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L’arbre cachant la forêt, peut aussi l’embraser

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  • L’arbre cachant la forêt, peut aussi l’embraser

    « Celui qui fait revivre une personne - lui redonner de l’espoir -, c’est comme s'il l’a fait pour toute l’humanité. Et que lui donner la mort, c’est comme s'il a fait périr tout le genre humain ».

    Ces préceptes d’essence coranique, traduits de la sorte, dénotent de l’importance que la religion musulmane consacre au droit de vie de l’individu au sein de son milieu et, à partir de là, prescrit à l’ensemble des fidèles de préserver son intégrité morale et physique, dans n’importe quelle situation, et de contrer toute atteinte préjudiciable sur ce droit suprême tout au long de son parcours en ce bas monde.

    Celui-ci, depuis la création, fut le grand théâtre à ciel ouvert aux innombrables actes génocidaires ; puis, à travers les ères, les pensées de sagesses humaines et ensuite les religions monothéistes sont apparues prônant, différemment, la pondération et la bonté divine au sein des peuplades les aidant progressivement à s’organiser sur de nouvelles bases existentielles, les propulsant ainsi vers d’autres raisons d’être accompagnées de renaissances et civilisations successives qui, paradoxalement, ont débuté elles aussi par des guerres atroces et se sont terminées de la même façon. Et ainsi de suite !

    L’être humain est ainsi fait. Le mensonge multi facette notre péché originel et l’abominable tentation de vouloir tuer son prochain constituent un ensemble de tares s’incrustant dans le génotype humain depuis sa codification originelle, et, montrant ses nuisances en différentes manières. Elles sont si nombreuses, mais combien aussi futiles hier qu’aujourd’hui. Dans ce sens, le philosophe Marc Aurèle disait, à propos du pouvoir de domination par le mensonge et de séquestration du droit de vie et de la liberté de pensée d’autrui, ceci : « Que de la vanité, tout n’est que vanité ». Lui, l’empereur de Rome !

    Nos sociétés actuelles, s’agglutinant dans les mégapoles se développant de plus en plus - d’ici quelques décennies plus de 80 % de la population mondiale habiteront les grandes villes ont annoncé certaines projections - sont envahies par tant de déceptions existentielles, que certains être humains endurent de moins en moins leurs aléas, dont la misère morale et ses multiples conséquences de déchéances. Le suicide sous toutes ses formes est parmi ses représentations, et, constitue pour les tempéraments ayant atteint un état de fragilité irréversible, l’ultime issue salutaire à leurs yeux. Je suis, ou/donc, je me tue ou alors m’automutile. Une terrible souffrance s’effectuant aux tréfonds de l’âme humaine avant l’acte fatidique. Une manière d’attirer l’attention et d’appeler au secours ! Une inhibition profonde, en plus des dispositions propres à l’individu qu’il soit citadin ou rural d’ailleurs, due en grande partie à la conjugaison des remous internes à ceux externes que vit une personne ainsi coincée, à un moment critique de sa vie, au sein d’une société qu’elle considère étouffante et aliénante. C’est le sujet de notre article.

    Il s’agit de deux « petites histoires », des choses banales de la vie, aiment-ils désigner les cyniques, rapportées par le quotidien Echourrouk du jeudi 17/04/2008 dont nous avons corroboré les principaux faits. Elles se sont déroulées dans la même décennie qui poursuit actuellement son cours, et, dans la ville des ponts suspendus, à savoir Constantine. Elles restent d’actualité et méritent d’être rappelées, cristallisées à jamais dans notre mémoire collective obnubilée autrement par les immédiatetés vaniteuses de la vie. En vérité, ce sont deux immenses espoirs ensevelis, hélas, sous les décombres de l’incompréhension et de l’inattention. L’un rappelant la journée du savoir, tandis que l’autre celui de la condition de la femme de science également.

    AINSI, IL SE SUICIDE

    Le premier, concerne le parcours d’un chercheur en physique nucléaire qui, dès son jeune age, avait montré des capacités intellectuelles avérées. A 20 ans, il fut promu Ingénieur d’Etat en physique nucléaire à L’Ecole nationale polytechnique d’Alger, où il suscita l’attention d’un professeur américain qui l’encouragea à poursuivre ses études à l’université du Michigan aux USA. Ce qui fut fait. Au cours de son cursus, il impressionna ses professeurs et, après avoir obtenu le diplôme de doctorat en la matière, se hissa à leur rang, puis devenu éminent chercheur dans le domaine nucléaire à telle enseigne, que ladite université et les autres centres de recherches en bénéficiaient de ses apports dans ledit domaine. Même, des lauréats au prix Nobel de physique nucléaire furent parmi ses connaissances.

    Après un bon bout de temps passé aux USA, il décida subitement de retourner au pays. Définitivement ! Que s’est-il donc passé dans sa tête ? Et quels étaient ses motifs ? Ses collègues, et les centres de recherche avec qui il collaborait, l’en dissuadèrent avec acharnement. En vain ! Alors, pour échapper à leur emprise, il fit appel à son père pour lui envoyer un télégramme avec un argument à la mesure de l’enjeu. Le message sitôt reçu et justifiant ainsi son retour, il prit l’envol vers le pays. La tête pleine d’ambitions et d’espoirs.

    Après avoir passé son service national, puis ensuite occupé différentes fonctions liées à son domaine, il se retrouve après tant de déceptions et d’amers regrets - du simple fait que certainement son esprit était taraudé par des souvenirs liés à son ancienne condition aux USA - ballotté au gré des médiocrités et incompréhensibilités de son environnement dans son ensemble. Une terrible situation pour ceux qui ont connu ce genre d’impasse. Au fil du temps qui passe, il commence à dérailler puis s’isoler dans un mutisme complet malgré son dernier travail temporaire dans le domaine... forestier (?) ; il lisait beaucoup, de tout et du n’importe quoi. Des symptômes de profonds déchirements de la personnalité. Puis, ce fut le grand saut vertigineux vers le désespoir final. Le 16 Avril 2001, le jour du savoir, il se précipita corps et âme dans le ravin du Rhumel. L’antique Cirta s’en souviendra, pour bien longtemps, de ce douloureux événement coïncidant ainsi avec la célébration de la date de la mort du vénérable Cheikh Benbadis.

    Comment est-il arrivé à ce choix terrible ? Qu’ont-ils donc fait à ce jeune savant pour qu’il lance cet horrible cri de détresse repris en écho par les gorges de la ville du rocher ?

    Et de faire désintégrer ainsi, de cette manière, son énergie intellectuelle à peine âgée de 48 ans ? Une chose est sûre : l’ignorance et l’absurdité tuent, sinon aliènent toute énergie scientifique. Ce qui suit, en est la deuxième preuve édifiante.

    ALORS, ELLE DEVIENT FOLLE

    Il s’agit d’une femme professeur en chirurgie dentaire. Le même parcours brillant avec, cependant, une autre destinée. Elle, aussi, a fait des études à l’Etranger. A Genève. Et elle, aussi, avait insistée pour retourner au pays malgré, également, l’insistance de l’instance scientifique où elle professait et pratiquait son savoir-faire apprécié par ses pairs, pour qu’elle reste à côté du lac Léman. Vainement !

    L’ex-président de la République, M. Chadli Bendjedid, lui avait proposé le poste de ministre de la Santé. Elle aurait pu être la première dame à exercer une telle fonction dans l’Algérie post-indépendance. Elle refusa net en s’excusant, et, tout en justifiant son refus qu’elle serait plus utile dans la pratique purement scientifique. C’est comme ça qu’elle se voyait. Et c’est comme ça qu’elle remplissait sa charge dans l’abnégation et le dévouement après son retour au pays. Tous ses collaborateurs, élèves et patients en témoignent. La science pour elle, c’est de chercher et dire la vérité y compris à la gouverne des hautes instances de l’Etat et à leurs avatars mesquins. Par souci de rationalisme. Elle ne ratait aucune occasion pour le manifester.

    Une femme de haute trempe, de fer, qualifiait-on. Puis, subitement, c’est la descente aux enfers. Elle commence à se parler à soi-même sans faire attention aux gens - mais que se disait-elle Seigneur ? - en face des vitrines des rues de la ville de Constantine, dans un français impeccable, ont remarqué ceux et celles qui la connaissaient et compatissaient, à juste raison, sur un tel aboutissement tragique.

    Agée de 60 ans, devenue agressive envers les gens qui, bouleversés par cette image, ne réagissaient nullement à ses actes, elle a été finalement internée dernièrement dans l’asile des fous au lieu-dit « Djebel El-Ouahch ». Montagne voulant dire soit la nostalgie de quelque chose, le souvenir... ou bien encore du monstre, celle du sauvage. Dans tous les cas de figure, ce ne serait que des symboles édifiants dans tous les sens du lieu-dit ! Triste et horrible destin, pour une dame tellement admirable. Peut-être que elle aussi a été malmenée par son environnement socioprofessionnel et la médiocrité régnante en maîtresse dans les bastions du savoir, devenus des lieux de l’incurie et du désespoir pour les gens sérieux et honnêtes que certains mal intentionnés qualifient de non « audacieux ». Mais, Bon Dieu, dans quel sens ? Cependant, la question demeure posée : pourquoi ce saut vers le monde dit de la déraison ?

  • #2
    MAIS, APRES !

    Il a été prouvé qu’à force d’être rationnel en face de l’absurde, justement, on convoque la déraison. A ce propos, un de mes vieux amis, disparu lui aussi, me disait : « Liyefhem bezaf imout bezaâf ». « Celui qui veut trop comprendre meurt dans l’irascibilité ». Nullement convaincu, bien évidemment, par sa réflexion démobilisatrice rappelant le temps de l’indigénat lié à l’assistanat coloniale, ainsi qu’à celles débiles et lâches du genre « khati rassi » - je ne suis pas concerné - de l’histoire ridicule du douar et la maison brûlée de Djeha, je répliquais à chaque fois à sa soi-disant maxime en lui disant : « ce n’est vrai que dans certaines sociétés ».

    La nôtre dans son ensemble, justement, devrait s’en inquiéter pour le présent et surtout l’avenir de nos enfants, y compris les « aisés » en train d’étudier à l’étranger. Le rouleau compresseur de l’absurde en mouvement depuis longtemps est aveugle. Il ne faut pas s’y tromper sur sa froideur robotique, encore moins sous-estimer ses mécanismes en action permanente et envahissent tous les domaines de la vie nationale, notamment de développement humain.

    Au milieu de cette semaine, un haut responsable gouvernemental a dit, crûment, que la reforme de l’Ecole n’a pas échouée, mais qu’il existe seulement des « déséquilibres », généralise-t-il. Donc, il y a là un motif réel de s’en inquiéter sérieusement d’autant plus que ce n’est nullement un aveu constructif, mais bel et bien un faux-fuyant à toutes fins utiles. En effet, ces dysfonctionnements sont connus depuis belle lurette et n’ont que trop duré. On ne cesse de les reconduire par des paroles et actes insensés. On dirait que notre système de gouvernement aime cumuler les difficultés, pour ensuite les « aplatir » en vrac. Une approche bien singulière qui ne fait qu’empirer les choses.

    En fin de semaine, un autre responsable du secteur universitaire a présenté au gouvernement une nomenclature classifiant les chercheurs par niveau de grades. Alors que dans les pays qui consacrent à la recherche plus de 1 % de leur PIB - 1 % seulement depuis juste une année chez nous paraît-il - cet index est surtout lié au nombre de travaux et contributions utiles à leurs sociétés, d’une part, et, que d’autre part, autonomise en améliorant les conditions de travail et l’environnement des chercheurs ainsi que protège leurs intérêts dont moraux notamment.

    A ce titre, les multiples maux que nous sommes en train d’endurer perdurent ainsi dans les méandres des solutions inadaptées. Cela va de la dépendance alimentaire, à la navigation à vue en termes de gouvernance déconnectée des réalités que vivent certaines strates sociales.

    De toute façon, ce genre de dégradation morale, dont quelques exemples ont été décrits ci-dessus, est non seulement inquiétant mais bien plus. Il nous donne l’image d’une forêt broussailleuse, en termes de cumul de négligences et de malveillances entretenues par un système amblyope, menacée par la moindre étincelle qui, happée par un arbre qui la « cache », provoquerait l’immense incendie tant redouté dans le coeur des gens. Une fois pour toute !

    Si hier, le célèbre auteur du fils du pauvre, Mouloud Feraoun, disait la même chose au sujet de l’injustice des hommes, générée par un système colonial abject, et, avilissant tout un peuple ; par contre aujourd’hui, ce sont les agissements arrogants des attentistes et des médiocres qui en seraient responsables. En plus de l’injustice ! Et ce, malgré tous les sursauts considérables effectués, depuis près d’un demi-siècle déjà, dans bon nombre de domaines de la vie nationale, notamment de développement socio-économique mais, malheureusement, peu sinon nul dans celui de l’éthique à tous les échelons dudit système. Un projet de société ne consacrant pas, en paroles intelligentes et perspicaces ainsi qu’en actes nets et conséquents, les domaines du savoir et de la compétence, et, qui ne peut bannir sans relâche l’incurie et la gabegie, est condamné non pas seulement à la déchéance à petit feu mais serait honni, vomi par les générations émergentes. Et par l’Histoire ! C’est là justement - il est utile que nous l’admettions tous - le véritable sens des sauts d’un savant en physique nucléaire s’écrasant dans un ravin, et d’une femme professeur émérite vers l’univers de la folie. Terrible, est cette époque que nous vivons. Celle de la misère morale se propageant tous azimuts, dans une ambiance d’inertie des centres de décision d’une part, et, d’autre part, de l’indifférence généralisée dont les medias dits lourds.

    L’ENTV et autres radios régionales, en tant qu’observatoires de la vie nationale, et, si elles étaient bien inspirées honnêtement et serviraient, comme elles le prétendent, l’intérêt suprême de la nation, devraient sans hésiter élaborer des émissions traitant, à vif, ce genre de déchéances humaines - elles sont nombreuses - et dire que tout ne vas pas si mal, mais que tout n’est pas au beau fixe également.

    En détails, quitte à laisser des « plumes d’or », mais au moins on sauvegarde sa conscience qui est tout un trésor inestimable. Un sublime acte d’honneur et de notabilité. Pour l’exemple.

    La presse écrite, notamment indépendante, le fait un tant soit peu. Les dernières déclarations du ministre de l’Information, de par leur teneur, semblent aller vers plus de stimulus dans ce sens. Et c’est une bonne chose pour l’image du pays qui ambitionne d’adhérer à l’OMC.

    Néanmoins, ces progrès restent encore insuffisants, partiels, précaires et surtout éclipsés par la routine et les banalisations entretenues du bas jusqu’au haut de l’échelle sociale. Une somnolence, certes droguée par les pesanteurs des choses de la vie, mais qu’en revanche serait imprévisible vis-à-vis de cette toxicomanie.

    A l’image de ces deux docteurs d’Etat désespérés, parmi d’autres, issus d’une même élite générationnelle en train de bâtir le pays et d’en souffrir mais n’osent pas encore, hélas, exécuter les envolées pertinentes la propulsant vers plus de cohésion intellectuelle et de solidarité culturelle pertinente et efficace. L’égocentrisme prédomine. Mais, jusqu’à quand ? Car l’arbre ne peut cacher indéfiniment une futaie mal entretenue, asséchée. Le risque, A Dieu ne plaise, ne serait que grand. Trop ! Et pour tout le monde. Enfin, cette contribution est dédiée à l’honorable professeure souffrante et esseulée dans le monde des vivants, tout en priant le Seigneur, Tout-Puissant, pour qu’Il l’assiste dans son calvaire, et à l’éminent physicien se trouvant dans celui de l’au-delà, lieu de repos éternel qu’il mérite, car Le Seigneur est Clément et Miséricordieux. Ainsi qu’à leurs familles et amis.


    Par Ali Brahimi- Quotidien d'Oran

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