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L'Algérie, l'occasion ratée, l'alliance avec la droite

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  • L'Algérie, l'occasion ratée, l'alliance avec la droite

    Quatrième partie.

    L'échec des Etats, l'alliance avec la droite.

    Beaucoup d'Algériens ont réécrit l'histoire des relations franco-algériennes en la divisant en deux époques. La première, celle de Boumediene, aurait été soucieuse de dignité nationale et hostile à toute intervention française. La seconde, qui débuterait avec le président Chadli, aurait vu Alger se vendre aux intérêts français. La gauche au pouvoir aurait tout mis en oeuvre pour obtenir une Algérie faible, amoindrie, dépendante. Chadli n'aurait eu de cesse que de devenir le bon élève de l'Elysée. Il est vrai en tout cas que François Mitterrand a toujours nourri une grande tendresse pour le président algérien, le seul des chefs d'Etat arabes, avec le président égyptien Hosni Moubarak, pour qui il ait montré de l'amitié. Son beau-frère, Roger Hanin, reçu en grande pompe à Riad El Feth par le colonel Senoussi lors des ses fréquents déplacements à Alger, n'en faisait pas mystère. En réalité, l'alliance avec les socialistes fut de courte durée, les nouveaux libéraux, désormais à la tête de l'Etat algérien, préférant traiter avec la droite française.

    Le retour du RPR aux Affaires étrangère en 1986 renforce ce divorce entre la gauche française et le pouvoir algérien. Les relations sont excellentes entre le ministre algérien de l'Intérieur, Hedi El Khediri, et son homologue français, Charles Pasqua, toujours au coeur des relations franco-arabes. "J'ai beaucoup mieux traité avec la droite qu'avec la gauche, admet aujourd'hui Khediri, en congé forcé depuis son éloignement du pouvoir, en 1988. Ce sont des gens qui aiment vraiment leur pays, qui ont le souci de leurs intérêts. Surtout Pasqua : quand il dit oui, c'est oui. L'homme m'a beaucoup plu, c'est un Méridional." La gauche n'est plus en cour : "Les socialistes montrent un certain paternalisme à notre égard, ils ont toujours le besoin suspect de venir à notre secours."

    Avec la droite, les relation ont toujours été confiantes. Lors de la première cohabitation, Ali Mecili, un avocat algérien de talent, opposant efficace au régime, est assassiné le 7 avril 1987 au coeur de Paris. Or le pouvoir français enterre cette affaire d'Etat. A Paris, la Brigade criminelle est déposédée de l'enquête à l'initiative du ministère de l'Intérieur. Une fois arrêté, Malek Amelou, petit proxénète manipulé par les services algériens et suspect numéro un, est expulsé "en urgence absolue" le 14 juin 1987 sur ordre de Robert Pandraud, avant même son audition par le juge d'instruction. Confortablement installé à Alger, Malek Amelou est aujourd'hui un conseiller précieux pour la fameuse Sécurité militaire algérienne qui a besoin de toutes les énergies et de toutes les compétences. Il faut bien avoir quelques relations dans le "milieu" algérien pour combattre les menées intégristes à Barbès ou à Belleville. Le retournement d'alliances est consommé au moment de l'élection présidentielle de 1988. Au sein de la cellule qui suit les affaires françaises dans le gouvernement algérien, deux personnes seulement soutiennent la candidature de Mitterrand : le responsable du Secrétariat permanent du comité central du FLN, Mohamed Cherif Messadia, et le ministre des Affaires étrangères, Ahmed Taleb Ibrahimi. Au nom, pour le premier, des liens entre le PS et le FLN ; en raison, pour le second, d'une amitié constante avec Roland Dumas, l'ancien ministre des Affaires étrangères, qui défendit de nombreux militant du FLN pendant la guerre d'Algérie, dont Ibrahimi lui-même.

    Les autres membres de cette cellule, du ministre de l'Intérieur Khediri au général Belkheir, secrétaire général de la présidence et l'homme fort du régime Chadli, prennent position en faveur de Jacques Chirac. Ce retournement fragilise encore les positions algériennes à Paris où la gauche reprend le pouvoir en 1988. Lors des émeutes sanglantes d'octobre de cette année-là, la réaction d'Ali Ammar sonne le glas de l'Amicale. "Ce n'est qu'un chahut de gamins, une histoire d'étudiants et de lycéens", déclare-t-il à RFI, une radio fort écoutée à Alger. Serviteur du pouvoir, Ali Ammar ne cherche pas à réfléchir. Il doit bétonner les intérêts de la présidence algérienne, c'est tout. On le voit défendre le régime avec zèle sur la Cinq, une chaîne qui était alors captée à Alger et très regardée. Lorsque, après ces événements tragiques, l'ambassadeur algérien à Paris, Ait Challal, est intérrogé par la même chaîne française sur les frasques du fils Chadli et qu'il montre peu d'empressement à protéger la famille de son président, sa tiédeur est aussitôt dénoncée par Ali Ammar.

    Autant d'interventions qui valent à ce dernier un poste de ministre de l'Information après 1988. L'ambassadeur Ait Challal, en revanche, est rappelé à Alger et mis au placard. La politique algérienne se fait, aussi, à coups de petites phrases et d'intervention discrètes sur la scène parisienne. Seul Mohamed Boudiaf, le président algérien qui succède à Chadli, eut des velléités de gérer autrement les émigrés algériens en France. Le héros de l'Indépendance que l'armée est allée chercher en janvier 1992 dans sa retraite de Kenitra, au Maroc, essaie de remobiliser ses anciens amis du Parti de la révolution socialistes (PRS). Beaucoup vivent à l'étranger : Rachid Krim travaille à Paris, à la Bibliothèque nationale, Mohand Dehmous est patron de Radio Beur et Sadek Moussaoui fait quelques affaires entre la Suisse et l'Egypte. Même l'historien Mohamed Harbi, grande figure de l'opposition à Paris depuis 1965 et intellectuel unanimement respecté, est contacté. Rachid Krim, ami et homme de confiance du président, et Mohand Dehmous rejoignent Alger et vont constituer l'essentiel du cabinet présidentiel. Du jamais vu, le "Hizb França", le "parti de la France", composé d'illustres inconnus du sérail algérien, installé au sommet du pouvoir !

    Pour ces anciens opposants revenus d'exil, l'idée est simple. Il s'agit de créer un Conseil représentatif et indépendant de la communauté algérienne en France. Un discours vigoureux, détonant : "L'immigration doit avoir des exigences face à Alger et face à Paris, proclame Sadek Moussaoui, conseiller du président sur la question, il faut redéfinir le cadre législatif, renégocier les accords d'Evian." Un rapport sans complaisance sur l'immigration est rédigé par l'équipe de Boudiaf. Le bilan est impitoyable pour les errements des trentes années qui ont suivi l'indépendance. Plus qu'un catalogue de propositions, ce rapport renvoie dos à dos tous les protagonistes : la gauche française, les présidents Boumediene et Chadli, les islamistes et les service de la Sécurité militaire. Réquisitoire sans lendemain. Le texte doit être remis à Boudiaf un mercredi de juillet 1992. Le président algérien est assasiné quelque jours auparavant au centre culturel d'Annaba. La communauté algérienne en France restera orpheline. Aucune structure ne la représente plus vraiment. Le délitement du pouvoir politique algérien à laissé un grand vide. Chacun peut prétendre parler au nom des Algériens de Paris. C'est le règne des intermédiaires douteux, forts de leur relations avec les services français, algériens ou de leurs supposés contacts avec les groupuscules intégristes, qui compensent une médiocre insertion en France en s'imaginant qu'ils influent sur le cours de l'Histoire à Alger.

    L'essai n'a pas été transformé. Paris a été utilisé par la classe politique algérienne comme une caisse de résonance, rien d'autre. Seuls à garder une certaine structuration communautaire, les Kabyles pèsent de tout leur poids dans la perception que Paris à d'Alger. Au risque d'en donner une image déformante, encore que très rassurante. Nombreux sont les Français qui rêvent de l'Algérie comme d'une réserve de fiers montagnards naturellement francophones. Quant à la communauté immigré, elle est happée par l'intégration. Ces Franco-Algériens gardent bien une fibre nationaliste arabe. Mais ils ont perdu toute allégeance. L'Etat algérien a bradé un bel héritage.

    A suivre...

    Nicolas Beau
    source extraits Paris, "Capitale, Arabe"
    Dernière modification par zek, 11 avril 2008, 18h09.
    Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin
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