2 avril 2008L’assaut sur Bassorah des forces gouvernementales emmenées par Maliki avec le soutien des militaires américains a tourné court, et pour les alliés irakiens de Washington le problème reste entier. Moqtada Sadr, qui continue d’exiger un calendrier de départ des troupes US et refuse le démembrement de l’Irak, a montré que ses forces sont intactes. La perspective des élections d’octobre s’annonce difficile pour les USA et leurs soutiens locaux.
Par Juan Cole, Salon, 1er avril 2008
Malgré le cessez-le-feu réclamé dimanche par Moqtada Sadr, le dirigeant du mouvement chiite fort de plusieurs millions d’hommes, les combats de la semaine dernière entre l’armée du Mahdi et l’armée irakienne ont révélé la faiblesse et l’instabilité du gouvernement de M.Maliki. Ce dernier s’était rendu le lundi 24 mars à Bassorah pour superviser l’attaque des quartiers de la ville fidèles à Moqtada Sadr. Le vendredi suivant, le ministre de la défense irakien, Abdul Qadir Jasim, a dû admettre dans une conférence de presse à Bassorah que l’armée du Mahdi avait pris de court les forces de sécurité irakiennes. La plupart des quartiers sadristes ont repoussé les troupes gouvernementales par des tirs de mortier et de roquettes. Dans le même temps, l’armée du Mahdi s’imposait dans plusieurs grandes villes chiites du sud, ainsi que dans certaines parties de Bagdad, remettant en question la réalité du contrôle exercé par le gouvernement sur une grande partie du pays. Dimanche, ce n’est qu’après que l’US Air Force ait bombardé des positions clés de l’armée du Mahdi que l’armée irakienne a été en mesure de se pénétrer dans l’un des quartiers sadristes de Bassorah.
Au moment où le cessez-le-feu a été déclaré, M. Maliki avait été mis à mal par plusieurs jours de combats incertains et cette trêve lui offrait une porte de sortie bienvenue. L’Iran, qui a négocié cet accord, est sorti renforcé de ces évènements, tout comme Moqtada Sadr, dont les forces se sont bien comportées contre celles du gouvernement. Mardi matin, au moment de mettre sous presse, la trêve était respectée dans la ville de Bassorah, et le couvre-feu avait été levé à Bagdad, bien que des combats sporadiques se poursuivaient encore dans la capitale. On estime à 350 le nombre de victimes de cette semaine d’affrontements.
Cette campagne a été un nouveau fiasco prévisible, venant après une longue suite d’échecs stratégiques pour un gouvernement irakien mal en point et divisé, qui ne survit en grande partie que parce qu’il est appuyé par les États-Unis. Dans ces conditions pourquoi M. Maliki s’est-il lancé dans cette affaire ? Devant l’absence notable d’une crise ouverte dans la ville de Bassorah, qui seule aurait pu exiger la prise de telles mesures désespérées, quels pouvaient être les motifs de cette décision d’attaquer ?
On peut avancer trois motivations principales : contrôler la contrebande de pétrole, rester au pouvoir (y compris par le maintien de troupes américaines pour le conserver), et créer une grande province chiite dans le sud. Cette grande province du sud équivaudrait à une partition en douceur du pays, bénéficiant aux chiites sur le long terme tout en écartant les sunnites d’importantes recettes pétrolières, à la fois licites et illicites. Mais toutes ces motivations sont également en rapport avec les prochaines élections provinciales qui ont été identifiées par le Président Bush en janvier 2007 comme l’un des indicateurs des progrès effectués en Irak.
Les dirigeants du mouvement sadriste eux-mêmes sont convaincus que ce sont le choix récent de la date du 1er octobre pour les élections provinciales, ainsi que le désir de M. Maliki d’améliorer la position du gouvernement avant ces élections qui ont précipité l’attaque. On considère généralement que le mouvement sadriste pourrait bien balayer le pouvoir en place dans les provinces, lors d’élections libres et régulières, dans la mesure où l’électorat est profondément insatisfait des résultats obtenus par le Conseil Suprême Islamique d’Abdul Aziz Al Hakim, qui est le principal parti au pouvoir dans les provinces du sud.
Les élections provinciales pourraient radicalement changer le paysage politique en Irak. Les arabes sunnites et le mouvement sadriste n’avaient pas pris part à la dernière consultation qui s’est tenue à la fin janvier 2005. De ce fait les gouvernements régionaux dans les zones arabes sunnites ne sont pas représentatifs. La province de Diyala, à majorité sunnite, est en réalité gouvernée par le Conseil Suprême Islamique Chiite d’Irak (ISCI), que les sunnites ont tendance à considérer comme une marionnette de l’Iran.
De la même manière, dans le sud chiite, c’est l’ISCI, dirigé par le dignitaire religieux chiite Abdul Aziz Al Hakim, qui tient les rênes du pouvoir, bien que probablement une majorité de la population soit favorable à Moqtada Sadr. Dans une société violente comme l’est l’Irak, qu’une minorité soit au pouvoir pendant que la majorité de la population se sente exclue crée une situation particulièrement dangereuse. Cette dichotomie a contribué aux conflits endémiques qui secouent le pays, comme par exemple à Diwaniya, la capitale de la province de Qadisiya, et qui opposent l’armée du Mahdi de Moqtada Sadr et les paramilitaires de la brigade Badr, la milice du Conseil Suprême Islamique. Dans de nombreuses provinces, l’ISCI a infiltré les paramilitaires de la brigade Badr dans la police et les forces de sécurité, leur donnant ainsi une présomption de légitimité gagnée dans les urnes, ce qui leur a permis de présenter l’armée du Mahdi comme des miliciens violents dépourvus de mandat populaire.
Par Juan Cole, Salon, 1er avril 2008
Malgré le cessez-le-feu réclamé dimanche par Moqtada Sadr, le dirigeant du mouvement chiite fort de plusieurs millions d’hommes, les combats de la semaine dernière entre l’armée du Mahdi et l’armée irakienne ont révélé la faiblesse et l’instabilité du gouvernement de M.Maliki. Ce dernier s’était rendu le lundi 24 mars à Bassorah pour superviser l’attaque des quartiers de la ville fidèles à Moqtada Sadr. Le vendredi suivant, le ministre de la défense irakien, Abdul Qadir Jasim, a dû admettre dans une conférence de presse à Bassorah que l’armée du Mahdi avait pris de court les forces de sécurité irakiennes. La plupart des quartiers sadristes ont repoussé les troupes gouvernementales par des tirs de mortier et de roquettes. Dans le même temps, l’armée du Mahdi s’imposait dans plusieurs grandes villes chiites du sud, ainsi que dans certaines parties de Bagdad, remettant en question la réalité du contrôle exercé par le gouvernement sur une grande partie du pays. Dimanche, ce n’est qu’après que l’US Air Force ait bombardé des positions clés de l’armée du Mahdi que l’armée irakienne a été en mesure de se pénétrer dans l’un des quartiers sadristes de Bassorah.
Au moment où le cessez-le-feu a été déclaré, M. Maliki avait été mis à mal par plusieurs jours de combats incertains et cette trêve lui offrait une porte de sortie bienvenue. L’Iran, qui a négocié cet accord, est sorti renforcé de ces évènements, tout comme Moqtada Sadr, dont les forces se sont bien comportées contre celles du gouvernement. Mardi matin, au moment de mettre sous presse, la trêve était respectée dans la ville de Bassorah, et le couvre-feu avait été levé à Bagdad, bien que des combats sporadiques se poursuivaient encore dans la capitale. On estime à 350 le nombre de victimes de cette semaine d’affrontements.
Cette campagne a été un nouveau fiasco prévisible, venant après une longue suite d’échecs stratégiques pour un gouvernement irakien mal en point et divisé, qui ne survit en grande partie que parce qu’il est appuyé par les États-Unis. Dans ces conditions pourquoi M. Maliki s’est-il lancé dans cette affaire ? Devant l’absence notable d’une crise ouverte dans la ville de Bassorah, qui seule aurait pu exiger la prise de telles mesures désespérées, quels pouvaient être les motifs de cette décision d’attaquer ?
On peut avancer trois motivations principales : contrôler la contrebande de pétrole, rester au pouvoir (y compris par le maintien de troupes américaines pour le conserver), et créer une grande province chiite dans le sud. Cette grande province du sud équivaudrait à une partition en douceur du pays, bénéficiant aux chiites sur le long terme tout en écartant les sunnites d’importantes recettes pétrolières, à la fois licites et illicites. Mais toutes ces motivations sont également en rapport avec les prochaines élections provinciales qui ont été identifiées par le Président Bush en janvier 2007 comme l’un des indicateurs des progrès effectués en Irak.
Les dirigeants du mouvement sadriste eux-mêmes sont convaincus que ce sont le choix récent de la date du 1er octobre pour les élections provinciales, ainsi que le désir de M. Maliki d’améliorer la position du gouvernement avant ces élections qui ont précipité l’attaque. On considère généralement que le mouvement sadriste pourrait bien balayer le pouvoir en place dans les provinces, lors d’élections libres et régulières, dans la mesure où l’électorat est profondément insatisfait des résultats obtenus par le Conseil Suprême Islamique d’Abdul Aziz Al Hakim, qui est le principal parti au pouvoir dans les provinces du sud.
Les élections provinciales pourraient radicalement changer le paysage politique en Irak. Les arabes sunnites et le mouvement sadriste n’avaient pas pris part à la dernière consultation qui s’est tenue à la fin janvier 2005. De ce fait les gouvernements régionaux dans les zones arabes sunnites ne sont pas représentatifs. La province de Diyala, à majorité sunnite, est en réalité gouvernée par le Conseil Suprême Islamique Chiite d’Irak (ISCI), que les sunnites ont tendance à considérer comme une marionnette de l’Iran.
De la même manière, dans le sud chiite, c’est l’ISCI, dirigé par le dignitaire religieux chiite Abdul Aziz Al Hakim, qui tient les rênes du pouvoir, bien que probablement une majorité de la population soit favorable à Moqtada Sadr. Dans une société violente comme l’est l’Irak, qu’une minorité soit au pouvoir pendant que la majorité de la population se sente exclue crée une situation particulièrement dangereuse. Cette dichotomie a contribué aux conflits endémiques qui secouent le pays, comme par exemple à Diwaniya, la capitale de la province de Qadisiya, et qui opposent l’armée du Mahdi de Moqtada Sadr et les paramilitaires de la brigade Badr, la milice du Conseil Suprême Islamique. Dans de nombreuses provinces, l’ISCI a infiltré les paramilitaires de la brigade Badr dans la police et les forces de sécurité, leur donnant ainsi une présomption de légitimité gagnée dans les urnes, ce qui leur a permis de présenter l’armée du Mahdi comme des miliciens violents dépourvus de mandat populaire.
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