Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Méditerranée : pourquoi l'union n'a pas fait la force

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Méditerranée : pourquoi l'union n'a pas fait la force

    Le projet d'Union méditerranéenne de Nicolas Sarkozy a récemment été recadré et endossé au niveau européen: des habits neufs pour un dossier presque aussi vieux que la Communauté européenne elle-même. Retour sur des relations euro-méditerranéennes marquées par des insuccès successifs, pour employer une litote.

    Mis en place en 1969, les accords "d'association" d'abord signés avec le Maroc et la Tunisie prévoyaient un accès préférentiel au marché européen accompagné de protocoles financiers. Les accords "de coopération", incluant l'Algérie, leur ont succédé en 1976. Ces accords étendaient les préférences commerciales à 80% des produits agricoles exportés et prévoyaient une coopération économique et financière. En 1988, les accords dits "d'adaptation" devaient supprimer les derniers obstacles douaniers à l'accès au marché européen pour les pays du Sud de la Méditerranée, de façon non réciproque.

    Quel bilan peut-on tirer de ces accords successifs? Les préférences commerciales accordées par l'Europe, étroites en termes de champ couvert, ont finalement conduit à une hyperspécialisation de la rive Sud de la Méditerranée dans certains produits agricoles et le textile-habillement.

    Cette spécialisation a rapidement été confrontée aux élargissements successifs de la Communauté européenne, d'abord au Sud (concurrence sur les produits agricoles) puis à l'Est (concurrence sur les produits industriels et les investissements directs); puis à l'accès privilégié obtenu par la Turquie et, plus récemment, à la concurrence nouvelle des pays d'Asie suite au démantèlement des accords multifibres. Quant aux protocoles financiers, ils ont transféré des sommes tout à fait modestes, lesquelles ont en partie été captées par un système financier local protégé, conduisant à une allocation peu efficace des fonds.

    En quinze ans, les transferts financiers vers le Maghreb ont représenté moins de 35 dollars par habitant (en dollars de 1987). Faute d'un véritable marché régional, les investissements étrangers n'ont pas non plus afflué. Seuls les envois de fonds par les travailleurs émigrés en Europe ont représenté une manne financière importante, en particulier au Maghreb.

    Face à cet enlisement, l'Union européenne a voulu réagir: en novembre 1995, la conférence euro-méditerranéenne de Barcelone a fixé l'objectif de créer la plus grande zone de libre-échange du monde, à l'horizon 2010, avec dix pays de la rive Sud. Ce nouveau partenariat européen était doté de fonds importants destinés à des coopérations diverses, à travers le programme financier Meda, doté de 3 milliards pour la période 1995-1999 et de 5 milliards pour 2000-2006. S'y ajoutaient les financements de projets par la Banque européenne d'investissement. Mais, à cette époque, comme on l'a vu plus haut, les frontières européennes s'étaient déjà largement ouvertes.

    L'accord de libre-échange s'apparentait donc à un abaissement unilatéral des barrières douanières par le Sud de la Méditerranée, sans contrepartie commerciale sur la rive Nord, et ce d'autant plus que l'accord excluait quelques produits sensibles pour lesquels le marché européen ne s'ouvrirait pas. Sous la pression européenne, les accords bilatéraux ont été signés un à un, sur le mode "hub and spoke", sans qu'un véritable marché régional ne se mette en place, dans un contexte géopolitique il est vrai dégradé.

    Pour relancer l'intérêt des Etats membres non riverains de la Méditerranée, de plus en plus nombreux avec les derniers élargissements, l'Union a alors souhaité définir une "nouvelle politique de voisinage" vis-à-vis de tous ses voisins, de l'Ukraine au Maroc en passant par l'Asie centrale.

    Cette dilution de la question méditerranéenne partait sur des bases fragiles: comment parler des voisins quand les frontières de l'Union ne sont pas encore définies? Comment traiter de façon commune des voisins aussi différents en termes de démographie, de ressources naturelles, de spécialisations, d'histoire? Pourquoi exclure du dispositif le seul vrai voisin posant des questions décisives, à savoir la Russie?

    Que le projet français ait été édulcoré le 13 mars et soit finalement une remise au goût du jour du processus de Barcelone, nul ne s'en étonnera. La bonne nouvelle est que la Méditerranée soit à nouveau sur l'agenda bruxellois.

    Par Agnès Benassy-Quéré et Lionel Fontagné, du Cepii (Centre d'études prospectives et d'informations internationales)
Chargement...
X