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Brzezinski : comment sortir intelligemment de cette folle guerre

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  • Brzezinski : comment sortir intelligemment de cette folle guerre

    31 mars 2008L’ancien conseiller du président Carter, qui a pris fait et cause pour Obama, développe ici un plan de retrait américain de l’Irak. Contre la résignation à une guerre sans fin, il en appelle au courage politique et pointe une vérité trop peu admise : c’est l’occupation qui attise la violence, et tant que celle-ci durera, l’Irak ni le Moyen Orient ne connaîtront la paix.


    Par Zbigniew Brzezinski, Washington Post, 30 mars 2008

    Les deux candidats Démocrates à l’élection présidentielle s’accordent sur le fait que les États-Unis devraient mettre fin à leur engagement dans les combats en Irak dans les 12 à 16 mois suivant leur éventuelle prise de fonction. De son côté, le candidat Républicain parle de poursuivre la guerre, éventuellement durant une centaine d’années, jusqu’à la « victoire ». La question centrale de cette campagne porte donc sur un désaccord majeur quant au bien-fondé de cette guerre et sur les avantages et les coûts de sa poursuite.

    Les arguments en faveur du désengagement des Etats-Unis, sont en eux-mêmes incontestables. Mais ils doivent aussi s’accompagner d’efforts politiques et diplomatiques en vue d’atténuer les conséquences de la déstabilisation régionale née d’une guerre que l’administration Bush a délibérément commencée, démagogiquement justifiée et mal menée. (Je m’exprime en tant que Démocrate, et si mes préférences vont au sénateur Barack Obama, je parle ici en mon nom.)

    Le contraste est considérable entre l’argumentaire Démocrate pour la fin de la guerre et celui des Républicain pour sa poursuite. La position en faveur de la fin de la guerre est justifiée par son évident coût prohibitif, alors que celle consistant à « maintenir le cap » s’appuie sur les craintes de l’inconnu et des scénarios catastrophes. Les prévisions de catastrophe régionale du président Bush et du sénateur John McCain rappellent la théorie de la « chute des dominos » qui avait été utilisée pour justifier l’intervention américaine au Vietnam. Ni l’un ni l’autre n’apportent de preuves réelles que la fin de la guerre serait un désastre, mais leur utilisation des réflexes de peur rend plus acceptable sa prolongation.

    Cependant, si on avait demandé au peuple américain il y a cinq ans si l’obsession de Bush pour le renversement de Saddam Hussein valait 4000 vies américaines, près de 30 000 blessés et plusieurs milliards de dollars - sans parler des dommages non mesurables infligés à la crédibilité, à la légitimité et au statut moral des USA dans le monde entier - presque certainement la réponse à cette question aurait été un « non » sans équivoque.

    Mais la facture de ce fiasco ne s’arrête pas là. La guerre a enflammé les passions anti-américaines au Moyen-Orient et en Asie du Sud tout en désagrégeant la société irakienne. Elle a également permis une augmentation de l’influence de l’Iran. La récente visite du président iranien Mahmoud Ahmadinejad de à Bagdad apporte la preuve évidente que le gouvernement installé par les USA en Irak n’est lui-même pas insensible aux attentions de l’Iran.

    En résumé, cette guerre est devenue une tragédie nationale, un désastre économique, une catastrophe régionale menaçant les USA d’un « effet boomerang ». Y mettre fin relève du plus haut intérêt de la nation.

    Mettre fin à l’engagement militaire américain demande plus qu’une simple décision militaire. Cela nécessitera la mise ne place d’accords avec les dirigeants irakiens pour le maintien résiduel d’une capacité militaire américaine à même de fournir une aide d’urgence dans l’éventualité d’une menace extérieure (par exemple, en provenance d’Iran). Cela signifie également qu’il faut trouver des moyens permettant d’assurer la continuité du soutien des Etats-Unis pour les forces armées irakiennes dans leur lutte contre les éléments d’Al-Qaïda restant en Irak.

    La décision de se désengager militairement devra également être accompagnée de politiques et d’initiatives régionales visant à se prémunir contre des risques potentiels. Nous devrions débattre pleinement de nos décisions avec les dirigeants irakiens, y compris ceux qui ne résident pas dans la Zone verte de Bagdad, et nous devons engager des pourparlers sur la stabilité régionale avec l’ensemble des voisins de l’Irak, y compris l’Iran.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    Contrairement à ce que prétendent les Républicain en prédisant que notre départ serait une calamité, un désengagement judicieusement mené rendra effectivement l’Irak plus stable sur le long terme. L’impasse actuelle dans les relations entre les chiites et les sunnites est en grande partie le sous-produit délétère d’une occupation américaine destructrice, qui met les irakiens en situation de dépendance en même temps qu’elle bouleverse la société irakienne. Dans ce contexte, qui rappelle fortement celui de l’époque coloniale britannique, plus nous resterons en Irak, moins les groupes qui s’opposent seront encouragés aux compromis et plus ils auront de raisons de rester à l’écart. Un dialogue sérieux avec les dirigeants irakiens portant sur un prochain désengagement américain les forcerait à sortir de leur léthargie.

    Mettre fin à l’effort de guerre des États-Unis comporte certains risques, bien sûr, mais ils sont inéluctables après tant de temps. Certaines régions de l’Iraq sont déjà autonomes, notamment le Kurdistan, une partie des chiites au sud ainsi que certaines régions tribales dans le centre sunnite. Un désengagement militaire des Etats-Unis va accélérer la concurrence entre les irakiens pour contrôler plus efficacement le territoire, ce qui peut provoquer une phase d’intensification des conflits entre eux. Mais ce danger est incontournable, c’est la conséquence de l’occupation prolongée des États-Unis. Plus longtemps durera celle-ci, plus il sera difficile pour un État irakien viable de se réinstaller.

    Il est également important de reconnaître que la plupart des insurgés anti-américains en Irak n’ont pas été inspirés par Al Qaïda. Les groupes jihadistes installés localement n’ont acquis de la force que dans la mesure où ils ont été capables de s’identifier à la lutte contre un occupant étranger haï. Quant l’occupation prendra fin et que les Irakiens prendront la responsabilité de la sécurité intérieure, les membres d’Al Qaïda en Irak se trouveront plus isolés et seront moins en mesure de se maintenir. La fin de l’occupation sera donc une opportunité pour la guerre contre Al Qaïda, mettant ainsi un terme à une aventure malheureuse qui non seulement a précipité l’apparition d’Al-Qaïda en Irak, mais a aussi détourné les États-Unis de l’Afghanistan, où la menace originelle d’Al Qaida persiste et augmente.

    Se rapprocher du terme de l’engagement militaire des Etats-Unis ouvrirait également la voie vers une vaste initiative américaine adressée à l’ensemble des voisins de l’Irak. Certains restent réticents à s’engager dans toute discussion tant que Washington semble déterminé à maintenir son occupation de l’Irak indéfiniment. Par conséquent, à un certain moment l’année prochaine, après que la décision de désengagement aura été annoncée, une conférence régionale devrait être organisée pour promouvoir la stabilité régionale, le contrôle des frontières et d’autres arrangements en matière de sécurité, ainsi que le développement économique régional. Cette initiative permettrait de pallier aux risques inévitables liés à désengagement des Etats-Unis.

    Dans la mesure où les voisins de l’Irak sont eux aussi vulnérables à l’intensification des conflits ethniques et religieux exportés depuis l’Irak, chacun d’entre eux - quoique pour des raisons différentes - est susceptible d’être intéressé. Des pays arabes plus lointains, comme l’Egypte, le Maroc ou l’Algérie pourraient également y participer, et certains d’entre eux pourraient être disposés à fournir à l’Irak des forces de maintien de la paix une fois que le pays sera libéré de l’occupation étrangère. En outre, nous devrions envisager un programme régional d’assistance visant à aider l’Irak à se reconstruire et à alléger le fardeau supporté en particulier par la Jordanie et la Syrie qui ont accueilli plus de 2 millions de réfugiés irakiens.

    L’objectif général d’une stratégie globale des États-Unis en vue de réparer les erreurs de ces dernières années devrait être de faire baisser la tension au Moyen-Orient, au lieu de l’accroître. L’opportunité du « moment unipolaire » né de l’effondrement de l’Union soviétique et vanté par les zélotes de l’administration Bush a été gaspillée en mettant en oeuvre une politique fondée sur le recours unilatéral à la force, les menaces militaires et l’occupation déguisée en démocratisation - qui ont accru inutilement les tensions, alimenté des ressentiments anti-coloniaux et nourri le fanatisme religieux. La stabilité à long terme du Moyen-Orient a été mise en danger de façon croissante.

    Mettre fin à la guerre en Irak est la première étape nécessaire à l’apaisement du Moyen-Orient, mais d’autres mesures seront nécessaires. Il est dans l’intérêt des Etats-Unis de s’engager dans des négociations sérieuses avec l’Iran portant à la fois sur la sécurité régionale et le défi nucléaire posé par Téhéran. Mais ces négociations resteront peu envisageables aussi longtemps que Washington exigera que le prix de la participation soit des concessions unilatérales de la part de Téhéran. Les menaces d’utiliser la force contre l’Iran sont également contreproductives parce qu’elles ont tendance à fusionner le nationalisme iranien avec le fanatisme religieux.

    De réels progrès dans le processus de paix israélo-palestinien, pour l’instant dans une mauvaise impasse, permettraient aussi d’apaiser les passions nationalistes et religieuses à l’œuvre dans la région. Mais pour que ce progrès puisse avoir lieu, les États-Unis doivent encourager vigoureusement les deux parties à commencer à faire les concessions mutuelles sans lesquelles un compromis historique ne peut être atteint. La paix entre Israël et la Palestine serait un pas de géant vers une plus grande stabilité régionale, qui permettrait enfin aux Israéliens et aux Palestiniens de bénéficier du développement du Moyen-Orient.

    Nous avons déclenché cette guerre imprudemment, mais nous devons mettre un terme à notre participation à ce conflit de façon responsable. Et nous devons y mettre fin. Car l’option alternative n’est en fait qu’une paralysie politique guidée par la peur et perpétuant la guerre - au détriment l’Amérique et de son histoire.

    Zbigniew Brzezinski a été le Conseiller à la Sécurité Nationale du Président Jimmy Carter.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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