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JO Pékin 2008: Carrefour craint un retour de flamme

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  • JO Pékin 2008: Carrefour craint un retour de flamme

    La Chine, dans une volonté d'affirmation de son statut de puissance économique mondiale, semble prête à jouer de son influence commerciale en représailles aux critiques formulées contre sa politique. Si elle met ses menaces à exécution, les entreprises françaises pourraient bien être les premières touchées.

    Depuis plusieurs jours déjà, des foules en colère se massent devant les magasins du groupe Carrefour. Elles protestent contre la France, qui veut tirer profit des Jeux olympiques de Pékin pour faire pression sur la Chine au sujet des droits de l'homme et du Tibet. L'enseigne, deuxième au monde après l'Américain Wal-Mart, a vigoureusement nié toute implication politique et a déclaré que, jusqu'à présent, ces manifestations n'avaient eu que des conséquences modérées sur son activité.

    Mais les manifestants, portés par une déferlante de blogs et de messages instantanés, exhortent leurs concitoyens à boycotter la chaîne française ainsi que tous les produits fabriqués en France. "Si vous êtes un patriote chinois, faites suivre ce message à vos amis et à votre famille, et n'allez pas faire vos courses chez Carrefour", dit un message qui circule actuellement.

    Les Chinois ont été scandalisés par les perturbations répétées lors du passage de la flamme olympique dans la capitale française, le 7 avril, et estiment que la police française n'a pas montré assez d'empressement à intervenir. Pour parfaire le tout, Nicolas Sarkozy a déclaré qu'il n'assisterait pas à la cérémonie d'ouverture si la Chine ne rouvrait pas le dialogue avec le dalaï-lama.

    La France envoie une délégation de hauts représentants

    Si les manifestations antifrançaises se généralisent, elles pourraient nuire non seulement à Carrefour, plus important détaillant étranger en Chine, mais aussi aux maisons de luxe comme Moët Henessy Louis Vuitton, pour qui l'empire du Milieu représente un des marchés dont la croissance est la plus forte. Nombre d'entreprises hexagonales ont misé sur ce pays, depuis le groupe hôtelier Accor aux ciments Lafarge, en passant par Suez et Véolia Environnement. Mais ce sont les détaillants et les fabricants de produits de luxe qui sont le plus exposés, du fait de leur forte visibilité.

    Le président français, qui a déclaré l'an dernier qu'il irait "chercher la croissance avec les dents", tente de calmer le jeu. Il a donc envoyé à Pékin une délégation de hauts responsables chargée de remettre aux dirigeants chinois plusieurs lettres dans lesquelles il exprime son regret pour les incidents qui ont émaillé le parcours de la flamme. Le 22 avril, aux informations télévisées chinoises, on pouvait voir le président du Sénat, Christian Poncelet, baiser la main de Jin Jing, l'athlète handicapée devenue l'emblème de la fierté nationale après que la télévision l'a montrée arc-boutée sur son fauteuil roulant pour défendre la flamme face aux manifestants.

    Mais nul ne sait encore si ces gestes d'apaisement porteront leurs fruits. Après sa rencontre avec M. Poncelet, Jin Jing a estimé qu'il était "dommage" que Nicolas Sarkozy n'ait pas formulé clairement des excuses dans sa missive. De son côté, ce dernier a déclaré qu'il se réservait toujours le droit de ne pas assister à la cérémonie d'ouverture.

    Carrefour craint un retour de flamme

    Entre temps, la violence des manifestants s'est amplifiée. Selon plusieurs témoignages, un Américain de 22 ans a été attaqué le week-end dernier alors qu'il sortait d'un magasin Carrefour de la province du Hunan. D'après ses collègues, cet homme qui n'a pas été identifié de peur de représailles travaillerait comme enseignant bénévole en Chine. Les médias locaux incitent désormais les émeutiers au calme, et le 22 avril, le quotidien officiel chinois en langue anglaise China Daily expliquait que "le nationalisme débridé n'[était] pas constructif et pouvait nuire au pays".

    Malgré tout, Carrefour s'alarme de ces événements. Depuis 1995, l'enseigne est parvenue à mailler le pays d'un réseau de 112 hypermarchés - devançant sont concurrent Wal-Mart - et prévoit d'ouvrir 20 magasins cette année. Le 20 avril, dans une interview accordée au Journal du Dimanche , le président du directoire du groupe, José-Luis Duran, déclarait : "Malgré quelques incidents localisés, nous n'avons pas senti à ce jour d'impact significatif sur notre chiffre d'affaires. Mais nous prenons la situation très au sérieux." Il a dit comprendre que les Chinois aient été choqués et a ajouté : "Quand j'ai vu les images, je n'étais pas fier."

    Le boycott n'est pas une solution


    D'autres grandes marques s'inquiètent, dont LVMH. Il faut dire que de toute l'industrie du luxe, c'est le groupe le plus présent sur place, avec 18 boutiques Louis Vuitton et près de 30 magasins Sephora. Le marché chinois représente près de 5 % de son chiffre d'affaires, qui s'élève à 16,5 milliards d'euros. Selon un de ses porte-parole, il n'y a pas eu de manifestations devant les magasins ni de chute des ventes, bien que quelques blogs aient appelé au boycott des marques de l'entreprise.

    Dans une interview accordée au Figaro le 17 avril, le pdg de LVMH Bernard Arnault a implicitement critiqué les propos de M. Sarkozy en déclarant : "Il y a tant de choses à améliorer dans le monde, et même chez nous en Europe. Boycotter une partie des JO n'est pas une solution." Il ne fait aucun doute que M. Arnault encourt un double risque si les manifestations perdurent : il appartient à un groupe d'investisseurs qui vient d'acquérir une part importante du capital de Carrefour pour devenir le plus important actionnaire du détaillant dont le chiffre d'affaires annuel s'élève à 91,5 milliards d'euros.

    Les Chinois accourront-ils aux soldes ?


    De nombreux consommateurs semblent prêts à laisser à l'entreprise française le bénéfice du doute : "Le président de Carrefour n'a rien fait contre la Chine. Ce n'est pas rationnel", explique une cliente du quartier de Baishiqaio, dans la banlieue de Pékin, qui s'est identifiée comme Mlle Huang. "Carrefour paie des impôts et fait des donations [à des organisations caritatives chinoises]", ajoute-t-elle.

    Les fêtes du début du mois de mai pourraient avoir valeur de test. À cette occasion, le distributeur a annoncé des promotions exceptionnelles. "Peu importe les soldes. Je ne viendrai pas si Carrefour a donné de l'argent au dalaï-lama", a fait savoir une autre cliente de la même ville, qui s'est identifiée comme Mlle Wang. L'entreprise a nié soutenir financièrement le chef spirituel tibétain, mais face aux rumeurs qui enflent à l'approche des JO, il faudra peut-être plus que des soldes pour inciter les consommateurs à revenir sur leurs positions.

    Par businessweek
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