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Les racines de la crise financière américaine

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  • Les racines de la crise financière américaine

    Jeffrey D. Sachs

    CAMBRIDGE – Les tentatives désespérées de la Réserve fédérale américaine d’empêcher l’économie américaine de couler sont remarquables pour deux raisons au moins. Tout d’abord, il y a quelques mois encore, on pouvait raisonnablement croire que les États-Unis éviteraient la récession. Aujourd’hui, elle semble assurée. Ensuite, les actions de la Fed semblent inefficaces. Bien que les taux d’intérêt aient été radicalement réduits et que la Fed ait inondé de liquidités des banques à court, la crise ne fait que s’intensifier.

    Dans une large mesure, la crise américaine a été provoquée par la Fed, soutenue par les vœux pieux de l’administration Bush. L’un des principaux responsables n’est autre qu’Alan Greenspan, qui a laissé le président actuel de la Fed, Ben Bernanke, confronté à une situation terrible. Mais Bernanke était gouverneur de la Fed pendant les années Greenspan, et lui non plus n’a pas su diagnostiquer correctement les problèmes croissants que posaient ses politiques.

    Les racines directes de la crise financière actuelle se retrouvent en 2001, au milieu de l’explosion d’Internet et du choc des attaques terroristes du 11 septembre. C’est à ce moment-là que la Fed a ouvert les robinets monétaires pour tenter de combattre un ralentissement économique. Elle a injecté de l’argent dans l’économie américaine et a écrasé son principal taux directeur – le Federal Funds rate – passé de 3,5 % en août 2001 à seulement 1 % au milieu de l’année 2003. La Fed a gardé son taux trop bas pendant trop longtemps.

    L’expansion monétaire permet généralement d’emprunter plus facilement, et baisse le coût de l’emprunt, dans toute l’économie. Elle a aussi tendance à affaiblir la monnaie et à augmenter l’inflation. Tout cela a commencé à se passer aux États-Unis.

    Ce qui était différent, cette fois, était que les nouveaux emprunts se concentraient dans le secteur de l’immobilier. Il est notoire que des taux d’intérêt plus bas aiguillonnent les achats immobiliers, mais cette fois, comme on le sait bien aujourd’hui, les banques commerciales et d’investissement ont créé de nouveaux mécanismes financiers pour étendre les crédits immobiliers à des emprunteurs peu fiables en termes de crédit. La Fed s’est refusée à réguler ces pratiques douteuses. Presque tout le monde a alors pu emprunter de l’argent pour acheter une maison, avec peu voire pas d’apport, et des frais d’intérêts repoussés à un avenir lointain.

    L’explosion des prêts immobiliers a provoqué un phénomène d’auto-consolidation. L’augmentation du nombre des achats de logements a poussé les prix vers le haut, ce qui a donné aux banques le sentiment que prêter à des emprunteurs peu fiables était une opération sûre. Après tout, s’ils s’avéraient incapables de payer, les banques prendraient possession de la maison dont la valeur aurait augmenté. En tout cas, en théorie. Naturellement, ce système ne fonctionne que tant que les prix de l’immobilier grimpent. Une fois qu’ils ont atteint leur maximum et commencent à décliner, les conditions du crédit se resserrent, et les banques se retrouvent avec des maisons dont la valeur ne recouvre pas celle de la dette contractée pour les acheter.

    Il est stupéfiant de constater que la Fed, sous la direction de Greenspan, n’a pas bougé alors que l’explosion du crédit prenait de l’ampleur, fonçant droit vers le crash. Quelques contradicteurs ont bien élevé la voix, mais ils n’étaient pas nombreux dans le secteur financier lui-même. Les banques étaient trop occupées à collecter les frais des nouveaux emprunts, et à offrir à leurs dirigeants des bonus extravagants.

    À un moment crucial en 2005, alors qu’il était gouverneur mais pas encore président de la Fed, Bernanke a décrit l’explosion de l’immobilier comme le reflet d’un système financier prudent et bien réglementé, et non comme une bulle dangereuse. Il a expliqué à l’époque que d’importants capitaux étrangers étaient déversés dans le secteur immobilier par le biais des banques américaines parce que les investisseurs internationaux appréciaient “la profondeur et la sophistication des marchés financiers du pays (qui entre autres ont permis aux ménages d’accéder facilement à la propriété.”)

    En 2006 et 2007, la bulle financière, qui démolit à présent des institutions financières autrefois solides, a atteint son apogée. Les bilans des banques regorgeaient alors de prêts hypothécaires à risques, ficelés sous des formes compliquées qui rendaient les risques difficiles à évaluer. Les banques ont commencé à ralentir la cadence de leurs prêts, et le nombre de défauts de paiement des hypothèques a commencé à augmenter. Les prix de l’immobilier ont atteint un sommet à mesure que les prêts ralentissaient, avant d’entamer leur déclin. La bulle immobilière a explosé à l’automne dernier, et les banques détenant de gros portefeuilles d’hypothèques ont commencé à reporter de grandes pertes, parfois assez conséquentes pour détruire toute l’institution, comme dans le cas de Bear Stearns.

    Devant l’effondrement immobilier et son effet sur la réduction des dépenses, la Fed, pour tenter d’empêcher la récession et d’aider les banques au bilan fragile, réduit ses taux d’intérêt depuis l’automne 2007. Cette fois, l’expansion du crédit ne se verse plus dans la construction immobilière, mais plutôt dans la spéculation sur les matières premières et les devises.

    La politique de l’argent facile de la Fed est davantage en train d’alimenter l’inflation que d’aider l’économie à se remettre. Le pétrole, la nourriture et les prix de l’or ont atteint des sommets historiques, et le dollar n’a jamais été aussi bas. Un euro coûte aujourd’hui environ 1,60 $US, contre 0,90 $US en janvier 2002. Et pourtant, la Fed, dans sa tentative désespérée d’éviter une récession américaine, continue d’injecter toujours plus d’argent dans le système, intensifiant ainsi les pressions inflationnistes.

    Après avoir entretenu un boom, la Fed ne peut à présent empêcher au moins un déclin à court terme de l’économie américaine, peut-être pire. Si elle va trop loin dans l’expansion monétaire, au lieu d’éviter le fiasco, elle pourrait à la place créer la stagflation, soit l’inflation et la contraction économique. La Fed doit faire bien attention à éviter toute panne de liquidité, tout en contrôlant l’inflation et en évitant un renflouement injustifié, et financé par les contribuables, des prêts bancaires à risque.

    Il peut y avoir des effets similaires dans le monde entier, dans la mesure où les banques étrangères affichent aussi de mauvais prêts hypothécaires américains sur leurs bilans, ou dans le pire des cas, si une crise financière générale survient. Il reste encore une bonne chance, cependant, pour que le revers des États-Unis se limite principalement à l’Amérique, où sont concentrés le boom et le fiasco immobiliers. Je pense que les dégâts causés au reste de l’économie mondiale peuvent rester limités.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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