Peut-on sortir de l'euro ?
Intervention prononcée par Jean-Luc Gréau, Economiste, auteur de L'Avenir du capitalisme (Gallimard, 2005), au colloque du 18 février 2008, Quel gouvernement économique de la zone euro ?
J'interviens en fin de soirée, après des exposés nombreux et denses, sur un sujet à rebours du sens des interventions précédentes qui tendaient toutes à dire, d'une façon ou d'une autre, qu'il faut pour la zone euro un gouvernement économique approprié en matière de taux de change, de régulation monétaire, d'harmonisation fiscale etc.
Je ne vais pas vous présenter l'exposé que j'avais prévu, préférant rebondir sur quelques-uns des thèmes développés à cette table.
Ô combien je suis d'accord avec Jean-Pierre Robin, quand il dit que la période euro s'étend sur quinze ans, en effet, la période préparatoire a été essentielle. J'ai dit devant la Fondation Res Publica, le 24 avril 2006 (1), que le déficit public et surtout la dette publique française avaient explosé pendant cette période. Entre 1992 et 1998, notre dette, qui était la plus faible des grandes économies européennes, est passée de 32% à 58%, ceci a été confirmé par le rapport Pébereau. C'est à ce moment-là qu'on a franchi la ligne rouge et je vous avais dit ce jour-là qu'on ne la repassera pas en sens inverse, quels que soient nos efforts.
Ô combien Jean-Michel Quatrepoint a eu raison de dire que la prospérité espagnole est en large partie un leurre, appuyé sur un secteur immobilier pléthorique et sur des conditions d'endettement des ménages particulièrement favorables. C'est la situation américaine, c'est la situation anglaise, c'est la situation irlandaise. Ce modèle anglo-américain est aussi en train d'être recopié dans les pays d'Europe centrale et dans les pays baltes.
Ô combien je suis d'accord avec différents propos qui ont été tenus sur la difficulté de faire une zone monétaire homogène.
Ô combien j'ai écouté avec attention l'exposé de Madame Bouvier sur le non-avènement de l'agenda de Lisbonne. Je ferai toutefois une remarque concernant la recherche&développement. Quand on dit qu'il faut stimuler la recherche&développement - privée ou publique - pour accomplir les innovations qui pourrait soutenir notre compétitivité extérieure, il faut se demander comment il se fait que l'un des pays les plus en pointe dans ce domaine, les Etats-Unis d'Amérique, connaissent un déficit abyssal de leurs échanges extérieurs, en dépit de tous les avantages dont ils disposent : matières premières, produits agricoles et industries high tech développées. La réponse est simple : hormis le surendettement des ménages et la surimportation de produits à bas prix d'Asie, l'autre facteur est la délocalisation.
Si les Etats-Unis connaissent un déficit extérieur important et croissant dans le domaine des sciences de la vie (la médecine, le matériel médical et chirurgical, la pharmacie) et les infrastructures de télécommunications, c'est pour une raison simple, exposée par certains Américains : « Ce que nous créons ou inventons aux Etats-Unis, nous le faisons faire en Inde ou en Chine ».
Donc, avant de dépenser un peu plus d'argent dans le domaine de la R&D publique ou privée, il faut se demander où seront réalisées ces innovations. C'est la question que je pose toujours, et je n'ai toujours pas de réponse.
Ô combien Gérard Lafay a eu raison d'insister sur le taux de change effectif de la zone euro.
Un exemple est éclairant : Quand George Bush junior est devenu président des Etats-Unis, on pouvait parler d'une égalité de compétitivité entre les Etats-Unis et l'Europe. En janvier de cette année l'euro s'est apprécié de 57% vis-à-vis du dollar et nous n'avons pas de réponse à cet égard.
Il me reste à répondre à la question :
Pourrait-on sortir de la zone euro ? (Horrible hypothèse !)
Techniquement oui, politiquement non.
Je vais contribuer par cette réponse au syndrome d'impuissance politique qui nous afflige tous.
L'Europe décélère, les chiffres de l'année 2007 sont d'ores et déjà obsolètes. Les indicateurs d'activité précurseurs des secteurs industriels et surtout des secteurs des services des grands pays que sont l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne et la France sont très clairs : l'Italie est entrée en récession ; l'Espagne y entre (132000 emplois détruits pendant le seul mois de janvier et un effondrement de l'indice du secteur des services) ; l'Allemagne a un secteur des services en décroissance, avec une assez bonne croissance industrielle et nous avons une croissance industrielle zéro, avec une croissance assez bonne des services. Autrement dit, l'Europe est tout près de la croissance zéro et même de la récession qui accompagnera sûrement la récession américaine.
Nous sommes donc de nouveau devant une échéance difficile, après cinq années de marasme dans le cœur de la zone euro entre 2001 et 2005 inclus et deux années d'embellie, en 2006 et 2007 - dont n'a pas profité la France, Jean-Pierre Robin a eu raison de le souligner - Je crois que nous allons être ramenés à la dure réalité de la croissance zéro, voire de la croissance négative.
Intervention prononcée par Jean-Luc Gréau, Economiste, auteur de L'Avenir du capitalisme (Gallimard, 2005), au colloque du 18 février 2008, Quel gouvernement économique de la zone euro ?
J'interviens en fin de soirée, après des exposés nombreux et denses, sur un sujet à rebours du sens des interventions précédentes qui tendaient toutes à dire, d'une façon ou d'une autre, qu'il faut pour la zone euro un gouvernement économique approprié en matière de taux de change, de régulation monétaire, d'harmonisation fiscale etc.
Je ne vais pas vous présenter l'exposé que j'avais prévu, préférant rebondir sur quelques-uns des thèmes développés à cette table.
Ô combien je suis d'accord avec Jean-Pierre Robin, quand il dit que la période euro s'étend sur quinze ans, en effet, la période préparatoire a été essentielle. J'ai dit devant la Fondation Res Publica, le 24 avril 2006 (1), que le déficit public et surtout la dette publique française avaient explosé pendant cette période. Entre 1992 et 1998, notre dette, qui était la plus faible des grandes économies européennes, est passée de 32% à 58%, ceci a été confirmé par le rapport Pébereau. C'est à ce moment-là qu'on a franchi la ligne rouge et je vous avais dit ce jour-là qu'on ne la repassera pas en sens inverse, quels que soient nos efforts.
Ô combien Jean-Michel Quatrepoint a eu raison de dire que la prospérité espagnole est en large partie un leurre, appuyé sur un secteur immobilier pléthorique et sur des conditions d'endettement des ménages particulièrement favorables. C'est la situation américaine, c'est la situation anglaise, c'est la situation irlandaise. Ce modèle anglo-américain est aussi en train d'être recopié dans les pays d'Europe centrale et dans les pays baltes.
Ô combien je suis d'accord avec différents propos qui ont été tenus sur la difficulté de faire une zone monétaire homogène.
Ô combien j'ai écouté avec attention l'exposé de Madame Bouvier sur le non-avènement de l'agenda de Lisbonne. Je ferai toutefois une remarque concernant la recherche&développement. Quand on dit qu'il faut stimuler la recherche&développement - privée ou publique - pour accomplir les innovations qui pourrait soutenir notre compétitivité extérieure, il faut se demander comment il se fait que l'un des pays les plus en pointe dans ce domaine, les Etats-Unis d'Amérique, connaissent un déficit abyssal de leurs échanges extérieurs, en dépit de tous les avantages dont ils disposent : matières premières, produits agricoles et industries high tech développées. La réponse est simple : hormis le surendettement des ménages et la surimportation de produits à bas prix d'Asie, l'autre facteur est la délocalisation.
Si les Etats-Unis connaissent un déficit extérieur important et croissant dans le domaine des sciences de la vie (la médecine, le matériel médical et chirurgical, la pharmacie) et les infrastructures de télécommunications, c'est pour une raison simple, exposée par certains Américains : « Ce que nous créons ou inventons aux Etats-Unis, nous le faisons faire en Inde ou en Chine ».
Donc, avant de dépenser un peu plus d'argent dans le domaine de la R&D publique ou privée, il faut se demander où seront réalisées ces innovations. C'est la question que je pose toujours, et je n'ai toujours pas de réponse.
Ô combien Gérard Lafay a eu raison d'insister sur le taux de change effectif de la zone euro.
Un exemple est éclairant : Quand George Bush junior est devenu président des Etats-Unis, on pouvait parler d'une égalité de compétitivité entre les Etats-Unis et l'Europe. En janvier de cette année l'euro s'est apprécié de 57% vis-à-vis du dollar et nous n'avons pas de réponse à cet égard.
Il me reste à répondre à la question :
Pourrait-on sortir de la zone euro ? (Horrible hypothèse !)
Techniquement oui, politiquement non.
Je vais contribuer par cette réponse au syndrome d'impuissance politique qui nous afflige tous.
L'Europe décélère, les chiffres de l'année 2007 sont d'ores et déjà obsolètes. Les indicateurs d'activité précurseurs des secteurs industriels et surtout des secteurs des services des grands pays que sont l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne et la France sont très clairs : l'Italie est entrée en récession ; l'Espagne y entre (132000 emplois détruits pendant le seul mois de janvier et un effondrement de l'indice du secteur des services) ; l'Allemagne a un secteur des services en décroissance, avec une assez bonne croissance industrielle et nous avons une croissance industrielle zéro, avec une croissance assez bonne des services. Autrement dit, l'Europe est tout près de la croissance zéro et même de la récession qui accompagnera sûrement la récession américaine.
Nous sommes donc de nouveau devant une échéance difficile, après cinq années de marasme dans le cœur de la zone euro entre 2001 et 2005 inclus et deux années d'embellie, en 2006 et 2007 - dont n'a pas profité la France, Jean-Pierre Robin a eu raison de le souligner - Je crois que nous allons être ramenés à la dure réalité de la croissance zéro, voire de la croissance négative.
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