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Turquie: Le site archéologique d'Allianoï menacé

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  • Turquie: Le site archéologique d'Allianoï menacé

    Sur les bords de la Mer Egée, le site archéologique Allianoï datant du IIème siècle a déjà disparu des circuits touristiques en Turquie.

    Sur la route, le panneau signalétique a été barbouillé de peinture noire, tel un funeste présage de son enterrement à venir. À l'entrée, derrière un portail cadenassé, deux gardiens sortent une lettre du sous-préfet qui interdit, en principe, les visites. Allianoï a déjà disparu des circuits touristiques. Pour ce site romain du IIe siècle, situé dans l'ouest de la Turquie, le danger se trouve dans le fond du vallon verdoyant où il est niché : un barrage à vocation agricole dont la mise en service est imminente. Les vestiges d'Allianoï seront alors engloutis sous 17 mètres d'eau. «Il s'agit du centre thermal dans le meilleur état de conservation au monde, il faut absolument le protéger», se désespère Ahmet Yaras, l'ancien directeur des fouilles.

    Cette cité romaine, édifiée sur les rives du fleuve Bakirçay à l'époque de l'empereur Hadrien, n'était pas totalement inconnue de la population locale : jusqu'à la fin des années 1990, une partie des bains, alimentée par une source d'eau chaude à 45°, était encore en activité. Mais, au fil des siècles, les alluvions avaient recouvert la quasi-totalité du site. «Cela a finalement permis la préservation des constructions sur plusieurs mètres de hauteur, explique Axel Tibet, archéologue à l'Ifea, l'Institut français d'études anatoliennes, à Istanbul. Ce qui est exceptionnel, car dans cette région très sismique, les sites, comme celui d'Éphèse (à 200 km) par exemple, sont généralement reconstruits.»

    C'est la décision, par les autorités locales, d'édifier un barrage destiné à l'irrigation qui a déclenché des fouilles d'urgence en 1998. À 18 kilomètres de la cité de Pergame, sur les côtes de la mer Égée qui regorgent de sites hellénistiques et romains, les archéologues mettent alors au jour une cité d'une importance insoupçonnée : un complexe thermal luxueux, des mosaïques délicates, des colonnes et des sculptures rares… «Selon nos estimations, le site doit occuper 40 000 mètres carrés et nous n'avons pu en explorer que 20 %», se désole le professeur Yaras, désormais en poste à l'université d'Edirne, près de la frontière bulgare. Car, au fur et à mesure de l'avancée des recherches, les nuages se sont amoncelés au-dessus d'Allianoï. En 2006, l'État turc a coupé le budget du chantier, «sous prétexte que l'on parlait trop à la presse», raconte-t-il. L'équipe d'archéologues a donc poursuivi son travail, aidée financièrement par des associations : «Mais on nous a retiré le permis de fouilles, l'année der*nière.»

    «Site archéologique de première catégorie»


    «Nous pensions que la série noire des barrages était terminée en Turquie, hélas non», constate Axel Tibet. La cité antique de Zeugma, sur les bords de l'Euphrate, a déjà été engloutie. Sur la rive du Tigre, Hasankeyf, millefeuille des civilisations qui se sont succédé en Mésopotamie depuis plus de 6 000 ans, est menacé du même sort.

    Le Groupe d'initiatives et de promotion d'Allianoï dénonce une vision économique à court terme : la durée de vie de l'ouvrage n'excédera pas cinquante ans, soixante au maximum. «Actuellement, les groupes visitent Pergame en quelques heures, détaille Hilal Kuey, porte-parole. Si Allianoï était intégré aux circuits, les touristes resteraient deux jours dans la région et les retombées économiques seraient bénéfiques pour les habitants.»

    En 2005, Allianoï, classé comme «site archéologique de première catégorie», avait déjà été sauvé des eaux par une décision de la cour d'Izmir. Mais, à l'automne dernier, une troisième commission scientifique a fini par rendre un avis conforme aux attentes de la Direction des affaires hydrauliques. Les deux premières s'étaient pourtant prononcées en faveur des vestiges romains. La vaste campagne locale et européenne, menée notamment auprès du Conseil de *l'Europe et de la Commission européenne, pour sauvegarder Allianoï, n'a pas fait fléchir Ankara.

    Et les autorités turques veulent désormais ensevelir le site sous de l'argile pour le protéger de l'inondation et obtenir ainsi l'aval de la justice à la mise en service du barrage. «Un mensonge ridicule, scientifiquement impossible», balaye Ahmet Yaras, que l'association de sauvegarde d'Allianoï tente de faire bloquer par un tribunal. En dernier recours, les archéologues turcs se raccrochent à un frêle espoir : un recours déposé à la Cour européenne des droits de l'homme au mois de février.

    Par Le Figaro



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