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Maïssa Bey : "Je suis le produit de cette histoire"

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  • Maïssa Bey : "Je suis le produit de cette histoire"

    C'est d'un cauchemar et d'une révolte longtemps étouffée qu'a surgi Maïssa Bey. En plein au coeur des années noires, ces années 1990 qui endeuillèrent l'Algérie. Rompant le silence, celle qui était alors professeur de français prend le nom de sa grand-mère comme pseudonyme et choisit de se mettre en "je", à travers nouvelles et romans, pour dire l'incommunicabilité entre les êtres, les diktats masculins, l'obscurantisme, les identités niées... Sans doute aurait-elle poursuivi dans cette veine intimiste et féminine si, au début de 2000, la "nécessité" de revenir sur son passé et celui d'un pays trop longtemps violenté ne s'était imposée à elle. Entrouvrant les portes du temps et de la mémoire (individuelle et collective), Maïssa Bey va composer d'abord l'émouvant Bleu, blanc, vert (Aube, 2004), un récit à deux voix où, de 1962 à 1992, se dessine l'histoire de sa génération (elle est née en 1950) tiraillée entre modernité et tradition, et d'un espoir bafoué. Avant de se lancer ensuite dans son livre le plus ambitieux : Pierre Sang Papier ou Cendre, magistrale fresque sur la colonisation française en Algérie de 1830 à 1962.

    TOURNANT HISTORIQUE

    Quand on évoque avec elle ce tournant historique, Maïssa Bey explique : "Lorsque j'ai commencé à écrire, j'étais à la surface des choses, dans l'immédiat d'une violence et d'une horreur quotidiennes. Ecrire était un acte de survie... Quand la situation s'est enfin apaisée, j'ai ressenti le besoin de comprendre le présent à la lumière du passé, de l'approfondir pour me réapproprier mon histoire. Et ainsi me situer", dit cette Algérienne, "fille de martyr" qui perdit son père quand elle avait 6 ans. Instituteur - il lui apprendra le français et lui transmettra le goût d'enseigner -, son père était également un des intellectuels du FLN. En 1957, arrêté par l'armée française, il est torturé puis exécuté lors d'une "corvée de bois"... "Je suis le produit de cette histoire. Or, pour l'assumer dans sa totalité, il me fallait aller au bout de son exploration."

    L'exploration, complexe et difficile, débute en 2005, lorsque le metteur en scène Jean-Marie Lejude, qui a adapté Entendez-vous dans les montagnes, propose à la romancière d'écrire une pièce sur les bienfaits de la colonisation. "D'abord, j'ai refusé tout net car je ne me sentais pas d'écrire sur ce sujet. Puis, peu à peu, l'idée a fait son chemin à travers une interrogation. Moi qui suis le produit de la colonisation française, que m'a-t-elle apporté ou enlevé ? Elle m'a ôté une choseessentielle : mon père, tout en me donnant une autre chose essentielle : une culture et une structure mentale qui m'ont permis de penser cette contradiction qui me constitue."

    Poussée par ses interrogations, Maïssa Bey va commencer à rassembler documents, livres et témoignages avant de s'immerger dans cette histoire, longue et douloureuse. "Cela m'a pris près de trois ans de lectures, de recherches et de vérifications car j'avançais sur un terrain glissant. Pour un même événement, je pouvais trouver plusieurs versions contradictoires. Il m'a fallu démêler tout cela et recouper sans cesse les sources pour ne pas commettre d'erreur historique."

    Même si elle avoue que la découverte des "camps de resserrement", des "enfumades" ou de l'utilisation du napalm par l'armée française a été à "la limite du supportable", le plus dur fut l'entrée dans l'écriture. "J'avais besoin de rendre mon propos le plus visuel possible et aussi le plus sensible, au plus près de ce que je ressens. D'où cette idée de tableaux qui s'est imposée à moi, et avec elle, une écriture poétique."

    D'où l'idée encore d'un regard omniscient, traversant le temps, incarné par un enfant, "sentinelle de la mémoire". C'est avec lui que Maïssa Bey donne à voir, à ressentir au plus intime, l'incrédulité, la soumission, la déculturation, le fatalisme, mais aussi la révolte qui pousse un peuple à redresser la tête et à faire face à cette "Madame Lafrance", drapée hautainement dans sa mission civilisatrice. "Cette allégorie, je ne l'ai pas inventée, dit encore la romancière, c'est ainsi que beaucoup imaginaient la France à travers ses représentations et ses discours."

    Des discours politiques mais aussi des oeuvres littéraires (illustrant les fantasmes exotiques ou la mode orientaliste) dont on trouvera trace à travers un choix de citations empruntées à Louis Bertrand, Tocqueville, Jules Ferry, Baudelaire, Apollinaire, Maupassant, Hugo... Sans qu'ils soient jamais nommés. "Ces écrivains appartiennent au patrimoine mondial de la littérature, donc à chacun. Et puis n'est-ce pas ce que nous a laissé la France, non... Alors c'est de bonne guerre. Comme l'a dit Kateb Yacine, c'est notre butin de guerre."

    Un "butin" qui a nourri la romancière pendant les quatre mois de la rédaction de son livre. Quatre mois emplis d'incertitudes, de doutes, de blocages. Quatre mois entourés d'une foule d'ouvrages historiques mais également de recueils de poèmes. Notamment ceux de Mahmoud Darwish ou de Paul Eluard (dont le titre Pierre Sang Papier ou Cendre est emprunté à Liberté) et d'autres encore qui l'ont soutenue et lui ont insufflé la force poétique - inédite chez elle - qui traverse cette grande fresque historique et politique, "au sens noble du terme", tient-elle à préciser. "Je ne dénonce rien, j'énonce simplement, non pas ma vérité mais une vérité. D'ailleurs, comment pourrais-je condamner quelque chose dont je suis le produit..." Alors si bienfaits il y a, c'est bien dans la lecture de ce livre tissé de mémoires enchevêtrées, de meurtrissures, de déchirures, de violences, qu'on les trouvera. Et dans l'apaisement d'une femme réconciliée avec elle-même.

    source : Le monde

  • #2
    doublon............................
    Dernière modification par absente, 05 avril 2008, 10h51.

    Commentaire


    • #3
      Il faut arrêter avec ces délires de la littérature d'urgence ah
      L'énonciation contre la dénonciation, moué un peu facile!

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