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Victoire de la Zaouia sur les «think tank»

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  • Victoire de la Zaouia sur les «think tank»

    El-Qaïda fait transiter par l'Algérie des touristes autrichiens, enlevés en Tunisie, pour les acheminer vers le Mali.
    Dans le nord de ce pays sahélien, frontalier avec l'Algérie, une attaque meurtrière menée par une dissidence targuie provoque un nouvel embrasement. Cette rébellion, à l'état endémique, sévit dans un autre pays frontalier avec l'Algérie, le Niger. Au sud-ouest, alors que le conflit du Sahara occidental est toujours dans l'impasse, la Mauritanie est, à son tour, prise dans l'engrenage de l'expansionnisme terroriste, avec ses inévitables débordements médiatiques et politiques en Algérie.

    De plus, toute cette région sahélienne subit un vaste mouvement d'émigration du sud vers le nord, qui aboutit en Algérie avant de se déverser en Europe. A l'ouest, le Maroc met la pression pour l'ouverture des frontières, en lançant une proposition pour normaliser les relations bilatérales, une proposition qui a tout l'air d'une opération médiatique conjoncturelle.

    Au nord, le projet d'Union méditerranéenne ouvre un nouveau front diplomatique majeur. Et pendant tout ce temps, les Etats-Unis maintiennent la pression, avec un projet d'établir un nouveau commandement en Afrique, destiné à combattre un terrorisme transnational qui tenterait d'utiliser les vastes espaces désertiques du Sahel comme nouvelle base pour compenser la perte de l'Afghanistan.

    Au milieu de ce vaste cafouillage, des responsables russes, traditionnellement très discrets, affirment que le différend sur les fameux avions Mig 29 que l'Algérie devait acheter à la Russie, n'a pas de fondement technique, mais relève de choix politiques. La France, affirme ce responsable russe, est en course pour vendre à l'Algérie des «Rafale», des avions qui auraient les mêmes performances que les Mig, mais coûteraient plus cher. Cette énumération de crises et de dossiers diplomatiques brûlants auxquels fait face l'Algérie montre qu'une redistribution majeure des cartes est en train de s'opérer dans la région. Avec comme enjeu l'établissement d'une nouvelle carte dans cette partie du monde. Tout le monde s'agite, les uns comme acteurs, d'autres comme sous-traitants, et une troisième catégorie constituée d'exécutants chargés de mettre la pression et de créer les points de tension nécessaires pour imposer la nouvelle redistribution.

    Dans cette bataille à grande échelle, l'Algérie ne semble guère disposer des armes nécessaires, alors que toutes ses frontières font l'objet de pressions insupportables. En fait, le pays donne réellement l'impression d'être assiégé. Mais sur l'ensemble des dossiers en jeu, l'Algérie n'a pas défini une position claire, à l'exception d'un refus public de l'établissement de bases militaires étrangères sur son territoire. Pour le reste, tout est en suspens.

    Sur le Maghreb, la seule réaction est venue du ministre de l'Intérieur Yazid Zerhouni, qui a pris soin de préciser que la position exprimée est « personnelle ». Cet aveu est significatif de ce que sont devenues les institutions algériennes. En effet, Yazid Zerhouni est le ministre le plus important du gouvernement de M. Abdelaziz Belkhadem. Et quel que soit le jugement porté sur lui, il reste l'un des rares ministres à faire preuve d'un certain sens de l'état. Pourtant, dans cette affaire marocaine, il a développé une démarche solide, mais s'est trouvé contraint de préciser que c'était une simple analyse personnelle. Il ne s'agit donc pas d'une position du gouvernement algérien, qui n'en a pas sur ce sujet, ni sur de nombreuses autres questions.

    Le gouvernement n'a pas encore jugé nécessaire d'examiner la question. Plus grave, il ne l'avait pas anticipée, et n'a pas de contre-proposition ni d'alternative sur la question. Les mécanismes de décision dans ce type de situation ne fonctionnent apparemment plus.

    A cela s'ajoute une autre défaillance majeure : l'inexistence d'une démarche politique cohérente sur laquelle n'importe quel responsable, quelle que soit sa place dans la hiérarchie, peut se prononcer sans risque de se tromper. Sur ce point, l'Algérie fait le chemin inverse de ce qui était attendu. Alors que les dossiers politiques et économiques gagnaient en complexité, le pouvoir s'est dépouillé progressivement des instruments nécessaires pour analyser les situations, les étudier, et l'aider à prendre la bonne décision. Les institutions officielles ont largement perdu de leurs capacités, dans un système qui considère le désaccord comme une opposition à éliminer et non comme une richesse supplémentaire à préserver.

    L'expertise indépendante a ainsi disparu, car les chefs préfèrent les « spécialistes » qui justifient toutes leurs décisions et les glorifient, plutôt que ceux qui font une analyse indépendante qui risque de contrarier les choix du pouvoir. Il suffirait pourtant de voir ce qui se passe ailleurs pour se rendre compte de la formidable évolution enregistrée dans ce domaine. En plus des institutions traditionnelles -administration, diplomatie, services de renseignements, etc.- le monde moderne a connu un foisonnement exceptionnel d'instituts et de centres de recherches qui offrent l'expertise nécessaire sur tous les sujets. A cela s'ajoute l'association indispensable de l'université à ce système de prise de décision.

    Ce monde de l'expertise fournit la matière nécessaire aux hommes politiques, qui peuvent en faire l'usage qu'ils veulent. Mais l'existence de cette expertise introduit souvent une dose de rationalité qui suffit à encadrer la décision politique et à éviter les erreurs les plus graves. Sauf en Algérie, où, depuis le bel enterrement de l'Institut d'Etudes stratégiques, on semble ne pas encore avoir entendu parler d'organisation institutionnelle de la réflexion, encore moins de débat politique. Entre zaouïa et think tank, le choix a été fait.

    Par Abed Charef, Le quotidien d'Oran
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