Les chances de rompre avec la politique étrangère de Bush seront-elles meilleures avec Barack Obama qu'avec Hillary Clinton ? Aux Etats-Unis, ce fragile pari soulève des espoirs à gauche. 20 février 2008
Les discours et mises en scène propres à la saison électorale ont leur logique qui n'est pas à confondre avec ce que décident les gouvernants quand ils gouvernent : c'est la distinction habituelle, en langue anglaise, entre « politics » et « policy ». Le spectacle électoral (« politics »), qui prime en ce moment, ne manque pas d'être fascinant, mais pour mieux comprendre les enjeux de la campagne, il faut faire l'effort de relier les deux dimensions, c'est-à-dire essayer de savoir, dans la mesure du possible, à quoi s'engageront réellement les candidats s'ils sont appelés à exercer le pouvoir.
Je laisserai à d'autres spécialistes de la vie politique aux Etats-Unis – la France en compte d'excellents – le soin d'analyser la campagne dans un souci d'objectivité. Pour ma part je ne peux qu'abandonner le masque de neutralité associé au rôle de chercheur, pour deux simples raisons : premièrement, je suis électeur aux Etats-Unis et cette élection compte pour moi : il ne s'agit pas de rater la transition post-Bush. Deuxièmement, même si je n'étais pas citoyen des Etats-Unis, le résultat de cette élection ne me serait pas du tout indifférent en tant qu'habitant de la planète. (La boutade est connue : en tant que sujets de l'empire, tous les citoyens de la planète devraient avoir le droit de voter pour le président des Etats-Unis ! L'idée peut paraître fantaisiste mais le fait qu'elle se diffuse sous cette forme est significatif…) De là à penser que les électeurs étatsuniens ont une responsabilité vis-à-vis du reste du monde, il n'y a qu'un pas que je franchis sans hésiter.
Danger de rechute néoconservatrice
Dans cet esprit, je refuse d'emblée tout ce qui ressemble à une continuation sous d'autres formes de la politique étrangère de Bush et Cheney, notamment après le 11 septembre 2001 (pensez à l'Irak, à la torture, à Guantanamo, et à la tentative de coup d'Etat à Caracas pour commencer…), mais également avant, puisque cette équipe n'a pas attendu les attentats pour se ranger aux côtés des dirigeants israéliens les plus intransigeants dans leur refus d'un règlement durable avec les Palestiniens. (Ils ne faisaient, il est vrai, qu'entériner la mort des accords d'Oslo, déjà vidés de leur maigre contenu depuis longtemps.)
Les candidats républicains ? Ne m'en parlez pas trop. On n'a pas besoin d'être sectaire pour insister sur quelques critères de décence. Mitt Romney, ancien gouverneur républicain « modéré » de mon état natal du Massachusetts (largement démocrate) s'est transformé, sur la scène politique nationale, en spécialiste des discours empruntés aux commentateurs des talk-shows d'extrême-droite. Bon débarras. Restent en lice Michael Huckabee, évangélique qui ne reconnaît aucune distance entre Etat et religion (et qui, à ce stade, aspire à la vice-présidence) et John McCain, le candidat pressenti, qui se distingue peu dans ses options de politique étrangère des néoconservateurs qui nous ont apporté la guerre en Irak. McCain, on le sait, affiche sa volonté de rester longtemps en Irak – 50 ou 100 ans dit-il très sérieusement. On pourrait même retrouver quelques membres distingués de l'équipe néoconservatrice au pouvoir si McCain est élu. John Bolton, ancien ambassadeur auprès de l'ONU et néoconservateur de choc, connu pour son dédain affiché de cette institution, vient d'appeler à voter McCain (Voir “Bolton Backs McCain Because He Is ‘Stronger' Than Bush On Iran », buzzflash, 8 février 2008 (http://thinkprogress.org/2008/02/08...).
Clinton/Obama : une différence tangible
Quelle que soit l'identité du candidat démocrate, j'espère – sans me faire beaucoup d'illusions – que cette personne aura le courage de poursuivre McCain sans relâche sur la question de la guerre en Irak, et de dire aux électeurs que même si le nombre d'attentats sur le terrain est en baisse tendancielle depuis quelques mois, l'occupation de ce pays par les Etats-Unis et les pays de la « coalition » reste toujours aussi dépourvue de légitimité. Une autre approche, plus multilatérale et tournée vers une transition permettant aux Irakiens de reprendre en main leur sort, serait une priorité pour toute administration prétendant rompre avec la politique irakienne et moyen-orientale de Bush et Cheney. Ce très malheureux épisode historique laissera de toute manière beaucoup de traces, mais il faudra une volonté politique forte pour commencer à le dépasser.
J'ai des doutes graves quant à la volonté de Hillary Clinton de mener la bataille qui s'impose contre McCain et de mener, une fois élue, une autre politique en nette rupture avec la précédente. Ses prises de position depuis 2002 sont essentiellement pro-guerre en Irak et pro-« guerre contre le terrorisme » à la manière de Bush-Cheney, à quelques nuances près. Bien sûr, devant son public de sympathisants démocrates, elle exprime son « vœu » de quitter l'Irak dans un délai assez bref, mais elle n'affirme jamais qu'elle le fera.
Les discours et mises en scène propres à la saison électorale ont leur logique qui n'est pas à confondre avec ce que décident les gouvernants quand ils gouvernent : c'est la distinction habituelle, en langue anglaise, entre « politics » et « policy ». Le spectacle électoral (« politics »), qui prime en ce moment, ne manque pas d'être fascinant, mais pour mieux comprendre les enjeux de la campagne, il faut faire l'effort de relier les deux dimensions, c'est-à-dire essayer de savoir, dans la mesure du possible, à quoi s'engageront réellement les candidats s'ils sont appelés à exercer le pouvoir.
Je laisserai à d'autres spécialistes de la vie politique aux Etats-Unis – la France en compte d'excellents – le soin d'analyser la campagne dans un souci d'objectivité. Pour ma part je ne peux qu'abandonner le masque de neutralité associé au rôle de chercheur, pour deux simples raisons : premièrement, je suis électeur aux Etats-Unis et cette élection compte pour moi : il ne s'agit pas de rater la transition post-Bush. Deuxièmement, même si je n'étais pas citoyen des Etats-Unis, le résultat de cette élection ne me serait pas du tout indifférent en tant qu'habitant de la planète. (La boutade est connue : en tant que sujets de l'empire, tous les citoyens de la planète devraient avoir le droit de voter pour le président des Etats-Unis ! L'idée peut paraître fantaisiste mais le fait qu'elle se diffuse sous cette forme est significatif…) De là à penser que les électeurs étatsuniens ont une responsabilité vis-à-vis du reste du monde, il n'y a qu'un pas que je franchis sans hésiter.
Danger de rechute néoconservatrice
Dans cet esprit, je refuse d'emblée tout ce qui ressemble à une continuation sous d'autres formes de la politique étrangère de Bush et Cheney, notamment après le 11 septembre 2001 (pensez à l'Irak, à la torture, à Guantanamo, et à la tentative de coup d'Etat à Caracas pour commencer…), mais également avant, puisque cette équipe n'a pas attendu les attentats pour se ranger aux côtés des dirigeants israéliens les plus intransigeants dans leur refus d'un règlement durable avec les Palestiniens. (Ils ne faisaient, il est vrai, qu'entériner la mort des accords d'Oslo, déjà vidés de leur maigre contenu depuis longtemps.)
Les candidats républicains ? Ne m'en parlez pas trop. On n'a pas besoin d'être sectaire pour insister sur quelques critères de décence. Mitt Romney, ancien gouverneur républicain « modéré » de mon état natal du Massachusetts (largement démocrate) s'est transformé, sur la scène politique nationale, en spécialiste des discours empruntés aux commentateurs des talk-shows d'extrême-droite. Bon débarras. Restent en lice Michael Huckabee, évangélique qui ne reconnaît aucune distance entre Etat et religion (et qui, à ce stade, aspire à la vice-présidence) et John McCain, le candidat pressenti, qui se distingue peu dans ses options de politique étrangère des néoconservateurs qui nous ont apporté la guerre en Irak. McCain, on le sait, affiche sa volonté de rester longtemps en Irak – 50 ou 100 ans dit-il très sérieusement. On pourrait même retrouver quelques membres distingués de l'équipe néoconservatrice au pouvoir si McCain est élu. John Bolton, ancien ambassadeur auprès de l'ONU et néoconservateur de choc, connu pour son dédain affiché de cette institution, vient d'appeler à voter McCain (Voir “Bolton Backs McCain Because He Is ‘Stronger' Than Bush On Iran », buzzflash, 8 février 2008 (http://thinkprogress.org/2008/02/08...).
Clinton/Obama : une différence tangible
Quelle que soit l'identité du candidat démocrate, j'espère – sans me faire beaucoup d'illusions – que cette personne aura le courage de poursuivre McCain sans relâche sur la question de la guerre en Irak, et de dire aux électeurs que même si le nombre d'attentats sur le terrain est en baisse tendancielle depuis quelques mois, l'occupation de ce pays par les Etats-Unis et les pays de la « coalition » reste toujours aussi dépourvue de légitimité. Une autre approche, plus multilatérale et tournée vers une transition permettant aux Irakiens de reprendre en main leur sort, serait une priorité pour toute administration prétendant rompre avec la politique irakienne et moyen-orientale de Bush et Cheney. Ce très malheureux épisode historique laissera de toute manière beaucoup de traces, mais il faudra une volonté politique forte pour commencer à le dépasser.
J'ai des doutes graves quant à la volonté de Hillary Clinton de mener la bataille qui s'impose contre McCain et de mener, une fois élue, une autre politique en nette rupture avec la précédente. Ses prises de position depuis 2002 sont essentiellement pro-guerre en Irak et pro-« guerre contre le terrorisme » à la manière de Bush-Cheney, à quelques nuances près. Bien sûr, devant son public de sympathisants démocrates, elle exprime son « vœu » de quitter l'Irak dans un délai assez bref, mais elle n'affirme jamais qu'elle le fera.
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