens, et Eldridge suspecta une trahison. La première personne noire anglophone que Cleaver rencontra à Alger était Charles Chikarema, le représentant local du ZAPU (Zimbabwe African People's Union). Chikarema avait lui-même été expulsé de Cuba quelques années auparavant en raison de ses revendications pour un meilleur traitement des étudiants africains à La Havane. Chikarema adhéra complètement aux objectifs du Parti des Panthères Noires, avec lesquels il était on ne peut plus familier, et les Cleaver épousèrent de tout leur cœur la cause de la libération de la Rhodésie.

    Les deux hommes partageant une hostilité envers le gouvernement cubain, Cleaver s'en remis donc à Chikarema pour l'aider à sortir de la position délicate dans laquelle le gouvernementcubainvoulaitleplacer. Chikarema présenta Eldridge à son amie Elaine Klein, une femme américaine qui était proche des officiels du gouvernement algérien et qui, à ce moment-là, travaillait au Ministère de l'Information.

    Klein était solidaire de la plupart des mouvements de libération africains à Alger, et était prête à aider de Américains en difficulté. Après avoir appris qu'il était à Alger, Klein fut heureuse de rencontrer l'auteur de Soul on Ice, et appuya généreusement et énergiquement l'effort de Cleaver pour rester en Algérie. Femme énergique d'origine new-yorkaise, Elaine Klein avait suivi des cours d'art dans les années 1950 à Paris, où elle avait été un soutien ardent du FLN d'Algérie. Klein avait déménagé à Alger dès que le FLN avait gagné l'indépendance et elle avait travaillé comme chargée des relations avec la presse pour le premier président d'Algérie, Ahmed Ben Bella. Elle avait aussi été une amie proche de Frantz Fanon, et l'avait accompagné aux États-Unis quand il s'y était rendu pour le traitement médical de sa maladie incurable.

    Grâce à des contacts à l'ambassade du Vietnam, Klein réussit à découvrir, après que l'ambassadeur vietnamien eût rencontré le président Boumediene, que l'explication cubaine (la nécessité pour Cleaver de partir dans la précipitation) était sans aucun fondement : aucun officiel algérien n'était au courant de sa présence à Alger. De plus, puisqu'elle était responsable de dresser la liste des Afro-américains invités pour le Festival Culturel Panafricain, elle promit qu'elle s'assurerait qu'il soit formellement invité à Alger.

    Klein procura les invitations officielles pour le Festival Culturel Panafricain pour une entière délégation du Parti des Panthères Noires. Avec Eldridge et Kathleen Cleaver et Emory Douglas, qui étaient déjà à Alger, la délégation incluait le Chef de l'effectif David Hilliard et Raymond « Masai » Hewitt, Ministre de l'Éducation. Puisqu'ils étaient les plus hauts placés encore en liberté du parti, ils acceptèrent de venir à Alger, en particulier pour s'entretenir avec Cleaver. Hilliard, qui avait grandi avec Newton à Oakland, se retrouvait dans la position de porte-parole en chef du Parti des Panthères Noires par accident, et était mal préparé pour prendre la grande responsabilité historique du leadership du parti. Il dépendait beaucoup de Hewitt, de la section de Los Angeles, pour son assistance et ses conseils, mais aucun des deux ne possédait le charisme ou le pouvoir qui inspiraient les gens à suivre Newton, Seale, ou Cleaver.

    Georges Gaines, une autre Panthère qui avait été en prison avec Cleaver, insista pour venir à Alger avec eux pour être sûr que Cleaver disposât de l'ensemble de l'histoire de ce qui était vraiment en train de se passer au sein du Parti des Panthères Noires aux États-Unis. Et Julie Hervé, avec d'autres Afro-américains francophones, vint à Alger pour aider la délégation à préparer le Festival.

    Cleaver avait recherché un sanctuaire d'abord à Cuba puis à Alger, mais il considérait cela comme une manœuvre temporaire, et non une situation permanente. A plusieurs occasions, il annonça publiquement son intention de retourner aux États-Unis. Dans un message aux Panthères, Cleaver déclara :
    « Je ne veux pas qu'on pense que je donne l'exemple de quitter Babylone pour gérer la situation (…). Mon désir était de rester (…) et de continuer ma participation dans la lutte clandestine. Je ne veux pas qu'on croit que la meilleure chose à faire est de partir, mais de rester et de continuer de lutter et de rendre possible le retour de ceux qui s'en sont allés parce que c'est là où est mon cœur ».

    Quand le collègue de Cleaver, Bob Scheer, l'éditeur du magazine Ramparts, arriva à Alger, il avertit Cleaver du danger de ce type de déclaration. Selon Scheer, la CIA le tuerait probablement s'il essayait de retourner aux États-Unis :

    « Mais que penses-tu qu'il m'arrivera si je reste éloigné ici indéfiniment ? », demanda Cleaver.

    « Tu te feras probablement tuer par la CIA », répondit Scheer

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    • #3
      Suite

      Le Premier Festival Culturel Panafricain à Alger

      Le Festival Culturel Panafricain attira un nombre impressionnant de personnes de toute l'Afrique, du Moyent-Orient, d'Europe, et même des États-Unis. Tous les grands hôtels étaient submergés d'invités du Festival. La délégation du Parti des Panthères Noires était installée dans l'élégant Hôtel Aletti (dirigé par le gouvernement) au centre-ville, qui est devenu un lieu de rencontre pour les groupes politiques. Dans l'énorme salle à manger, les moments de restauration se transformaient en réunions vivantes, en meetings, en lieux de rencontres, et en rassemblements spontanés, suivis par d'autres meetings dans les nombreuses parties de l'hôtel tentaculaire, de jour comme de nuit.

      Malgré la chaleur caniculaire, Algériens, Africains, Européens et Américains s'entassaient au Centre d'Information Afro-Américain lors de la cérémonie d'ouverture officielle le 22 juillet 1969. Julia Hervé, francophone, présenta les Panthères Noires au public. Elle remarqua que lorsque Malcolm X était venu en Afrique, il était seul, alors que les Panthères Noires étaient venues en Afrique en tant que structure organisée représentant la lutte de libération des Afro-Américain. La foule accueillit avec enthousiasme les Panthères Noires, et les visiteurs algériens du Centre étaient vraiment curieux. Ils s'amassèrent près des haut-parleurs et posèrent des questions qui révélaient une presque totale ignorance de l'existence du Parti des Panthères Noires, des objectifs de la lutte des Noirs, et des conditions des Noirs aux États-Unis. Les Algériens étaient cependant convaincus que l'impérialisme américain était un ennemi de leur pays, et ils exprimèrent chaleureusement leur solidarité avec les opposants noirs visitant leur patrie.

      Une fois le Centre ouvert et renforcé avec du personnel compétent, présent en permanence grâce aux Afro-Américains francophones que Julia avait ramenés de Paris, Cleaver était plus disponible pour consacrer son attention à un programme intensif de réunions. Il discuta avec des journalistes et figures politiques du monde entier. Il rencontra ses visiteurs-collègues des États-Unis et tenait à faire des consultations fréquentes et attentives avec les camarades Panthères qu'il n'avait pas vues, ou avec qui il n'avait pas parlées depuis son départ de Californie.
      Pendant le Festival, Cleaver rencontra l'Ambassadeur de la République Démocratique de Corée. Elaine Klein arrangea la rencontre à la demande de l'Ambassade coréenne et servit d'interprète, car Cleaver ne parlait que l'anglais et un peu d'espagnol alors que la langue de tous les jours en Algérie était le français. L'Ambassadeur coréen invita Cleaver à assister à la Conférence Internationale des Journalistes Révolutionnaires en septembre à Pyongyang. Étaient attendus des journalistes de toute la planète, et les hôtes coréens voulaient avoir une Panthère Noire pour représenter les États-Unis.

      Le séjour de Cleaver à Cuba n'avait pas refroidi son enthousiasme pour le socialisme, et il considérait Cuba comme trop lié à l'Union Soviétique pour conserver une liberté d'action. Il avait appris à ne rien attendre les superpuissances soviétiques. Le gouvernement coréen se sentait particulièrement concerné par les problèmes des petits pays et conservait résolument son indépendance malgré sa proximité avec la Chine et l'Union Soviétique. Cleaver fut sensible à l'intense hostilité de la Corée vis-à-vis de l'impérialisme américain, et il entrevut que son voyage en Corée pouvait être politiquement fructueux pour le Parti des Panthères Noires. Il était impatient de reprendre le travail pour établir des contacts internationaux et gagner des soutiens au mouvement des Panthères Noires parmi les pays socialistes engagés dans la solidarité internationale prolétarienne. Cleaver accepta l'invitation à la conférence, initiant une longue et étroite association entre les représentants de la Corée du Nord et le Parti des Panthères Noires à Alger.

      Une fois le Festival Culturel Panafricain en route, plusieurs fugitifs afro-américains avec qui Cleaver s'était associé à La Havane le rejoignirent à Alger. Deux d'entre eux, Byron Booth [Ministre de la Défense de l'Équipe Internationale du Parti des Panthères Noires ─ NdT] et Clinton Smith, avaient fait de la prison avec Cleaver des années auparavant, où ils avaient tous été inspirés par Malcolm X pour s'engager dans la Révolution noire. Booth et Smith étaient des têtes brûlées, aventuriers, dans la fin de leur vingtaine, qui n'avaient pas l'intention de passer leur vie en prison. En juin 1969, ils réussirent à s'échapper d'une prison peu sécurisée du Sud de la Californie et détournèrent immédiatement un avion pour Cuba. Une fois Booth et Smith arrivés à La Havane, les autorités les jetèrent directement en prison. Booth réussit à faire passer clandestinement un message à Cleaver. Tous les deux s'évadèrent du camp de travail rural et se présentèrent à sa porte à La Havane. L'appartement était connu sous de le nom « la casa de las Panteras » parce que tous les fugitifs noirs étaient rassemblés là. Une partie des difficultés avec ses hôtes cubains provenait de sa tentative d'améliorer le statut de Booth et Smith, car il avait fait pression sur les autorités cubaines pour qu'elles les traitent comme des révolutionnaires plutôt que comme des criminels.

      Les autres fugitifs qui ont quitté La Havane pour rejoindre Cleaver en Algérie étaient James « Akili » Patterson, sa femme Gwen, et leur fille Tanya. A Cuba, ils n'avaient pas eu de conflit direct avec le gouvernement. Les deux premiers s'étaient impliqués dans le mouvement noir pendant leurs études à l'université en Californie. Après avoir été arrêté pour port d'arme dissimulé, Patterson détourna un avion pour Cuba pour éviter d'aller au tribunal et emmena sa jeune femme, enceinte, avec lui. Du fait que l'engagement de Patterson avec le Parti des Panthères Noires pouvait être vérifié, les Cubains installèrent le couple au Havana Libre, l'ancien Hôtel Hilton, et subvinrent à leurs besoins. Ils voyagèrent jusqu'à Alger parce qu'ils croyaient que la participation publique du Parti des Panthères Noires au Festival Culturel Panafricain signifiait qu'en tant que révolutionnaires noirs, ils recevraient un accueil plus chaleureux en Algérie qu'à Cuba.

      A La Havane, le couple fut surpris de découvrir que le gouvernement considérait que l'accent mis sur la fierté [Black pride] et la solidarité noires subvertissait la propagation du communisme. La ligne officielle était que chacun est l'égal de l'autre, et que le racisme n'existe plus dans leur pays socialiste. Mais la brièveté de la révolution n'avait pas détruit entièrement l'héritage de l'esclavage et de la ségrégation à Cuba, et les Noirs américains étaient spécialement sensibles à l'évidente stratification raciale à La Havane. Le gouvernement communiste était composé de manière écrasante de Blancs, mais la population de Cuba était très mélangée « racialement » [racially].

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      • #4
        Suite

        Puisque les autorités cubaines décourageaient la formation d'organisation basée sur la « race » [racially based], il devint clair pour les fugitifs à La Havane que le soutien cubain pour le mouvement de libération noir aux États-Unis était valable seulement pour l'exportation.

        Après être devenu fugitif des États-Unis, Cleaver est déclaré « [ennemi] national désigné » [designated national] de Cuba par l'Enemy Act. Cette loi autorise le Département du Trésor de geler tous ses avoirs aux États-Unis et d'engager des poursuites judiciaires contre tout Américain faisant des affaires avec lui. Le départ de Cleaver pour Cuba rend légalement possible le retrait de cette désignation et des sanctions afférentes. Alan Brodsky, un des avocats de Cleaver à San Francisco, apporta à Alger pendant le Festival les papiers que Cleaver avait besoin de signer avec un représentant officiel du gouvernement des États-Unis. Ceci signifiait que Brodsky et Cleaver devaient rendre visite au Consul des États-Unis à la Section des Intérêts Américains de l'Ambassade de Suisse. L'ancienne ambassade américaine a purement et simplement hissé le drapeau suisse, posé un nouveau panneau d'indication sur la route, et retiré ses Marines, ce qui signifiait que Cleaver pouvait entrer librement dans l'ambassade sans être arrêté. Comme le pays dans lequel il avait trouvé refuge, Cleaver est politiquement antagoniste mais économiquement dépendant des États-Unis.

        Ironiquement, sa propre situation reflète le statut dual qu'il a décrit comme caractéristique des Noirs en Amérique :

        « Les Noirs en Amérique du Nord sont hantés [plagued] par leur statut ambivalent. Ils sont à la fois esclaves et chrétiens, ils sont à la fois libres et ségrégués, ils sont à la fois intégrés et colonisés. Dans le passé cette dualité a joué à notre désavantage. Elle n'a cessé de nous faire tourner en rond. Aujourd'hui, nous proposons de la tourner à notre avantage, de la même manière que nous avons retourné la « noireté » [blackness] d'un désavantage vers un point de ralliement avantageux ».

        Ce statut ambivalent hantait encore les Panthères Noires dans leurs associations avec les individus et organisations du Tiers-monde, leurs liens avec les États-Unis provoquant à la fois de l'attraction et de la méfiance.
        Après la fermeture du Festival début août, le Centre d'Information Afro-Américain ferma ses portes, et les Panthères Noires venant des États-Unis retournèrent chez elles. Mais les Cleaver et leur fils, qui était né pendant le Festival, ainsi que tous les fugitifs de La Havane restèrent à Alger.

        Le Ministère de l'Information algérien refusa la requête de Cleaver pour transformer le Centre en bureau permanent. Sa requête ultérieure pour établir une installation des Panthères Noires à Alger fut référée au Conseil de la Révolution, le corps d'officiers militaires qui gouvernent l'Algérie. Elaine Klein, l'intermédiaire auprès des autorités algériennes, suggéra à Cleaver de rencontrer le commandant Hoffman pour discuter de la requête. Aucune date ne fut fixée pour cette rencontre, et elle affirma qu'il devait juste attendre.

        Le manque de relations formelles avec le gouvernement algérien n'a pas empêché les Panthères Noires de nouer des liens avec les mouvements de libération officiellement reconnus, ou d'être inclus dans les cérémonies officielles quand d'autres mouvements étaient juste participants. Le FLN invita les Panthères Noires à assister à une conférence de presse au siège de Amilcar Cabral, leader du PAIGC (Parti Africain pour l'Indépendance de la Guinée-Bissau et des Iles du Cap Vert) en visite à Alger.

        Pour les mouvements de libération africains, Alger était un centre de communication idéal, puisque que la presse à la fois occidentale et socialiste était bien représentée dans la ville. Le Front de Libération Nationale du Vietnam (FLNV) était représenté à Alger de même que le gouvernement de la République Démocratique du Vietnam.

        Les Panthères Noires furent invitées par le FLNV pour la cérémonie de commémoration de la mort de Ho Chi Minh en septembre, et Cleaver y fut chaleureusement accueilli. L'absence de barrière linguistique entre les Panthères Noires et les représentants des mouvements de libération d'Afrique du Sud et du Zimbabwe permit des liens plus proches, au niveau personnel, mais aussi au niveau politique, les Panthères trouvant leurs plus forts soutiens parmi ceux qui subissent directement la stratégie politique des États-Unis : les Palestiniens, les Vietnamiens, et les Nord-Coréens.

        N'étant invités du gouvernement que durant le Festival, les Panthères Noires devaient trouver des lieux où vivre à Alger. Les logements étaient rares, la capitale était pleine de migrants ruraux cherchant du travail ; mais les emplois étaient encore plus rares. En dehors des cercles politiques internationaux, les Panthères se retrouvaient culturellement isolées dans une société islamique francophone et arabophone.

        Peu de Noirs vivaient le long de la côte méditerranéenne en Algérie, et la majorité des habitants d'Alger étaient Berbères. La mère de Julia Hervé, Ellen Wright, agente littéraire à Paris, rendit visite à Cleaver pendant le Festival. En même temps qu'elle accepta de négocier des contrats pour de futures publications pour lui, elle lui avança une somme considérable d'argent en dollars américains. Cet argent tant désiré permit à Cleaver d'organiser sa vie privée à Alger et aussi d'aider toute la délégation des Panthères. La semaine avant de partir pour Pyongyang, Cleaver loua un appartement spacieux mais austère dans la banlieue d'Alger au bord de la Méditerranée. Les deux familles avec enfants déménagèrent dans l'appartement, tandis que les deux hommes célibataires restèrent dans un hôtel peu cher d'Alger qui était devenu leur résidence.

        Extrait de Kathleen Neal Cleaver, "Back to Africa : The Evolution of the International Section of the Black Panther Party (1969-1972)", in Charles Jones (editor), The Black Panther Party Reconsidered, Black Classic Press, Baltimore, 1998, pp. 211-254. Traduction : Abdellali Hajjat.

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        • #5
          les enfant de la revolution ont avorté ses reves.................quand un messali lhaj meur en exi et un boudiaf meurt devant les tv du monde ...............
          ainsi va le monde mon ami

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          • #6
            De révolution en révolution, de révolutionnaires à d'autres, nous n'avons pourtant que "régressionné".
            Comment se fait-il, mon bon camarade, que toutes nos révolutions et nos braves révolutionnaires n'aient rien changé à notre sort?
            Comment se fait-il que tant de misère s'abattent ainsi sur nos pauvres têtes de braves et honnêtes gens?

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            • #7
              et ce que l'algérie a gagne de tout ça?,rien
              dans l'epoque que vous appellez decennie noire,est ce que une quelconque organisations revolutionnaires ou ces blacks muslims vous a exprime qq soutien ou sympathie?nada.
              Dernière modification par Ismail2005, 29 mars 2008, 18h55.

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              • #8
                Ceci est un réel temoignage historique de ce que l'Algérie a entrepris en faveur des mouvements de libertation à travers le monde, en droite ligne avec ses principes révolutionnaires et la lutte de son peuple pour retrouver sa liberté.

                On ne cherche pas à discuter ici de ce que l'Algérie a eu à gagner ou à perdre aprés ces prises de postion, mais juste mettre en relief une glorieuse page de l'histoire de l'Algérie et que si beaucoup de peuples aujourd'hui à travers le monde jouissent de leur droits et de leur liberté c'est un peu grace à l'Algérie.

                Et pour tous ceux qui doutent de l'implication de l'Algérie dans les luttes révolutionnaires voici un excellent témoignage et qui explique pourquoi elle continue à soutenir jusqu'à présent les peuples qui luttent pour leur indépendance :

                Des fugitifs de toute l'Afrique et d'autres parties du monde vivaient en paix à Alger à mesure que la nouvelle nation devint l'hôte de représentants de presque tous les mouvements de libération d'Afrique, du mouvement de libération palestinien, et de plusieurs groupes révolutionnaires extérieurs à l'Afrique, incluant des exilés politiques du Brésil et du Canada.

                La politique étrangère de l'Algérie soutenait toutes les luttes contre la domination coloniale, sinon matériellement, du moins dans le discours.

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                • #9
                  L'algérie restera toujours la mecque d'un combat à venir. c'est comme ça depuis la nuit des temps. du plus noble au plus barbare.
                  « Great minds discuss ideas; average minds, events; small minds, people. » Eleanor ROOSEVELT

                  Commentaire


                  • #10
                    Oh que c’est long c’est long ! Wé wé un passé glorieux et nostalgique pour certains ! Mais voila un tout petit petit échantillon de ce qui est devenu notre Dzair!

                    http://www.algerie-dz.com/forums/showthread.php?t=75295

                    "Je déteste les victimes quand elles respectent les bourreaux". Jean-Paul Sartre

                    Commentaire


                    • #11
                      L'algérie restera toujours la mecque d'un combat à venir.

                      Et aussi la mecque de la grande khatfa!
                      "Je déteste les victimes quand elles respectent les bourreaux". Jean-Paul Sartre

                      Commentaire


                      • #12
                        Oh que c’est long c’est long ! Wé wé un passé glorieux et nostalgique pour certains ! Mais voila un tout petit petit échantillon de ce qui est devenu notre Dzair!

                        http://www.algerie-dz.com/forums/showthread.php?t=75295
                        elle etait, elle est, comment sera t elle?
                        « Great minds discuss ideas; average minds, events; small minds, people. » Eleanor ROOSEVELT

                        Commentaire


                        • #13
                          L'algérie restera toujours la mecque d'un combat à venir.

                          Ta question pose là, aux harragas, aux pères de famille chômeurs, aux locataires des bidons ville, les laissés pour compte et à tous toutes qui vivent dans la précarité et la misère totale! T'inquiéte tu seras servi à juste mesure...
                          "Je déteste les victimes quand elles respectent les bourreaux". Jean-Paul Sartre

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                          • #14
                            Envoyé par jamoman
                            Ta question pose là, aux harragas, aux pères de famille chômeurs, aux locataires des bidons ville, les laissés pour compte et à tous toutes qui vivent dans la précarité et la misère totale! T'inquiéte tu seras servi à juste mesure...
                            Merci pour ton intervention, mais tu fais du hors sujet et tu pollues le topic innutilement.

                            Ici en parle du role de l'Algérie dans la lutte des peuples et son aide pour les mouvements de libération du monde entier et pas d'autre chose.

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                            • #15
                              Ici en parle du role de l'Algérie dans la lutte des peuples et son aide pour les mouvements de libération du monde entier et pas d'autre chose.
                              MenDz
                              Est ce que la Kabylie fait partie du monde de l'Algerie ?

                              Commentaire

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