«Quel est le problème ?» se serait écrié le président Hosni Moubarak en plein Conseil des ministres consacré à la crise sociale qui secoue l’Egypte ces derniers temps et qui a fait trembler le pouvoir politique.
Du Caire, Hassane Zerrouky
A l’origine des tensions sociales que connaît le pays des pharaons, la flambée des prix des denrées de base dont le pain subventionné par l’Etat. La galette «baladi», aliment de base de l’Egyptien, a non seulement vu son prix augmenter mais elle n’était plus disponible en quantité suffisante sur les étals des boulangeries et des points de vente. Pour s’en procurer, il fallait se lever tôt.
Dans la capitale égyptienne, des queues se formaient devant les points de vente provoquant parfois des bagarres entre consommateurs. Et surtout, cette pénurie de pain a provoqué des mouvements sociaux qui avaient fait craindre un moment un «remake» des émeutes de janvier 1977 réprimées par la force par le régime d’Anouar Al-Sadate.
Point d’orgue de cette crise, la grève des ouvriers du textile du 6 avril dans la cité industrielle de Mahalla, à 120 km du Caire, dans la vallée du Nil, sur fond d’affrontements violents avec les forces de sécurité. Les salariés, qui protestaient contre la hausse des prix des denrées de base, réclamaient une augmentation de salaires.
Avec des salaires se situant entre 35 et 50 euros, ils exigeaient le double. La tension était telle que Mahalla a été de fait en état de siège quadrillée par des milliers de policiers. Un moment, les autorités égyptiennes craignaient que cette grève relayée par internet ne se propage à tout le pays. Pour l’histoire, personne ne sait comment a débuté cette grève qui a fait la une des quotidiens égyptiens. Les syndicats étaient dépassés.
L’opposition laïque, qui a pris le train en marche, a été incapable de la contrôler. Quant aux islamistes du mouvement des Frères musulmans, si prompts à récupérer les protestations populaires, ils ont été également dépassés par l’événement, allant jusqu’à se désolidariser des grévistes.
En fait, c’est un site internet, Facebook, animé par de jeunes Egyptiens, qui a mis le feu aux poudres. Parmi les blogeurs, Isma Abdelfattah, membre du parti d’opposition El Ghad d’Aymen Nour, qui a fini par être arrêtée avec une vingtaine de jeunes blogueurs. En quelques jours, elle a réussi à mobiliser plus de 70 000 internautes qui, de fait, se sont constitués en un mouvement de protestation appelant les Egyptiens à réagir à la hausse des prix des denrées de base.
Dans un pays où les médias sont contrôlés par l’Etat, le pouvoir s’est trouvé quelque peu démuni. Ce nouveau parti internet, comme le qualifie Al-Ahram- Hebdo, a pallié l’incapacité des partis de l’opposition à mobiliser les Egyptiens. Bien qu’Isma Abdelfattah et ses camarades soient actuellement en prison, attendant leur jugement, les blogueurs n’ont pas désarmé : ils se sont constitués en un mouvement dénommé «3 mai, protestation générale du peuple égyptien».
Pourquoi cette date ? Tout simplement parce que c’est la date de naissance du président Moubarek. Ils appellent les Egyptiens à s’habiller en noir, à étendre sur leurs balcons des drapeaux noirs, à boycotter «la viande, le poulet et le métro» dont les prix ont augmenté. Le pouvoir égyptien n’est pas resté inactif.
Sur ordre du chef de l’Etat, l’armée a mis en place cinq boulangeries produisant 2 millions de galettes par jour distribuées à travers 500 points de vente pour faire face à la pénurie de pain subventionné. Qui plus est, une partie des réserves de change, a été affectée au financement des subventions de produits de première nécessité.
Si ces mesures ont permis d’apaiser les tensions existantes, il n’en demeure pas moins que la grogne sociale persiste. Selon un institut de statistiques égyptien, les prix ont augmenté de 45% depuis le début de l’année, rognant le maigre pouvoir d’achat d’une majorité d’Egyptiens. En plus des couches démunies, les classes moyennes, qui avaient émergé sous le pouvoir de Nasser dans les années 1960, connaissent un processus d’appauvrissement.
Parmi les gens qui faisaient la queue devant les points de vente de pain subventionné, il y avait des fonctionnaires, des médecins, des enseignants. Ayant des salaires se situant entre 200 et 400 livres égyptiennes, soit l’équivalent de 30 et 60 euros, ils bouclent difficilement leurs fins de mois.
Beaucoup d’entre eux, d’ailleurs, une fois leur travail fini, ont recours au travail au noir pour arrondir leurs fins de mois. C’est le cas d’Imad, fonctionnaire, qui fait chauffeur de taxi le soir. Cette crise sociale n’est pas étrangère au fait qu’une majorité d’Egyptiens aient boudé les élections municipales boycottées par les Frères musulmans dans une vaine tentative de récupérer le mécontentement social.
Cette forme de protestation via internet, inédite dans le monde arabe, de nature laïque et moderniste, dénote que malgré la pression exercée par les régimes autoritaires, les peuples finissent par trouver des solutions pour se faire entendre. Qu’elle soit le fait de jeunes Egyptiens qui, dans leur blog, affirment refuser toute récupération politique par quelque parti politique qu’il soit, cette forme de protestation constitue un événement majeur qui va certainement faire des petits dans les autres pays arabes.
H. Z. (Le soir d'Algérie)
Du Caire, Hassane Zerrouky
A l’origine des tensions sociales que connaît le pays des pharaons, la flambée des prix des denrées de base dont le pain subventionné par l’Etat. La galette «baladi», aliment de base de l’Egyptien, a non seulement vu son prix augmenter mais elle n’était plus disponible en quantité suffisante sur les étals des boulangeries et des points de vente. Pour s’en procurer, il fallait se lever tôt.
Dans la capitale égyptienne, des queues se formaient devant les points de vente provoquant parfois des bagarres entre consommateurs. Et surtout, cette pénurie de pain a provoqué des mouvements sociaux qui avaient fait craindre un moment un «remake» des émeutes de janvier 1977 réprimées par la force par le régime d’Anouar Al-Sadate.
Point d’orgue de cette crise, la grève des ouvriers du textile du 6 avril dans la cité industrielle de Mahalla, à 120 km du Caire, dans la vallée du Nil, sur fond d’affrontements violents avec les forces de sécurité. Les salariés, qui protestaient contre la hausse des prix des denrées de base, réclamaient une augmentation de salaires.
Avec des salaires se situant entre 35 et 50 euros, ils exigeaient le double. La tension était telle que Mahalla a été de fait en état de siège quadrillée par des milliers de policiers. Un moment, les autorités égyptiennes craignaient que cette grève relayée par internet ne se propage à tout le pays. Pour l’histoire, personne ne sait comment a débuté cette grève qui a fait la une des quotidiens égyptiens. Les syndicats étaient dépassés.
L’opposition laïque, qui a pris le train en marche, a été incapable de la contrôler. Quant aux islamistes du mouvement des Frères musulmans, si prompts à récupérer les protestations populaires, ils ont été également dépassés par l’événement, allant jusqu’à se désolidariser des grévistes.
En fait, c’est un site internet, Facebook, animé par de jeunes Egyptiens, qui a mis le feu aux poudres. Parmi les blogeurs, Isma Abdelfattah, membre du parti d’opposition El Ghad d’Aymen Nour, qui a fini par être arrêtée avec une vingtaine de jeunes blogueurs. En quelques jours, elle a réussi à mobiliser plus de 70 000 internautes qui, de fait, se sont constitués en un mouvement de protestation appelant les Egyptiens à réagir à la hausse des prix des denrées de base.
Dans un pays où les médias sont contrôlés par l’Etat, le pouvoir s’est trouvé quelque peu démuni. Ce nouveau parti internet, comme le qualifie Al-Ahram- Hebdo, a pallié l’incapacité des partis de l’opposition à mobiliser les Egyptiens. Bien qu’Isma Abdelfattah et ses camarades soient actuellement en prison, attendant leur jugement, les blogueurs n’ont pas désarmé : ils se sont constitués en un mouvement dénommé «3 mai, protestation générale du peuple égyptien».
Pourquoi cette date ? Tout simplement parce que c’est la date de naissance du président Moubarek. Ils appellent les Egyptiens à s’habiller en noir, à étendre sur leurs balcons des drapeaux noirs, à boycotter «la viande, le poulet et le métro» dont les prix ont augmenté. Le pouvoir égyptien n’est pas resté inactif.
Sur ordre du chef de l’Etat, l’armée a mis en place cinq boulangeries produisant 2 millions de galettes par jour distribuées à travers 500 points de vente pour faire face à la pénurie de pain subventionné. Qui plus est, une partie des réserves de change, a été affectée au financement des subventions de produits de première nécessité.
Si ces mesures ont permis d’apaiser les tensions existantes, il n’en demeure pas moins que la grogne sociale persiste. Selon un institut de statistiques égyptien, les prix ont augmenté de 45% depuis le début de l’année, rognant le maigre pouvoir d’achat d’une majorité d’Egyptiens. En plus des couches démunies, les classes moyennes, qui avaient émergé sous le pouvoir de Nasser dans les années 1960, connaissent un processus d’appauvrissement.
Parmi les gens qui faisaient la queue devant les points de vente de pain subventionné, il y avait des fonctionnaires, des médecins, des enseignants. Ayant des salaires se situant entre 200 et 400 livres égyptiennes, soit l’équivalent de 30 et 60 euros, ils bouclent difficilement leurs fins de mois.
Beaucoup d’entre eux, d’ailleurs, une fois leur travail fini, ont recours au travail au noir pour arrondir leurs fins de mois. C’est le cas d’Imad, fonctionnaire, qui fait chauffeur de taxi le soir. Cette crise sociale n’est pas étrangère au fait qu’une majorité d’Egyptiens aient boudé les élections municipales boycottées par les Frères musulmans dans une vaine tentative de récupérer le mécontentement social.
Cette forme de protestation via internet, inédite dans le monde arabe, de nature laïque et moderniste, dénote que malgré la pression exercée par les régimes autoritaires, les peuples finissent par trouver des solutions pour se faire entendre. Qu’elle soit le fait de jeunes Egyptiens qui, dans leur blog, affirment refuser toute récupération politique par quelque parti politique qu’il soit, cette forme de protestation constitue un événement majeur qui va certainement faire des petits dans les autres pays arabes.
H. Z. (Le soir d'Algérie)
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