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Malgré le blocus, les affaires se poursuivent en Iran

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  • Malgré le blocus, les affaires se poursuivent en Iran

    «Les sanctions ? Dans les capitales européennes, c'est une obsession, mais en Iran, on est franchement loin d'une économie de guerre !» C'est un homme d'affaires fraîchement rentré de Téhéran qui s'exprime ainsi à la terrasse d'un café parisien.

    Pendant cinq ans, Jacques Manlay s'est retrouvé aux manettes de Peugeot Iran, une des plus grosses entreprises de l'Hexagone implantées en République islamique, où les voitures continuent à se vendre comme des petits pains. Désormais à la retraite, il est fier de rappeler que la 206 et la 405, toutes deux assemblées en Iran, constituent actuellement près de 30 % du marché automobile iranien, et qu'il n'est pas question, pour Peugeot, de renoncer à ses activités. «Plus d'un million de voitures, toutes marques confondues, ont été vendues cette année en Iran, soit une augmentation de presque 5 % par rapport à l'année précédente. Cela prouve que l'économie locale ne se porte pas si mal», dit-il. Les signaux diplomatiques émanant de Paris comme de Téhéran ne sont pourtant pas de bon augure pour la quarantaine de grandes sociétés françaises implantées en Iran.

    Tandis qu'un troisième volet de sanctions, soutenu par les capitales occidentales, a été voté début mars au Conseil de sécurité des Nations unies, les autorités iraniennes bombent le torse en évoquant l'éventualité de représailles économiques. «Il existe un véritable décalage entre ce qu'on entend à Paris et la réalité du contexte iranien. Quand on est sur les chaînes de montage de voitures, on pense avant tout à la productivité, et pas à ce que dit Ahmadinejad ou à ce qui se trame à l'ONU», relativise Jacques Manlay.

    Avertissement

    Sur le site Internet de la mission économique de l'ambassade de France à Téhéran, le message est pourtant clair. «Avertissement aux entreprises : sanctions à l'égard de l'Iran», prévient une petite phrase rouge qui ne cesse de clignoter. Mais sur les vols Air France qui desservent Téhéran, la classe «affaires» affiche systématiquement complet. Entre champagne et biscuits salés, les discussions y tournent souvent autour du même constat : les risques en valent la chandelle. Car mieux vaut préserver jalousement sa place en Iran, pays riche en pétrole et doté d'une population de près de 70 millions d'habitants à fort potentiel de consommation, plutôt que voir un hypothétique compromis avec Washington favoriser, un jour, le retour des groupes américains…

    En fait, les mesures de rétorsions économiques, qui ciblent principalement les domaines nucléaires et balistiques, ne sont pas complètement indolores. «Il est vrai qu'elles peuvent ralentir l'activité, en augmentant les délais de livraison et les coûts», reconnaît Jacques Manlay.

    Selon un décret du 24 janvier 2008, il faut désormais neuf mois pour obtenir, de la part du ministère français en charge des douanes, une réponse aux demandes d'autorisation d'exportation vers l'Iran. Objectif : s'assurer que les produits envoyés à Téhéran ne sont pas à «double usage». À cela s'ajoutent les pressions financières américaines qui ont poussé de nombreuses banques européennes à cesser leurs transactions avec l'Iran. «C'est là que les sanctions, sur les moyen et long termes, risquent d'affecter l'économie, surtout dans les secteurs pétrolier et gazier, qui nécessitent de gros équipements», explique Jacques Manlay.

    Inflation autour de 20 %

    Mais à en croire notre homme d'affaires, les ventes de produits de consommation ont tendance à augmenter. «Les Peugeot se portent bien. Et les fournisseurs n'ont pas de difficulté à être payés», constate-t-il. Comble du paradoxe dans un pays où l'injection massive de pétrodollars, encouragée par le président Ahmadinejad, cumulée aux sanctions, est à l'origine d'une flambée du taux d'inflation autour de 20 % !

    «Il ne faut pas s'arrêter à ces chiffres. Les Iraniens excellent dans l'art de contourner les problèmes», poursuit-il. Et d'évoquer le travail au noir pour arrondir les fins de mois, et aussi l'aide familiale qui se substitue bien souvent aux emprunts bancaires. En trente ans de sanctions américaines, imposées après la prise du pouvoir par les religieux en 1979, les milieux d'affaires iraniens ont également appris à utiliser des pays tiers, comme Dubaï. Quant au «hawala», un système de transactions financières qui permet de passer par des bureaux de change, hors des circuits habituels, il n'a jamais été autant en vogue.

    Quid d'un possible réflexe protectionniste iranien et d'une expulsion des entreprises européennes ? «L'Iran est un pays aux multiples facettes où tout peut arriver, concède Jacques Manlay. En même, temps, j'ai l'impression que nous sommes condamnés à travailler ensemble», précise-t-il, marqué par les ambitions de ce pays certes provocateur face à l'Occident, mais qui ne veut pas être exclu de la modernité.

    «Si Peugeot suspendait ses activités à Téhéran, la compagnie iranienne Iran Khodro, qui dépend de nous pour l'assemblage des pièces détachées des 206 et 405, ne pourrait plus répondre à la demande du marché. Et puis, se poserait également la question du devenir de la main-d'œuvre locale puisque Peugeot fait travailler 18 000 locaux, contre seulement 30 expatriés, remarque-t-il. Les Iraniens aiment agiter le drapeau de l'autosuffisance, mais ils n'ont jamais été autant dépendants de l'étranger. Pour vous donner un exemple, les importations ont totalisé 50 milliards de dollars cette année. Un record digne du paradoxe iranien !», sourit Jacques Manlay.

    Par Le Figaro
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