Pour les 43 ans de l'Indépendance de l'Algérie, le journal La Tribune a publié un très bon hors série que je ne peux que vous recommender de lire.
Vous pouvez le découvrir 5 Juillet 1962-2005
L’irrépressible cheminement
C’est en 1926 que l’indépendance de l’Algérie figure, pour la première fois, en tant qu’objectif de l’action politique des Algériens et comme finalité de l’organisation fondée, à Paris, par des militants maghrébins, sous l’appellation emblématique de «l’Etoile Nord-Africaine». S’il importe aussi de relever que cette indépendance s’inscrivait dans une claire perspective maghrébine et qu’elle apparaissait liée à celles de la Tunisie et du Maroc, alors sous protectorat français, cette revendication de l’indépendance, outre de devoir se décliner sur la longue durée, constituait une rupture décisive dans la culture et les pratiques politiques des élites algériennes.
Dans cet entre-deux-guerres qui, d’une part, aspirait la main-d’œuvre algérienne pour la reconstruction de l’économie française et, d’autre part, n’avait autorisé, au mieux, qu’une fugitive fébrilité autour du traité de Versailles et des positions du président Wilson, l’audace en était encore à espérer une forme quelconque d’assimilation qui eut élargi aussi peu que ce soit les droits politiques des indigènes. Maurice Violette, gouverneur général de l’Algérie, qui s’était convaincu de la nécessité de cette démarche, y avait gagné la franche hostilité de l’establishment européen qui l’avait accablé du sobriquet de «Violette l’arbi» avant d’obtenir son rappel par Paris.
Le décalage manifeste entre l’objectif de l’indépendance, avancé par les militants étoilistes et les attentes des leaders d’opinion en Algérie politiquement sans ambiguïté, se doublait aussi d’une différenciation sociale marquée entre, d’une part, les expressions d’une bourgeoisie algérienne relativement disparate dans sa composante, d’autre part, l’ancrage expressément ouvrier du nouveau courant indépendantiste. Il fait aussi peu de doute que, toutes déterminations égales par ailleurs, la proximité du PCF, l’actualité des thèses de l’Internationale, qui faisaient de l’indépendance des colonies l’une des conditionnalités de l’adhésion, ont pesé autant sur l’idéologie que sur les modes d’organisation et d’action de l’Etoile Nord-Africaine.
La dégradation progressive des relations avec les communistes français, l’algérianisation de l’organisation dissoute une première fois en 1929, l’absence d’illusions sur l’action du Front populaire et sur les limites du projet dit «Blum-Violette» -chaleureusement soutenu par les élus, les communistes et les ouléma rassemblés en «congrès musulman»- trouveront leur spectaculaire illustration dans le célèbre meeting du stade de Saint-Eugène, d’août 1936, qui imposa définitivement le charisme de Messali Hadj. «Cette terre n’est à vendre», avait alors assené le porte-parole de l’Etoile qui devait se retrouver, à la suite d’une nouvelle dissolution, à l’origine, en mars 1937, de la fondation du «Parti du peuple algérien» désormais incontournable figure totémique de l’imaginaire algérien.
L’histoire comme la sociologie politique devront revenir de manière plus fine sur les processus de transfert de la culture politique indépendantiste et de son irréversible ancrage dans une société algérienne profondément déstructurée, soumise au joug d’une minorité européenne sûre d’elle, politiquement et culturellement dominatrice et dont le volant d’espérance était drastiquement réduit. Il faudra en effet rendre compte d’une part de la puissance des effets de capillarité dans l’inscription de l’objectif de l’indépendance comme une perspective politique et existentielle légitime et nécessaire, et d’autre part prendre en compte l’importance du travail de modernisation de la communication sociale au sein de la société algérienne au travers des expériences associatives, de l’enseignement et de la presse
Ces éclairages permettront de mieux comprendre l’irréversible glissement du socle du champ politique algérien de demandes, plus ou moins modérées dans la forme, de plus de droits politiques à la revendication de l’indépendance comme référence centrale des confrontations entre acteurs algériens.
Ainsi, avant la fracture des journées de mai 1945, c’est bien l’hégémonie de fait du courant indépendantiste qui conduit des personnalités comme Ferhat Abbas à adopter les thèses autonomistes qu’il défendra en mai 1943 dans le cadre du «Manifeste algérien» alors même que les dirigeants du PPA n’en étaient encore, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, qu’aux seules demandes légalistes et formellement pacifiques d’une assemblée algérienne constituante.
Du fameux additif messaliste de juin 1943 au manifeste aux débats au sein des «Amis du manifeste et des libertés» -les «AML»- c’est bien l’idée, défendue par Messali devant Abbas, avant sa déportation, que «la France ne te donnera que ce tu lui auras arraché» qui fait son chemin et que se projette pour les quelque cent militants de l’association la création «d’un parlement et d’un gouvernement algériens».
Les massacres de Sétif, Kherrata, Guelma, la répression sans nuances, la recherche de l’humiliation des Algériens transformaient radicalement la situation et imposaient dans les confrontations et les débats la question de l’option de la lutte armée. La création du MTLD, comme vitrine légale du PPA, la mise en place de l’Organisation spéciale (OS); en dépit de calculs clientélistes, marquaient, au moins au plan organique, un franchissement de ligne puisque, enfin, même sans moyens, des militants s’attachaient à se préparer et à préparer le passage à la lutte armée.
Que ce soit lors de la crise de l’OS en 1950, présentée par la direction du parti comme «un complot policier», ou en pleine crise entre messalistes et centralistes, c’est bien de savoir quoi faire et jusqu’où suivre cette option de «lutte armée» qui sera au principe des reclassements et des alliances.
Le CRUA, imaginé par Boudiaf, Didouche, Benboulaïd, échouera en fin de compte dans sa démarche de reconstruction de l’unité du parti et il reviendra aux clandestins de l’OS de provoquer l’accélération qui changera définitivement le cours de l’histoire. En 1974, le corps de Messali Hadj est rapatrié dans la quasi-clandestinité pour être enterré sur la terre de ses ancêtres et vingt-huit ans plus tard, Boudiaf, croyant répondre à l’appel de la patrie, allait à la rencontre de son destin. L’un avait porté, parmi les tout premiers, l’objectif de l’indépendance de son pays, l’autre en avait assuré, avec d’autres compagnons, l’accouchement dans la violence.
Chaffik Benhacene.
Désolée pour la longueur mais je n'ai pus me résoudre à mettre seulement une partie tant c'est l'ensemble qui est à lire.
Bonne Indépendance Al-Djazaïr
Vous pouvez le découvrir 5 Juillet 1962-2005
L’irrépressible cheminement
C’est en 1926 que l’indépendance de l’Algérie figure, pour la première fois, en tant qu’objectif de l’action politique des Algériens et comme finalité de l’organisation fondée, à Paris, par des militants maghrébins, sous l’appellation emblématique de «l’Etoile Nord-Africaine». S’il importe aussi de relever que cette indépendance s’inscrivait dans une claire perspective maghrébine et qu’elle apparaissait liée à celles de la Tunisie et du Maroc, alors sous protectorat français, cette revendication de l’indépendance, outre de devoir se décliner sur la longue durée, constituait une rupture décisive dans la culture et les pratiques politiques des élites algériennes.
Dans cet entre-deux-guerres qui, d’une part, aspirait la main-d’œuvre algérienne pour la reconstruction de l’économie française et, d’autre part, n’avait autorisé, au mieux, qu’une fugitive fébrilité autour du traité de Versailles et des positions du président Wilson, l’audace en était encore à espérer une forme quelconque d’assimilation qui eut élargi aussi peu que ce soit les droits politiques des indigènes. Maurice Violette, gouverneur général de l’Algérie, qui s’était convaincu de la nécessité de cette démarche, y avait gagné la franche hostilité de l’establishment européen qui l’avait accablé du sobriquet de «Violette l’arbi» avant d’obtenir son rappel par Paris.
Le décalage manifeste entre l’objectif de l’indépendance, avancé par les militants étoilistes et les attentes des leaders d’opinion en Algérie politiquement sans ambiguïté, se doublait aussi d’une différenciation sociale marquée entre, d’une part, les expressions d’une bourgeoisie algérienne relativement disparate dans sa composante, d’autre part, l’ancrage expressément ouvrier du nouveau courant indépendantiste. Il fait aussi peu de doute que, toutes déterminations égales par ailleurs, la proximité du PCF, l’actualité des thèses de l’Internationale, qui faisaient de l’indépendance des colonies l’une des conditionnalités de l’adhésion, ont pesé autant sur l’idéologie que sur les modes d’organisation et d’action de l’Etoile Nord-Africaine.
La dégradation progressive des relations avec les communistes français, l’algérianisation de l’organisation dissoute une première fois en 1929, l’absence d’illusions sur l’action du Front populaire et sur les limites du projet dit «Blum-Violette» -chaleureusement soutenu par les élus, les communistes et les ouléma rassemblés en «congrès musulman»- trouveront leur spectaculaire illustration dans le célèbre meeting du stade de Saint-Eugène, d’août 1936, qui imposa définitivement le charisme de Messali Hadj. «Cette terre n’est à vendre», avait alors assené le porte-parole de l’Etoile qui devait se retrouver, à la suite d’une nouvelle dissolution, à l’origine, en mars 1937, de la fondation du «Parti du peuple algérien» désormais incontournable figure totémique de l’imaginaire algérien.
L’histoire comme la sociologie politique devront revenir de manière plus fine sur les processus de transfert de la culture politique indépendantiste et de son irréversible ancrage dans une société algérienne profondément déstructurée, soumise au joug d’une minorité européenne sûre d’elle, politiquement et culturellement dominatrice et dont le volant d’espérance était drastiquement réduit. Il faudra en effet rendre compte d’une part de la puissance des effets de capillarité dans l’inscription de l’objectif de l’indépendance comme une perspective politique et existentielle légitime et nécessaire, et d’autre part prendre en compte l’importance du travail de modernisation de la communication sociale au sein de la société algérienne au travers des expériences associatives, de l’enseignement et de la presse
Ces éclairages permettront de mieux comprendre l’irréversible glissement du socle du champ politique algérien de demandes, plus ou moins modérées dans la forme, de plus de droits politiques à la revendication de l’indépendance comme référence centrale des confrontations entre acteurs algériens.
Ainsi, avant la fracture des journées de mai 1945, c’est bien l’hégémonie de fait du courant indépendantiste qui conduit des personnalités comme Ferhat Abbas à adopter les thèses autonomistes qu’il défendra en mai 1943 dans le cadre du «Manifeste algérien» alors même que les dirigeants du PPA n’en étaient encore, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, qu’aux seules demandes légalistes et formellement pacifiques d’une assemblée algérienne constituante.
Du fameux additif messaliste de juin 1943 au manifeste aux débats au sein des «Amis du manifeste et des libertés» -les «AML»- c’est bien l’idée, défendue par Messali devant Abbas, avant sa déportation, que «la France ne te donnera que ce tu lui auras arraché» qui fait son chemin et que se projette pour les quelque cent militants de l’association la création «d’un parlement et d’un gouvernement algériens».
Les massacres de Sétif, Kherrata, Guelma, la répression sans nuances, la recherche de l’humiliation des Algériens transformaient radicalement la situation et imposaient dans les confrontations et les débats la question de l’option de la lutte armée. La création du MTLD, comme vitrine légale du PPA, la mise en place de l’Organisation spéciale (OS); en dépit de calculs clientélistes, marquaient, au moins au plan organique, un franchissement de ligne puisque, enfin, même sans moyens, des militants s’attachaient à se préparer et à préparer le passage à la lutte armée.
Que ce soit lors de la crise de l’OS en 1950, présentée par la direction du parti comme «un complot policier», ou en pleine crise entre messalistes et centralistes, c’est bien de savoir quoi faire et jusqu’où suivre cette option de «lutte armée» qui sera au principe des reclassements et des alliances.
Le CRUA, imaginé par Boudiaf, Didouche, Benboulaïd, échouera en fin de compte dans sa démarche de reconstruction de l’unité du parti et il reviendra aux clandestins de l’OS de provoquer l’accélération qui changera définitivement le cours de l’histoire. En 1974, le corps de Messali Hadj est rapatrié dans la quasi-clandestinité pour être enterré sur la terre de ses ancêtres et vingt-huit ans plus tard, Boudiaf, croyant répondre à l’appel de la patrie, allait à la rencontre de son destin. L’un avait porté, parmi les tout premiers, l’objectif de l’indépendance de son pays, l’autre en avait assuré, avec d’autres compagnons, l’accouchement dans la violence.
Chaffik Benhacene.
Désolée pour la longueur mais je n'ai pus me résoudre à mettre seulement une partie tant c'est l'ensemble qui est à lire.
Bonne Indépendance Al-Djazaïr
Commentaire