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Un habitué du Fouquet's

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  • Un habitué du Fouquet's

    Septième et dernière partie.

    L'échec des Etats, un habitué du Fouquet's

    "Lorsque Jean-Christophe Mitterrand, le fils du président de la République, effectue sa coopération en Algérie, rappelle Jean Audibert, longtemps ambassadeur à Alger, c'est Mehri qui l'accueill à El Oued." L'autre protecteur du Jean-Christophe Mitterrand en Algérie fut le cinéaste Mohamed Lakhdar Hamina. Grand médiateur lui aussi entre Paris et Alger, son talent lui a donné une aura particulière. Comme de nombreux représentants d'un régime longtemps socialiste, Hamina vit sur un grand pied, entre sa résidence à Hydra, un des quartiers résidentiels d'Alger, et son appartement sur les Champs-Elysées. Le cinéaste n'a pas son pareil pour réciter face à ses amis, le couturier Cardin ou l'actrice Jeanne Moreau, une fable de la Fontaine avec l'accent des Hauts Plateaux ou pour raconter son premier amour avec une institutrice française. De quoi faire fondre ses interlocuteurs parisiens.

    Lakhdar Hamina commence sa carrière pendant la guerre d'indépendance. Jeune cinéaste formé à Prague, il réalise avec un maquisard, Djamel Chanderli, un documentaire sur Sakiet Sidi Youcef, le village de Tunisie bombardé par les forces françaises. Il signe tout seul ce document et prend ainsi son envol. Dès l'indépendance algérienne en 1962, Lakhdar Hamina dirige les actualités algériennes, côtoie les présidents algériens successifs et dîne à leur table. Proche du pouvoir, le cinéaste obtient de nombreux films de commande pour les entreprises nationales algériennes. Les patrons du secteur public s'en plaignent à l'époque auprès des ministères de tutelles : "Considérez qu'il s'agit de subventions au cinéma algérien", répond Belaid Abdesselam, alors ministre des Industries lourdes avant de devenir Premier ministre en 1992. Lorsque Lakhdar Hamina réalise "Les Années de Braise", qui obtient la palme d'or à Cannes en 1976 après une active campagne de l'Amicale des Algériens, le budget alloué par le gouvernement de Boumediene est généreux. La PME Hamina tourne à plein régime. A la fin de son règne, Boumediene trouve Lakhdar Hamina un peu encombrant. Il est temps pour le cinéaste d'ouvrir d'autres portes. Il se rapproche du Tunisien Tarek Bennamar, qui appartient au clan de Wassila, la femme de Bourguiba. Les deux hommes proposent au Saoudiens une grande production sur la dynastie wahhabite. Dans un premier temps, Riyad accepte. Mais Lakhdar est trop gourmand, trop bavard. Les émirs préfèrent plus de discrétion. On lui reproche sa morgue, le projet échoue.

    Lakhdar Hamina revient pourtant en force lorsque Sid Ahmed Ghozali, Premier ministre algérien de juin 1992 à juin 1993, est nommé ambassadeur à Paris. Entre une séance de gymnastique au Royal Monceau, avenue Hoche, et un dîner fin avec son ami Jacques Vergès, un des avocats "historiques" du FLN devenu le défenseur des islamistes algériens, Ghozali veut lancer avec l'homme d'affaires Addou Hocine et avec Lakdhar Hamina "Le Journal des républicains". Histoire de combattre l'intégrisme. On croit rêver. Indésirable en Algérie, Addou Hocine fut au coeur de la tentative d'exporter des Renault en Algérie en surfacturant les commandes de 35 %. Là encore, quelques fonctionnaires algériens intègres et l'intervention de l'ambassadeur de France, Jean Audibert, déjouèrent la manoeuvre. Ce système de passe-droits généralisé est miné par ses propres contradictions. Plusieurs réseaux parallèle de main-mise sur les marchés d'importation se font concurrence. Assasiné en 1993, Kasdi Merbah, l'ancien chef de la Sécurité militaire, à laissé des hommes à lui dans les commissions d'attribution (notamment pour les céréales et le ciment). Ses réseaux se sont opposés à ceux que les hommes de la présidence tentèrent de mettre en place sous Chadli.

    Le projet de couverture radar de l'Algérie par Thomson, d'un montant de plusieurs milliards de dollars, fit l'objet en 1984 d'une lutte sans merci. Larbi Belkheir et les siens, dont Mehri, furent à deux doigts de l'emporter. Mais le clan de l'est mené par le général Belloucif, alors chef d'état-major, qui soutenait des projets américains, réussit une contre-offensive victorieuse. Ces luttes féroces restent généralement souterraines. Pourtant, en 1986, le journal d'opposition "El Badil" publie la première partie d'un dossier assassin sur les trafics parisiens de la nomenklatura algérienne. Peu avant, le MDA de Ben Bella a scellé un accord avec le FFS d'Ait Ahmed. Or Mecili, au coeur de cette réconciliation et très infomé sur des dossiers sensibles, est assassiné peu après. Le brûlot publié par El Badil allait-il être suivi d'autres révélations ? Etait-il la première offensive contre le pouvoir algérien ? A quelles conditions ce feuilleton a-t-il été brutalement interrompu ? Jusqu'à quel point l'assassinat un an plus tard de Mecili, un ancien du MALG, qui connaissait for bien la musique, est-il lié à ces révélation ? Autant de questions laissées sans réponse par l'instruction bâclée d'un assassinat politique programmé.


    Héritier de la guerre d'indépendance, le pouvoir à Alger a toujours dénoncé les influences malfaisantes de l'ancienne puissance coloniale. Les attaques contre "Hibz França" - "le parti de la France" - sont une figure imposée de la politique algérienne. Or, depuis toujours, Paris est la retraite dorée de cette nomenklatura en faillite. Plus Alger dénonce le rôle occulte de la France, plus les dirigeants algériens se précipitent à Paris pour préparer un avenir menacé.

    Après la mort de Boudiaf, la lutte contre la corruption est jugée prioritaire. Le procès du général Belloucif, promis à une carrière brillante sous l'ère Chadli, n'en sera qu'une pâle illustration. A la suite d'un rapport établi en 1989 par cinq officier généraux, Belloucif est mis en résidence surveillé en mai 1992. Son procès en fevrier 1993 laisse un goût amer, une impression d'inachevé. On apprendra seulement que le Franco-Algérien Allaou Benchoufi, propriétaire de la clinique Hartmann à Neuilly, dont le siège social est en Suisse, est accusé d'avoir fait transiter 8 millions de francs par son établissement. Ce pactole aurait permis l'achat d'un appartement avenue Niel, dans le XVIIe arrondissement, pour un haut dignitaire. L'argent a été versé à la clinique par le bureau militaire de Paris sur ordre du colonel Fekir, trésorier du ministère de la Défense. Bien que la presse algérienne fasse largement état de ces révélations, seul un coin du voile a été levé. En 1994, la situation en Algérie tourne au drame. Mais les principaux acteurs de ce mauvais film sur la "dolce vita" algérienne tirent leur épingle du jeu.

    A quelques pas de chez son ami Mehri, avenue Montaigne, Mohamed Meguedem erre entre Le Dauville et Le Paris, cafés chics des Champs-Elysées. Meguedem fut l'un des plus influents intermédiaires algériens tant que le président Chadli était au pouvoir. Il est originaire de Bordj Bou Areridj, une ville grise et morne des hauts plateaux de l'Est algérien, d'où vient le tout-puissant général Mediene, le patron des services secrets algériens. Officiellement, Meguedem était chargé à la présidence de la presse étrangère, officieusement il avait aussi la responsabilité des affaires privées du président et de son entourage. On le vit utiliser un avion du GLAM algérien pour aller présenter aux émirs du Golfe les fournisseurs de l'Algérie, les plus dévoués à la cause de son clan. Pour un temps, l'ancien conseiller du président Chadli a abandonné sa superbe demeure du pont d'Hydra, néamoins protégée par des gros berger allemands et quelques hommes de main. Emmitouflé dans son grand manteau gris, Meguedem salue sur les Champs-Elysées plusieurs "étudiantes marocaines", souvenirs de périodes plus fastes. Fidèle, toujours, l'ancien responsable des journalistes étrangers à la présidence algérienne continue à fréquenter les journalistes français qui suivent le dossier algérien... "On va revenir au pouvoir", confie-t-il. Fichier à l'appui, Meguedem tente de leur démontrer les turpitudes des clans adverses.

    Trônant au Fouquet's, sa cantine, Lakhdar Hamina est un homme comblé. Son fils vient de terminer un film sur les événements sanglants d'octobre 1988 où au moins cinq cents jeunes Algériens furent exécutés sur ordre du pouvoir. Grâce aux liens qu'il a toujours conservés avec Hervé Bourges, l'ancien président de France 2, la télévision française a financé le projet. L'armée algérienne a complaisamment prêté ses hélicoptères pour recréer l'ambiance de ce mois tragique. Etrangement, le film n'est guère tendre pour le gouvernement. L'ancien compagnon de route du pouvoir algérien qu'est Lakhdar Hamina sent que le vent tourne. Toujours magnanime, Djillali Mehri organise des galas à l'UNESCO, grâce à l'appui du nouvel ambassadeur de France, Hervé Bourges, en compagnie du recteur de la Grande Mosquée, Dalil Boubekeur, et d'Enrico Macias. Le but : approvisionner l'Algérie en médicaments.

    Mehri, aujourd'hui, se rapprocherait des Américains et d'opposants au régime libyen soutenus par Washington et réfugiés à Monaco. Ce revirement ne plaît guère à ses amis français.

    Nicolas Beau
    source extraits "Paris, Capitale Arabe".
    Dernière modification par zek, 11 avril 2008, 18h10.
    Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin
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