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Nna Ldjouher perpétue ses Etres aimés

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  • Nna Ldjouher perpétue ses Etres aimés

    Elle a quelque chose de Madame Grandet, ce personnage de Balzac, dans Eugénie Grandet. Elle n’est cependant pas "sèche et maigre, jaune comme un coing, gauche, lente…". Elle est tout le contraire d’une "takemmuct n yehgsan", dira une métaphore kabyle. Par contre, et c’est surtout sur ce plan qu’elle ressemble au personnage de Balzac, toute sa physionomie dégage "une douceur angélique, une piété rare, une inaltérable égalité d'âme…".

    Elle, c’est Madame Benmouhoub. Nous l’avons rencontrée au Salon national du livre et du multimédia amazighes organisé par le HCA à Boumerdes. La présence de Nna Ldjouher (c’est ainsi que tout le monde l’appelle) au salon répond fondamentalement à ce besoin quasi pathologique qui veut que "adar iteddu s azar (littéralement, le pas suit la racine)". La grand-mère était là aussi, sur les traces de sa défunte Nadia, une jeune fille versée corps et âme dans la création littéraire et que lmmut taghedart a emportée il y a quelques années.

    Elle était aussi à Boumerdès pour reconduire le awal, son mari poète, lui aussi ravi par la mort. Grand-mère courage ne pleure pas ses deux êtres aimés : elle les perpétue de la plus belle des manières qui soit.

    Nous la regardons, nous l’épions presque, se mouvoir d’un stand à un autre. “La mère de sa fille” s’intéresse à tout et à tous. Nous échangerons avec elle quelques mots. Dès qu’elle comprend que nous travaillons pour la DDK, Nna Ldjouher sautera du coq à l’âne : "la Dépêche de Kabylie ne vous appartient pas. C’est notre journal. Nous exigeons beaucoup de vous…". Et elle se lance dans une litanie de propositions qui de son point de vue améliorerait le canard. Nous écoutons notre lectrice et prenons note. Puis, sans faire dans le détail, la vieille Kabyle nous parlera de sa fille et de son mari. Elle leur voue une admiration sans borne. Nous retenons que pour, tamazight, au sens création, représente ses deux amours.

    L’après-midi, nous cherchons des yeux Nna Ldjouher pour continuer notre brin de causette. Nous ne la trouvons pas. Nous montons au premier étage de la maison de la culture Rachid-Mimouni. Et voilà madame Benmouhoub concentrée derrière un pupitre ! L’image est saisissante. La grand-mère suit des cours de tamazight en, tenez-vous bien, niveau deux. Ali Bekhti, son enseignant, est sidéré par sa capacité d’assimilation et son répondant. Quelle leçon pour tous ces jeunes partisans du moindre effort lettrés dans d’autres langues et analphabètes dans la leur ! Ces jeunes qui se disent prêts à verser leur sang pour tamazight (nous les croyons volontiers) mais pas consacrer un peu de temps pour l’apprendre. C’est avec fierté que Nna Ldjouher nous dédicacera dans un kabyle fluide et segmenté le recueil de poèmes de sa fille Nadia édité par le HCA.

    C’est avec une plus grande fierté que nous acceptons la publication. Nna Ldjouher est la preuve matérielle que le kabyle n’est pas "une langue de tribu appelée à disparaître un jour" comme aime à le répéter quelques théoriciens de la langue qui jamais de leur vie n’ont feuilleté une création d’expression amazigh ou, encore moins, rencontré une Madame Benmouhoub.

    Par La Dépêche de Kabylie
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