Le voyage de Sarkozy à Alger en décembre dernier n’a pas eu les suites attendues sur les relations algéro-françaises : Paris et Alger se font la tête et cela se sent. Non seulement cette visite n’a pas apporté les changements escomptés dans les relations entre les deux pays mais celles-ci semblent même s’être passablement refroidies. Tous ceux qui fondaient de grands espoirs sur la visite du président français et de sa suite constituée de 150 chefs de grandes entreprises et de PME et rêvaient les yeux ouverts aux perspectives radieuses qu’elle allait ouvrir en matière d’échanges et de projets économiques sont restés sur leur faim. Sarkozy est venu, a fait des discours aux accents néocolonialistes puis est reparti, emportant dans sa besace une moisson de contrats d’un montant de 5 milliards d’euros, dont Total, EDF, GDF, Alstom furent les heureux bénéficiaires. Côté Algérien, mis à part les couacs provoqués par les déclarations intempestives à propos de questions mémorielles et historiques, les accords économiques avaient suscités de grandes espérances. Persuadés qu’aucun pays de la région ne pouvait offrir autant que le leur, ils attendaient d’être payé en retour. Après tout, pensent-ils, du gaz pour GDF, du pétrole pour Total, et l’uranium pour Areva, un métro pour Alstom et la RATP, des aéroports à gérer pour ADP et j’en passe, cela mérite bien une place d’honneur dans la future Union pour la Méditerranée, à défaut de voir cette liberté de circulation accordée aux capitaux et aux biens entre les deux pays s’étendre aux hommes. Anciennement Union Méditerranéenne, le projet avait été revu et corrigé par son concepteur élyséen sur injonctions de ses partenaires européens, en particulier allemand. En fait, ce sont tous les responsables européens réunis à Bruxelles le 13 et 14 mars qui ont mis la main à la pâte et exigé que la proposition française s’intègre dans « le processus de Barcelone ». La nouvelle mouture − pâle copie du projet initial dont on connaît plus ou moins les contours mais non le contenu − retenue par le sommet s’appellera désormais «processus de Barcelone : Union pour la Méditerranée. »
En vertu des droits qui lui confère la paternité de l’idée première, Paris a gardé la main haute sur l’initiative et suit sa mise en route point par point. Dans une première étape, l’Elysée s’est attaché à distribuer les rôles à chacun de futurs partenaires. Il apparaît aujourd’hui que le casting réalisé par Paris ignore ostensiblement Alger… et fait la part belle à ses voisins. D’abord au « frère ennemi » éternel rival, le Maroc – un allié particulièrement conciliant, aligné depuis le règne sans partage de Hassan II sur Paris et Washington − puis à l’Egypte – un partenaire en paix avec Israël, entretenant des relations économiques et commerciales avec lui, qui devrait faciliter l’intégration de l’Etat hébreu dans le futur ensemble méditerranéen, – et enfin à la petite Tunisie sans grands atouts certes mais si « stable » et si bien tenue en main par la poigne de fer de Ben Ali.
L’opération s’est menée sans grand bruit et avec diligence.Tout le monde y a mis la main, y compris Matignon. Il est revenu à François Fillon la tâche d’annoncer à Rabat où il effectuait une visite de travail que « le secrétariat de l’Union doit être situé sur la rive sud. » Pour nombre d’observateur, ce souhait signifiait clairement que la fonction venait d’être attribuée. Une semaine plus tard, Moubarek était reçu par Sarkozy et le communiqué de l’Elysée diffusé à l’issue de l’entretien annonçait que « les deux hommes ont parlé (…) du projet d'Union pour la Méditerranée, que l'Égypte a toujours soutenu et dans lequel elle aura un rôle décisif à jouer ».
Ce rôle décisif sera celui joué par la présidence de l’Union, attribué à l’Egypte, dont le futur siège sera installé à Tunis et le secrétariat général au Maroc. Trop imprévisible au goût des Français, c’est-à-dire pas assez complaisante, l’Algérie s’est vue ainsi disqualifiée d’un projet dans lequel tout le monde s’accorde à dire qu’elle est incontournable − qu’est-ce en effet qu’une Union pour la Méditerranée sans elle ?
Alors Alger marginalisé par son plus gros partenaire commerciale ? Sans doute. Même si les positions des industriels français régressent au profit de leurs concurrents chinois et américains, avec une part de marché de près de 20 %, la France est encore le premier fournisseur de l'Algérie. Quand à cette dernière, avec 8 milliards d'euros de ventes, elle reste le premier partenaire commercial de la France sur le continent africain, devant le Maroc et la Tunisie.
Meriem Benmehdi
lematindz.net
En vertu des droits qui lui confère la paternité de l’idée première, Paris a gardé la main haute sur l’initiative et suit sa mise en route point par point. Dans une première étape, l’Elysée s’est attaché à distribuer les rôles à chacun de futurs partenaires. Il apparaît aujourd’hui que le casting réalisé par Paris ignore ostensiblement Alger… et fait la part belle à ses voisins. D’abord au « frère ennemi » éternel rival, le Maroc – un allié particulièrement conciliant, aligné depuis le règne sans partage de Hassan II sur Paris et Washington − puis à l’Egypte – un partenaire en paix avec Israël, entretenant des relations économiques et commerciales avec lui, qui devrait faciliter l’intégration de l’Etat hébreu dans le futur ensemble méditerranéen, – et enfin à la petite Tunisie sans grands atouts certes mais si « stable » et si bien tenue en main par la poigne de fer de Ben Ali.
L’opération s’est menée sans grand bruit et avec diligence.Tout le monde y a mis la main, y compris Matignon. Il est revenu à François Fillon la tâche d’annoncer à Rabat où il effectuait une visite de travail que « le secrétariat de l’Union doit être situé sur la rive sud. » Pour nombre d’observateur, ce souhait signifiait clairement que la fonction venait d’être attribuée. Une semaine plus tard, Moubarek était reçu par Sarkozy et le communiqué de l’Elysée diffusé à l’issue de l’entretien annonçait que « les deux hommes ont parlé (…) du projet d'Union pour la Méditerranée, que l'Égypte a toujours soutenu et dans lequel elle aura un rôle décisif à jouer ».
Ce rôle décisif sera celui joué par la présidence de l’Union, attribué à l’Egypte, dont le futur siège sera installé à Tunis et le secrétariat général au Maroc. Trop imprévisible au goût des Français, c’est-à-dire pas assez complaisante, l’Algérie s’est vue ainsi disqualifiée d’un projet dans lequel tout le monde s’accorde à dire qu’elle est incontournable − qu’est-ce en effet qu’une Union pour la Méditerranée sans elle ?
Alors Alger marginalisé par son plus gros partenaire commerciale ? Sans doute. Même si les positions des industriels français régressent au profit de leurs concurrents chinois et américains, avec une part de marché de près de 20 %, la France est encore le premier fournisseur de l'Algérie. Quand à cette dernière, avec 8 milliards d'euros de ventes, elle reste le premier partenaire commercial de la France sur le continent africain, devant le Maroc et la Tunisie.
Meriem Benmehdi
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