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Gerard Houiller:entretien exclusif

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  • Gerard Houiller:entretien exclusif

    • «Belhadj a tout d’un futur grand joueur, pour peu qu’il discipline son jeu»
    • «Je ressens une fierté que la France forme des internationaux africains et des entraîneurs pour leurs sélections»
    • «La force de Dahleb était la passe décisive»
    • «Madjer est devenu une marque de fabrique»
    • «Je n’ai pas admis que des joueurs africains trichent avec moi»
    Gérard Houiller possède l’une des carrières d’entraîneur les plus riches en France. Il a gagné des titres dans la majorité des clubs par où il est passé, notamment au Paris Saint-Germain, à Liverpool et à l’Olympique Lyonnais. Adjoint de Michel Platini à la tête de l’équipe de France de 1988 à 1992 tout en étant Directeur technique national (DTN), il prit seul les rênes de la sélection de 1992 à 1993, se retirant après l’élimination inattendue du Mondial-94 à domicile face à la Bulgarie. Il rebondit trois ans plus tard en menant la sélection de France des -18 ans à la victoire dans le championnat d’Europe. Depuis quelques mois, il est à nouveau DTN, succédant à Aimé Jacquet qui a pris sa retraite. En homme qui a accumulé une longue expérience sur les terrains, c’est un poste qui lui convient afin de mettre en chantier ses idées en matière de développement. Il nous a aimablement reçu dans son bureau, au siège de la Fédération française de football, afin d’évoquer sa carrière, sa vision du football et sa perception du football et des footballeurs algériens.
    • Depuis quelques mois, vous occupez le poste de Directeur technique national en France alors que, juste avant, vous étiez homme de terrain en entraînant Liverpool et Lyon. Etes-vous plutôt homme de terrain ou bien homme d’organisation et de planification ?
      Avant, j’étais responsable d’une équipe ou d’un club que je suivais au quotidien, dans tout son fonctionnement. A présent, je suis responsable du football français dans le domaine technique, que ce soit la masse, l’élite ou la formation, avec une vision à long terme, des objectifs pour le football de demain dont profiteront mes successeurs. C’est une fonction que je connais bien puisque j’ai été Directeur technique national pendant près de dix ans avant de partir à Liverpool. Ce que j’aime dans la fonction de DTN est qu’elle touche à la gestion des hommes et, comme j’étais enseignant par le passé, j’aime bien faire cela. Il y a également l’aspect recherche. Non seulement il faut toucher le haut niveau, mais il faut également anticiper sur ce que sera le football de demain. Vous ne pouvez pas vivre en copiant ce qui se fait dans d’autres pays car vous serez toujours dépassé et vous aurez un train de retard. Vous pouvez, au contraire, imaginer les qualités requises pour le footballeur et le football du futur.
    • En étant manager de Liverpool entre 1998 et 2004, peut-on dire que vous avez cumulé les deux fonctions puisqu’un manager à l’anglaise à des prérogatives administratives, contrairement à un entraîneur au sens classique du terme ?
      C’est vrai qu’en Angleterre, le manager s’occupe même du jardinier et du garde-matériel. L’expérience vécue à Liverpool était fabuleuse. Cependant, chacune de mes expériences professionnelles en tant qu’entraîneur m’a apporté quelque chose, que ce soit à l’US Nœux-les-Mines, au Paris Saint-Germain, au RC Lens ou à la tête de l’équipe de France. Chaque expérience, avec ses particularités, m’a apporté une richesse.
    • Après quelques mois de fonction, quel est l’état des lieux que vous pouvez dresser sur le football français à l’heure actuelle, dix ans après avoir remporté la Coupe du monde ?
      La France a remporté également, durant cette décennie, la Coupe d’Europe des nations en 2000, un trophée aussi important que la Coupe du monde puisque la compétition regroupe les meilleures sélections européennes. Elle a été finaliste de la Coupe du monde il y a deux ans. Pour situer le football français à l’échelle internationale, les chiffres sont édifiants : 1 qualification à chacune des grandes compétitions internationales, 1 finale de Coupe du monde gagnée, 1 finale de Coupe du monde perdue et 1 finale de Coupe d’Europe des nations gagnée. Tout cela en l’espace de huit ou dix ans. C’est un bilan extrêmement positif et peu de nations peuvent s’enorgueillir d’avoir un tel palmarès. Autre chiffre : la France est la deuxième nation dans le monde, après le Brésil, par le nombre de joueurs fournis aux clubs participant à la Champions League européenne. Autrement dit, la France est le centre de formation de l’Europe. La santé du football français est bonne en ce qui concerne les joueurs. Là où il y a un souci, c’est de parvenir, non pas comme les clubs anglais, mais comme les clubs allemands ou espagnols, à garder nos meilleurs joueurs en France.
    • Pour l’anecdote, parmi les joueurs formés en France et qui ont participé à la présente édition de la Champions League, il y a quatre Algériens : Belhadj avec Lyon, Ziani et Arrache avec Marseille et Hemdani avec les Glasgow Rangers. N’est-ce pas frustrant pour le football français que ses meilleurs jeunes soient piqués par d’autres clubs ?
      C’est vous qui dites qu’ils sont piqués par d’autres clubs. Moi, je ne vois pas du tout les choses comme ça. Je pense qu’il y a une forme de mondialisation du football qui constitue une richesse et qui fait, comme l’exemple que vous avez cité, que même des Algériens participent à la Champions League. C’est valable aussi sur le plan économique et sur le plan culturel. Il y a un flux de joueurs entre les clubs et c’est tout à fait naturel. Personnellement, cela ne me dérange pas. Sur les quatre joueurs algériens que vous avez cités, trois jouent dans des clubs français. Donc, la France, à travers les clubs, bénéficie de leurs services.

  • #2
    Lorsque des joueurs africains formés en France rejoignent les sélections de leurs pays d’origine, êtes-vous animé par un sentiment de frustration ou plutôt par un sentiment de fierté en disant que, finalement, vous avez contribué à rehausser le niveau de ces sélections ?
    C’est de la fierté, incontestablement. La formation de plusieurs internationaux africains en Europe en général et en France en particulier s’est répercutée positivement sur le niveau des sélections africaines. Il y a plus de rigueur, plus de discipline, plus d’efficacité. Toutefois, notre plus grande fierté se situe dans la qualité de la formation des entraîneurs. Lors de la dernière CAN, sur 16 sélections, 7 étaient entraînées par des Français (Claude Le Roy, Gérard Gili, Robert Nouzaret, Roger Lemerre, Henri Kasperczak, Jean-François Jodar, Henri Michel, ndlr), soit près de la moitié.
    Partagez-vous la thèse qui circule en France selon laquelle aucun club français ne pourra remporter la Champions League ou même atteindre le dernier carré tant que le système économique, notamment sur le plan de la fiscalité, n’est pas changé ?
    Pas du tout. Le problème n’est pas du tout là. Il y a deux ans, l’Olympique Lyonnais a raté la qualification pour les demi-finales d’un rien avec un but heureux du Milan AC dans les dernières minutes du match. Donc, il y a eu juste un manque de réussite. Et puis, il y a quelques stars qui évoluent dans le football français.
    Un autre débat secoue le milieu du football en Europe : faut-il mettre les joueurs systématiquement à la disposition de leurs sélections nationales alors que ce sont leurs clubs qui les payent ?
    Ce n’est pas la question que c’est leurs clubs qui les payent. Il faut reconnaître aussi que la sélection met en valeur le joueur et que des clubs ont réussi à vendre des joueurs plus chèrement après qu’ils se soient illustrés avec leurs sélections. Donc, le débat n’est pas là. C’est juste qu’il faut trouver un équilibre entre le calendrier des compétitions des clubs et celui des sélections. Pour les matches officiels, il n’y a rien à dire : le club est tenu de libérer le joueur. Concernant les matches amicaux, là il faut agir avec sagesse pour le bien du joueur avant tout.
    En évoquant les compétitions internationales des sélections, êtes-vous de ces voix qui s’élèvent en Europe pour demander le changement de la période de déroulement de la Coupe d’Afrique des nations ?
    Pas du tout. On ne peut pas exiger des Africains d’organiser la CAN au mois de juin ou de juillet avec la chaleur qui sévit sur le continent africain à cette époque de l’année ! Ce serait peut-être possible lorsque la compétition a lieu dans un pays du Maghreb, et encore, mais pas en Afrique noire. On sait tous que le choix du mois de janvier est dicté par des impératifs climatiques et c’est tout à fait logique. C’est très difficile de jouer en juin ou juillet en Afrique, quoi que c’est à cette période qu’aura lieu le Mondial-2010.
    Lorsque vous étiez manager de Liverpool, vous n’aviez pas beaucoup de joueurs africains, tout comme Manchester United, à l’inverse de Arsenal et de Chelsea actuellement. Etait-ce un choix délibéré en fonction justement de la CAN ?
    Non, je n’ai jamais fait ce calcul-là. Certes, un manager qui a des joueurs africains doit prévoir des alternatives pour parer à leur absence durant la CAN, mais je ne me suis jamais privé d’un joueur africain juste parce que je sais qu’il sera indisponible durant une période donnée. Cela dit, je pense que ce n’est pas durant la CAN que l’international africain pose problème, mais après la compétition. Il y en a qui traînent pour revenir au club et c’est cela que je n’accepte pas.
    Cela vous est arrivé ?
    Oui, tout à fait. Mettre plusieurs jours pour revenir de Tunisie est inadmissible. Combien faut-il de temps pour aller de Tunis à Manchester avec escale ? Une demi-journée. Mettons une journée. En principe, un joueur doit réintégrer son club dans les 48 heures après le dernier match de sa sélection. J’en ai connu qui sont revenus plusieurs jours après. ça, je ne l’admets pas ! Je n’admets pas qu’on triche avec moi.
    Vous faites allusion au Sénégalais El Hadji Diouf ?
    Il n’y a pas que lui.
    En janvier 2007, vous étiez en poste à l’Olympique Lyonnais et vous aviez recruté Nadir Belhadj, avant de le prêter pour quelques mois à Sedan. Qu’est-ce qui a motivé le choix de ce joueur ?
    J’estime que c’est un futur grand joueur. Il est rapide, véloce et adroit avec le ballon. S’il pouvait juste un peu plus discipliner son jeu et être plus rigoureux dans le travail défensif, il peut aller loin.
    On dit que Belhadj a tendance à s’oublier lorsqu’il monte en attaque. Ne pourrait-on pas penser un jour le convertir carrément en milieu de terrain ou en attaquant puisqu’il aime tant prendre le couloir ?
    Milieu de terrain, peut-être, mais pas attaquant. Pour être attaquant, il faut souvent jouer dos au but. Or, Belhadj est fort lorsqu’il fait face au jeu et lorsqu’il vient de loin. C’est pour cela que je dis qu’il peut être un bon arrière latéral moderne, à condition qu’il améliore son jeu défensif.
    Vous aviez pris en main le Paris Saint-Germain au milieu des années 80. Avez-vous connu Mustapha Dahleb en tant que joueur ?
    Non, car il avait déjà quitté le PSG lorsque j’étais arrivé. Cependant, il fait partie de ceux qui avaient marqué le club à cette époque. C’était la génération des Dahleb, Rocheteau et Susic. Après, il y a eu celle de Ricardo, Valdo, Weah… Chaque génération avait ses icônes et Dahleb en faisait partie.
    Que retenez-vous de son jeu ? Quelle était donc cette magie qu’il dégageait au point d’avoir subjugué les supporters ?
    Sa technique et, surtout, sa vision de jeu qui lui permettait de multiplier les passes décisives. Je me rappelle avoir affronté le PSG lorsque j’étais entraîneur de Nœux-les-Mines. Les Parisiens ont inscrit deux buts par Rocheteau sur deux passes décisives de Dahleb. Des passes qu’il avait délivrées avec une précision et une facilité déconcertantes. C’était sa force.

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    • #3
      Trois grands joueurs algériens ont évolué en Europe à trois époques différentes : Rachid Mekhloufi, Mustapha Dahleb et Rabah Madjer. En votre qualité de technicien, pouvez-vous faire une comparaison entre les trois ?
      C’est difficile de faire une comparaison entre des joueurs qui évoluent à des postes différents. Mekhloufi était un milieu de terrain, Dahleb un meneur de jeu et Rabah un deuxième attaquant. Leurs registres n’étaient pas les mêmes et il est donc difficile de les comparer. Ce qui est certain, c’est que Madjer avait une grande lucidité devant le but. Son but lors de la finale de la Coupe d’Europe des clubs champions avec Porto contre le Bayern de Munich continue encore à faire parler. C’est devenu une référence, une sorte de marque de fabrique. A chaque but sur talonnade, on dit «à la Madjer». C’est vrai que ce n’est pas évident d’inscrire des buts pareils à ce niveau de la compétition. Ceci dit, c’est beau de tels gestes dans un match.
      Est-ce à dire que vous êtes partisan des joueurs créatifs, voire fantasques ?
      Oui et je ne suis pas le seul. Si l’on prend le classement du Ballon d’Or de l’année 2007, on constate que, derrière Kaka, il y a Cristiano Ronaldo et Messi sur le podium. Donc, les joueurs techniques sont appréciés dans toute l’Europe. Il faut parfois un peu de folie pour emballer un match, comme le fait Ben Arfa. Moi, j’aime bien ce joueur. Il est du genre à débloquer des situations bloquées en tentant des gestes insensés.
      Pensez-vous que des joueurs tels Cristiano Ronaldo et Messi sont appréciés parce que, justement, le football européen est devenu plombé par la rigueur tactique ?
      Je n’irai pas jusque-là. Il faut quand même une discipline de jeu à respecter. Cependant, quelques gestes techniques osés peuvent quelques fois faire la différence.
      Vous avez cité Ben Arfa, que vous avez fait jouer, avec Benzema, au plus haut niveau avec l’Olympique Lyonnais. Est-ce votre âme de formateur qui vous a incité à leur faire confiance alors qu’ils étaient encore jeunes ou bien votre conviction qu’ils ont le talent pour jouer à ce niveau malgré leur jeunesse ?
      Pour être honnête, ce n’est pas moi qui ai lancé Benzema et Ben Arfa avec les A. C’était mon prédécesseur, Paul Le Guen. Pour répondre à votre question, je dirai que j’ai bien vu qu’ils sont incontestablement talentueux. On n’évolue pas à 17 ans parmi les A de la meilleure équipe en France par hasard. La saison dernière, lorsque j’étais en poste, Benzema aurait pu jouer plus souvent, n’était les nombreuses blessures qu’il a contractées. Et puis, le championnat d’Europe des -17 ans qu’ils ont remporté ensemble en 2004 illustre bien leurs qualités.
      Lors de ce championnat d’Europe des -17 ans justement, il y avait un troisième joueur prometteur à leurs côtés : Samir Nasri. Leur particularité est qu’ils sont tous trois d’origine maghrébine. Croyez-vous à la technique innée du joueur maghrébin ?
      Je ne considère pas ces trois joueurs comme des Maghrébins. Je les considère comme des Français.
      Là n’est pas le problème. Nous entendons par notre question la référence ethnique des joueurs et son éventuel incidence sur leur talent.
      On dit que les Sud-Américains sont techniques de nature, que les Africains sont puissants et endurants de nature, que les Scandinaves sont physiques de nature, que les Maghrébins sont véloces de nature, que les Asiatiques sont vifs de nature… Partagez-vous cette schématisation ?
      Je ne crois pas à cette classification ethnique. Henrik Larsson est bien scandinave, mais il a des qualités techniques qui ont fait de lui l’un des meilleurs buteurs de l’histoire du football. Non, ce n’est pas ça. Chaque joueur a des qualités innées, abstraction faite de ses origines ethniques. Nasri, Benzema et Ben Arfa ont des qualités techniques, mais aussi des qualités physiques et des valeurs tactiques. Je dirai, cependant, que les Noirs d’Afrique et des Caraïbes ont une puissance naturelle supérieure à celles des autres.
      Avez-vous suivi ces derniers temps un match de la sélection algérienne ?
      Non.
      Est-ce dû au fait que le niveau de l’Algérie est descendu si bas que ses matches n’intéressent plus personne ?
      Pas du tout. C’est juste que je n’ai pas eu l’occasion de voir un match de l’Algérie. Cela n’a rien à voir avec le fait que ce soit l’Algérie et pas un autre pays. Si la sélection algérienne avait participé à la CAN, j’aurai sans doute suivi l’un de ses matches à la télévision. Donc, c’est juste que les circonstances ne me l’ont pas permis.
      Vous conviendrez, cependant, comme le pensent tous les Algériens, que le niveau du football algérien a chuté…
      Oui, et c’est malheureux car je sais qu’il y a une très grande passion pour le football dans votre pays. Cela dit, ce n’est pas irréversible. L’Algérie a vécu une décennie difficile qui lui a porté préjudice au plan sportif car il y a eu dix ans de retard en tout. C’est possible que l’Algérie relève la tête.
      Que préconisez-vous pour cela ?
      La formation des entraîneurs. Pour être fort, il faut être performant et la performance sous-entend des joueurs préparés, donc bien formés. Pour bien former, il faut être formé pour former, d’où l’importance des entraîneurs. En plus de l’infrastructure et de l’organisation, il faut une formation efficace des joueurs et des entraîneurs. C’est la clef.
      Lors de son passage en Algérie en décembre 2006 en accompagnant Zinédine Zidane, Henri Emile, cadre à la Fédération française de football, avait déclaré en conférence de presse qu’il existait un programme de coopération à l’adresse des pays africains et que, pour que l’Algérie puisse en bénéficier, il fallait que la Fédération algérienne se manifeste. Ce programme existe-t-il toujours ?
      Il y a un programme global et des programmes spécifiques. Le programme global est à l’adresse des pays africains francophones. Il consiste à soutenir la formation et le recyclage d’entraîneurs. Les programmes spécifiques se font avec des pays en particulier. Récemment, nous avons signé un protocole d’accord avec le Maroc. L’Algérie peut toujours introduire une demande qui sera étudiée. Nous pouvons aider l’Algérie ou un autre pays, mais nous ne pouvons pas tout leur faire car il va de soi que la priorité de la Direction technique nationale est le développement du football français.
      Entretien réalisé à Paris par
      Farid Aït Saâda- le buteur

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