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Entretien avec Abdelwahid Bouabdallah. Nouveau PDG d’Air Algérie

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  • Entretien avec Abdelwahid Bouabdallah. Nouveau PDG d’Air Algérie

    « Nous voulons entrer dans le capital de certaines compagnies africaines »

    Le renforcement de la flotte d’Air Algérie avec 15 appareils, la création de deux hubs à Alger et Ghardaïa avant la fin de l’année en cours et le recrutement de 100 pilotes. Air Algérie veut, selon son PDG, Abdelwahid Bouabdallah, atteindre la vitesse de croisière. Reconnaissant les défaillances de la compagnie depuis plusieurs années, le nouveau PDG d’Air Algérie veut redresser la barre et motiver son équipe pour conquérir de nouveaux cieux. Le marché africain fait partie, explique-t-il, des priorités de la compagnie qui envisage d’entrer dans le capital de certaines compagnies africaines. « La question est actuellement à l’étude », dit-il.

    Vous avez annoncé dès votre installation à la tête d’Air Algérie la mise en place d’un programme de développement de l’entreprise. Pouvez-vous nous résumer les grandes lignes de ce programme ? Quel est le délai nécessaire pour sa réalisation ?

    Je considère qu’Air Algérie n’est pas une entreprise banale. En plus de sa stricte vocation commerciale, Air Algérie porte le pavillon national, elle est choisie par le président de la République lors de ses déplacements et transporte les délégations officielles algériennes. Elle est le trait d’union avec notre communauté à l’étranger. C’est la vitrine de l’Algérie à l’extérieur. Au plan interne, c’est un important outil d’aménagement du territoire en contribuant à décloisonner les régions isolées. C’est aussi un instrument du système de sécurité nationale auquel l’Etat a recours lorsque les situations d’urgence l’exigent. Ces responsabilités lourdes qui lui sont imposées exigent d’elle de déployer un service impeccable tout en dégageant une rentabilité suffisante pour financer sa croissance. Voilà des défis formidables ; mais de beaux défis auxquels j’aime me confronter. Pour réussir, je n’ai pas de baguette magique. Il faudra du temps et des efforts constants. Mais j’ai la chance de trouver au sein de la compagnie des compétences nombreuses qui ne demandent qu’à s’exprimer. Celles-ci ont capitalisé une expérience de plus de 50 ans. Mon rôle c’est de les motiver au maximum autour de ces défis. Air Algérie a besoin aujourd’hui d’un souffle nouveau. Elle s’est trop longtemps assoupie, négligeant parfois ses missions et délaissant trop souvent ses clients. Elle doit se réveiller. Je veux être le catalyseur des énergies que recèle la compagnie. Je sais que la plupart de ses collaborateurs sont prêts à s’investir dans ce renouveau. Je suis confiant quant à la réussite de notre programme.

    Air Algérie traîne une réputation de mauvaise qualité de service, avec une ponctualité de ses vols très aléatoire. Quelles sont, selon vous, les raisons de cette situation et comment allez-vous faire pour regagner la confiance de vos clients ?

    Il faut en effet le reconnaître. Nos performances de qualité de service sont très insuffisantes. Pourquoi cela ? Ce n’est pas qu’Air Algérie n’est pas consciente de cette exigence dans un environnement ultra compétitif. Ce n’est pas que nos collaborateurs sont mal formés ou manqueraient d’expérience. La raison tient surtout au fait que le management de la compagnie n’a pas placé la qualité de service au centre de ses préoccupations et n’a pas mis en place les mécanismes de suivi et de contrôle pour faire le monitoring permanent de nos performances dans ce domaine. De ce fait, malgré leur bonne volonté, les personnels au contact de la clientèle ont souvent été livrés à eux-mêmes, sans support efficace de la part de la compagnie. Ce qui a encore compliqué les choses – et c’est ce qui m’amène au deuxième grief que vous venez d’évoquer – c’est le manque de capacité dont souffre Air Algérie. Bien que la compagnie ait pu renouveler durant les dernières années une partie de sa flotte, nous accusons toujours un déficit en appareils. Nous ne pourrons combler ce déficit que lorsque nous aurons renouvelé l’ensemble de notre flotte. Et c’est précisément ce manque de capacité qui fait que nos programmes sont toujours très tendus ; et donc vulnérables à tout incident qui se traduit immédiatement par des retards ; lesquels, se cumulant, entraînent un effet de cascade. Redresser les choses demandera du temps. Mais c’est une raison de plus pour commencer tout de suite ! Et c’est pourquoi l’un des tout premiers chantiers que je viens d’ouvrir à Air Algérie c’est celui de l’amélioration de la qualité de service. C’est un chantier qui a de multiples facettes. Certaines produiront des améliorations à court terme, d’autres à long terme avec le renouvellement complet de notre flotte. Ce que j’entends mettre en place, c’est un processus d’amélioration continu de nos standards de qualité qui puisse produire au fur et à mesure des résultats tangibles pour nos clients. Dans cette direction – et c’est un scoop pour El Watan – je viens de lancer il y a une dizaine de jours à peine l’opération « Taqdir ». Cette opération consiste à mesurer nos performances par rapport à celles des compagnies aériennes concurrentes d’Air Algérie et en tirer des enseignements pratiques pour mettre en œuvre des améliorations concrètes chez Air Algérie. Dans le jargon du management, on appelle cela du benchmarking. Déjà plusieurs équipes benchmarking ont été constituées et ont commencé leur travail sur le terrain. Avec l’objectif de proposer des améliorations de la qualité de service que nous escomptons introduire dès la rentrée prochaine dans nos process opérationnels. J’entends faire en sorte que ce souci d’évaluation continue de nos performances soit un exercice permanent au sein de l’ensemble des structures de la compagnie. C’est à ce prix que nous pourrons rehausser nos standards de qualité de service et préserver notre compétitivité.

    Air Algérie qui a le monopole sur les lignes domestiques peine aussi à satisfaire la demande. Pourquoi selon vous ?

    C’est vrai que la flotte destinée au réseau intérieur ne répond pas aux besoins. Pour résoudre ce problème, l’Etat nous a permis d’acheter 4 avions pour les lignes intérieures. Je pense que nous serons très à l’aise. A partir de là, on va faire des navettes. Même la question des billets sera résolue et les gens qui n’ont pas une réservation à l’avance viendront acheter le billet sur place. Mais le problème qui s’est posé, c’est le hub. Donc, nous allons créer un véritable hub ici à Alger qui peut faire des continuations et un hub à Ghardaïa qui sera destiné aux zones pétrolières, au Sud et à l’Afrique. Pour cela, il faut une organisation que nous sommes en train de mettre en place. Par exemple à Ghardaïa, il faut créer une petite base pour la logistique et la maintenance. Ce sera coûteux, mais on y ira résolument. Cet objectif est inscrit dans le programme de développement de la compagnie pour l’année 2008 (fin 2008). Actuellement, nous avons 31 avions après avoir repris les deux avions de Khalifa. On doit acquérir rapidement 4 avions sur le budget de l’Etat et ensuite, d’ici trois à quatre ans, nous allons acheter 11 avions (des modèles de 150 à 200 passagers). Et là, on sera plus à l’aise. Nous espérons renforcer notre flotte par l’acquisition de ces avions dans les trois prochaines années.

  • #2
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    Vous venez d’évoquer l’Afrique. Air Algérie est presque absente sur le marché. Avez-vous des projets pour prendre des parts de ce marché ?

    Vous avez raison. D’autres compagnies ont pris une avance sur nous. Mais je compte reprendre cette clientèle. Nous allons ouvrir de nouvelles lignes. Mais le problème qui se pose, c’est la connexion vers d’autres destinations. Nous avons une forte demande aussi bien des Africains que des Libanais pour faire des connectivités vers Dubai et Beyrouth. Il y a aussi le fret. Pour satisfaire cette demande, nous sommes en train de faire un sérieux travail dans ce sens et nous comptons entrer dans le capital de quelques compagnies africaines pour développer des destinations comme l’Afrique du Sud, le Nigeria… Pour le moment, la question est à l’étude. Nous sommes en train de choisir les compagnies que nous voulons cibler pour faire des propositions à leurs gouvernements respectifs.

    Comment Air Algérie appréhende-t-elle la concurrence des compagnies aériennes étrangères, en particulier celles du Golfe ? Comment comptez-vous faire pour arrêter l’hémorragie des pilotes d’Air Algérie vers ces compagnies, comme l’a révélé la presse ces derniers temps ?

    Il faut savoir que le transport aérien a été parmi les premières industries à se mondialiser. La compétition dans cette industrie a toujours été globale et totale. Globale, parce que sur la plupart des marchés plusieurs compagnies de différentes nationalités opèrent et se concurrencent. Totale, parce que la compétition touche tous les aspects du business. En particulier, les compagnies sont en compétition pour attirer les meilleures compétences, comme les pilotes par exemple. C’est pourquoi le nomadisme des pilotes est une caractéristique connue dans l’industrie du transport aérien. Il a touché Air Algérie, comme la plupart des compagnies aériennes dans le monde, depuis bien longtemps. Avec le boom que connaît le transport aérien dans le monde – après les effets du choc du 11 septembre 2001 – la demande en pilotes a explosé. On estime à plus de 10 000 demandes non satisfaites dans le monde aujourd’hui. Et ce sont précisément les compagnies du Golfe arabique qui expriment les plus forts besoins. Cela étant, il ne s’agit pas pour Air Algérie de fuir le problème. Depuis longtemps, la compagnie a beaucoup investi dans la formation de ses pilotes. Ce qui fait qu’ils sont particulièrement recherchés par les autres compagnies. Mais elle n’a pas accompagné cet effort par des mécanismes de motivation suffisants pour ses pilotes. Au-delà du système de rémunération qui gagnerait à être davantage assis sur la productivité, il faut beaucoup améliorer les conditions de travail de nos équipages. Et par-dessus tout, il faut que la compagnie exprime plus de respect à ses pilotes. Je suis très au fait de ces problèmes, car j’ai engagé un dialogue ouvert avec eux. La plupart d’entre eux sont fortement attachés à la compagnie. Ils veulent, comme moi, la voir monter très haut dans les standards internationaux du transport aérien. Et je peux vous assurer qu’ils sont parmi mes plus sûrs supporters dans les efforts de changement que j’ai engagés à Air Algérie. Pour faire face à l’élargissement de notre réseau, nous venons de procéder au recrutement de plus de 100 pilotes. Cet effort de recrutement et de formation concerne aussi le personnel commercial navigant. De cette façon, la programmation des équipages sur nos vols sera plus aisée et se traduira par des améliorations directes sur la ponctualité.

    L’une des questions que se posent tous les Algériens est de savoir pourquoi le prix du billet à partir d’Alger vers l’Europe est le plus cher du monde (près de 50 000 DA), au moment où des compagnies étrangères proposent des prix pour de longs trajets (Europe-USA par exemple) ne dépassant pas les 300 ou 350 euros. Pourquoi cette différence ?

    Le niveau des tarifs que vous relevez pour des trajets Alger-Europe est un niveau tout à fait compétitif sur ce marché. Il diffère peu des tarifs pratiqués par nos concurrents. Mais il s’agit du tarif plein. Sur certaines de ces lignes, nous avons des tarifs promotionnels qui sont moitié moindres. Cela dit, la question des tarifs aériens doit être regardée aujourd’hui avec un œil neuf. Depuis l’arrivée sur le marché des compagnies low cost (compagnies à bas prix), le système de tarification a été complètement bouleversé. De plus en plus, grâce aux nouveaux moyens technologiques, les compagnies aériennes introduisent des systèmes de tarifications souples, modifiables en temps réel. C’est ce qu’on appelle dans le jargon aéronautique le yield management. Ce qui fait que deux passagers sur un même vol et voyageant sur une même classe auront payé des tarifs pouvant varier de 1 à 10, selon qu’ils aient réservé plus ou moins à l’avance. C’est ce mode de tarification qui fait que les prix des billets peuvent connaître des différences imprévisibles. J’ai vu en arrivant à Air Algérie qu’une réflexion avait été engagée pour mettre en place un système de tarification semblable. J’entends faire aboutir cette réflexion le plus vite possible pour envisager l’introduction progressive du yield management dans notre politique tarifaire.

    Madjid Makedhi (El Watan)

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