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Un lieu, un nom: Cheikh Miloud El-Mehadji, rue Allam Bentahar

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  • Un lieu, un nom: Cheikh Miloud El-Mehadji, rue Allam Bentahar

    En dehors de deux ou trois maisons indépendantes, la petite ruelle Allam Bentahar est devenue pratiquement une rue commerçante. Des grossistes, de jouets et de cosmétiques entres autres, ne trouvant pas meilleur emplacement sur le boulevard Mascara, se sont installés dans cette rue étroite.

    C'est au N° 9 qu'a vécu Mohamed Brahim Miloud dit Zeddour, plus connu sous le nom de Cheikh Miloud El-Mehadji, le premier élève d'Ibn Badis de tout l'ouest algérien. Les riverains se remémorent de la silhouette de ce « aâlim » très respecté et respectable. Un kabyle tenant une pâtisserie nous dira : « dès mon arrivée à Oran en 1963, le Cheikh m'a pratiquement adopté ». De son passé de militant associatif, il ne connaît rien. Il ignore probablement que la demeure de Si El-Mehadji a abrité des noms illustres qui ont marqué Oran tels que Cheikh Saïd Zemmouchi et Cheikh El-Yadjouri. Il sait, néanmoins, qu'il avait enseigné à l'école Pasteur et qu'il donnait des « Dourous » à la mosquée « El-Hidaya » se trouvant à quelques dizaines de mètres de là au quartier Plateau Saint Michel.

    Originaire d'El-Gaâda, près de Sig, lui et sa descendance peuvent de bon droit se revendiquer en tant qu'Oranais de souche. La famille du Cheikh s'est installée à M'dina Jdida au 19ème Siècle. Si El-Miloud est natif d'Oran, le 16 novembre 1909. Pour ne pas déroger aux traditions familiales, il apprendra dès son jeune âge le Saint Coran et les Sciences religieuses. Son oncle maternel, Cheikh Tayeb El-Mehadji, aâlim de renommée, fût son premier professeur. Le passage du fondateur du mouvement El-Islah à Oran fût un événement marquant dans son existence. A vingt ans, il rejoindra Constantine pour suivre l'enseignement chez Ibn Badis. Il aura pour compagnon dans l'école d'Ibn Badis Cheikh Hammani, encore en vie. De Constantine, il ira à l'Université Ezzaïtouna à Tunis, pour approfondir ses connaissances. En 1936 et sur injonction de son maître, il reviendra à Oran avec, pour mission, la création d'une association et d'une Médersa.

    Avec d'illustres figures d'Oran, il créera, en 1937, l'Association El-Falah qui mettra sur pied la Médersa du même nom. La mission que se sont assignés ces jeunes hommes acquis aux thèses du mouvement El-Islah est de débarrasser l'Islam de certains ajouts, de réhabiliter la langue arabe et d'insuffler l'esprit nationaliste aux larges masses. D'ailleurs, vite, l'entreprise des Badissiens se heurtera à l'intransigeance de l'administration coloniale. En avril 1940, Cheikh Miloud El-Mehadji sera interné trois ans durant, au camp de Djenien Bourezg à une centaine de kilomètres au sud d'Aïn Séfra. Dans la fiche de police qu'il a pu retirer grâce à une complicité, il est mentionné les raisons de son internement dans ce camp : « propagandiste », « anti-français intégral ». Dans ce camp, il partagera les conditions de détention avec des figures les plus illustres du mouvement national.

    Comme tous les Algériens de sa génération, il assistera impuissant à l'incorporation de force de ses concitoyens dans un conflit mondial qui les dépassait de loin et où ils servaient de chair à canon. Il vivra le traumatisme de Mai 1945 où l'engagement des Algériens fût par un génocide au sens premier du mot. Parlant de cette époque, il dira : « les familles oranaises, par élan de solidarité et de fraternité, ont reçu des orphelins de Sétif et Kharrata ».

    Il continuera son travail de sensibilisation et de diffusion de la véritable culture arabo-islamique. D'ailleurs, cet engagement lui a valu le sobriquet d'« El-Badissi », qui signifiait le partisan d'un islam originel plus conforme aux sources : le texte coranique et la tradition du Prophète. En 1950 et sur ordre de Larbi Tebessi, il partira s'installer à Oued Rhiou pour fonder une école semblable à celle d'El-Falah. Nombreux ceux qui avaient suivi son enseignement dans cette région rejoindront le maquis au lendemain du déclenchement de la guerre de Libération nationale. En 1956, il reviendra à Oran pour s'y réfugier après avoir échappé à plusieurs reprises à la mort.

    Au lendemain de l'Indépendance, il s'est inscrit en faux par rapport aux choix politiques et économiques de Benbella. Mais il quittera la scène politique et refusera de s'inscrire dans la course aux postes et privilèges. Il reprendra sa vocation de toujours : l'enseignement. A sa retraite, il va se consacrer à la prédication. Il trouvera une mosquée qui sied à son tempérament : El-Hidaya. Celle-ci est la première construite à Oran après l'indépendance. Au milieu des années 60, des bienfaiteurs, tous proches du mouvement islahiste (Badissiste) ont participé à la réalisation de ce lieu de culte. Dès les milieux 70 et jusqu'à sa mort, Cheikh El-Miloud El-Mehadji a donné des cours dans cette mosquée en tant que bénévole. Grâce à sa réputation et à son audience de Aâlim, l'administration des Affaires religieuses n'a jamais osé désigner un imam à la tête de cette mosquée. Même durant l'époque de Boumediene où les prêches du vendredi provenaient de l'administration centrale et obéissaient aux injonctions politiques. Ammi Brahim, se souvient toujours de Cheikh El-Miloud qui élaborait ses « darses » à partir de petits faits puisés dans le quotidien. Il se rappelle que la vague de violence des années 90 n'a pas entamé la volonté du Cheikh qui avait assumé sa noble mission, en condamnant à chaque fois que l'occasion se présentait, les atteintes à l'Islam commis par les hordes terroristes. Le 31 juin 2001, Cheikh Miloud El-Mehadji tira sa révérence à l'âge de 92 ans.

    Par Le Quotidien d'Oran
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