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Le rôle des mathématiques dans la chute des marchés

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  • Le rôle des mathématiques dans la chute des marchés

    Pus de 600 spécialistes internationaux des mathématiques financières se sont retrouvés, jeudi 27 et vendredi 28 mars, à la Chambre de commerce et d'industrie de Paris pour le premier Forum international de la recherche en finance du pôle de compétitivité Finance Innovation. Ils jugent que la crise financière, loin de remettre en cause leur discipline, leur ouvre de nouveaux champs d'études : sur la nécessité d'incorporer l'éventualité d'une crise de liquidités dans leurs modèles, par exemple.

    Nicole El Karoui est professeur de mathématiques financières à l'Ecole polytechnique, fondatrice et coresponsable du Master 2 "Probabilités & Finance" de l'université Pierre-et-Marie-Curie et de l'Ecole polytechnique. Ses élèves sont recrutés à prix d'or dans les salles de marché du monde entier. Elle analyse le rôle des mathématiques dans la chute des marchés.

    Les mathématiques ont été mises en cause dans la crise financière actuelle, dans la mesure où elles auraient permis de mettre sur le marché des produits très sophistiqués que les utilisateurs ne comprenaient pas. Qu'en pensez-vous ?

    Les utilisateurs, dans les banques, comprennent ce qu'ils utilisent. Et la crise actuelle n'est pas une crise des mathématiques. Elles n'apparaissent qu'en bout de chaîne. Ce ne sont pas les mathématiciens qui ont eu l'idée de la titrisation, mais les financiers. Ceux-ci ont alors fait évaluer les risques des produits de titrisation par des agences de notation. Les maths ne sont intervenues qu'ensuite pour créer des produits dérivés permettant de se couvrir contre ces risques.

    Apparemment, les maths ont failli puisque les risques n'ont pas été couverts.


    Nos modèles sont faits pour fonctionner dans des situations ordinaires, pour des quantités raisonnables de produits vendus, dans un contexte d'activité standard pour couper des pertes de 3 % à 5 %. Pas pour des périodes de surchauffe, de bulle. Un système qui marche pour couvrir 50 millions ne marche pas pour 500. Car un modèle n'explique pas tout. Par définition, il fait des erreurs qui ne sont acceptables que si les montants en jeu sont faibles. Mais quand une voiture faite pour rouler à 120 à l'heure se met à rouler durablement à 180, des pannes surviennent, des pièces cassent, les garde-fous ne fonctionnent plus.

    Les mathématiques donnent le sentiment que l'on peut mieux contrôler. Les mathématiciens auraient peut-être dû mieux préciser que leurs modèles étaient frustes. Ils n'ont peut-être pas assez signalé le risque que faisait porter un très petit pourcentage de produits très risqués dans des produits structurés. Dans ce sens, les mathématiques sont un maillon de la crise ; mais pas le maillon décisif.

    Quel est donc, selon vous, le maillon décisif ?


    La formation d'une bulle. Car les comportements ne sont alors plus rationnels. Tout le monde y va. Le bons sens disparaît. La vraie question est donc de savoir pourquoi on laisse des bulles se former. Quand on est à l'intérieur, il n'est pas facile d'en sortir, car on gagne beaucoup d'argent. Si on sort trop tôt, on est sanctionné. Les bénéfices des banques depuis deux ans auraient dû servir d'alerte. C'était le signe d'un emballement. On ne gagne pas beaucoup d'argent sans prendre de gros risques. On s'étonne maintenant de grandes pertes. Il aurait fallu être plus vigilant sur les gains. Tout le monde a laissé faire. La crise est due au manque de régulation. Les Etats-Unis ont laissé se former cette bulle qui soutenait leur économie. Je ne peux pas croire qu'on ne savait pas qu'outre-Atlantique il y avait beaucoup trop d'argent investi dans les subprimes. Ces produits permettaient aux institutions financières de booster leur activité, à une période où les taux étaient très bas.

    Les agences de notation sont aussi en cause. On ne sait pas comment elles font leur rating.

    Quel impact la crise a-t-elle sur votre discipline ?


    Elle crée de la demande de mathématiques pour améliorer la gestion des risques ; il s'agit de mieux comprendre, de mieux analyser les risques des produits dérivés et des salles de marché ; de s'intéresser davantage à la taille des positions et de mettre en place davantage d'alertes.

    Il faut aussi éduquer au risque et mieux informer sur les possibles erreurs des modèles. La crise nous oblige à analyser des phénomènes jamais vus. Car chaque krach est différent du précédent.

    LEXIQUE

    SUBPRIME :
    crédit hypothécaire accordé aux Etats-Unis par des établissements spécialisés, non régulés, à des ménages modestes, sans considération de leur capacité à rembourser.
    TITRISATION :
    montage permettant à un établissement financier de transférer le risque de non-remboursement d'un crédit en le transformant en produit complexe vendu sur le marché.
    PRODUIT STRUCTURÉ :
    combinaison de produits financiers, destinée à protéger ou à garantir tout ou partie d'un capital, tout en offrant une espérance de rendement supérieure aux produits classiques.

    Par Le Monde
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