Menacé par son père en raison de son homosexualité, Ibrahim*, un Suisse d’origine algérienne, a été retenu contre son gré en Algérie. Son passeport suisse confisqué, le jeune de 17 ans a dû quitter le pays clandestinement.
PHILIPPE MAEDER | MARQUÉS Ibrahim et Vincent se souviennent du 8 décembre 2007, lorsqu’Ibrahim est arrivé à l’aéroport de Genève après cinq mois de cavale. Au Service de la population, on avait jamais vu d’histoire aussi compliquée. GENÈVE, LE 3 MAI 2008
NADINE HALTINER | 07 Mai 2008 | 00h11
Ibrahim* revient de loin. À le voir raconter son histoire avec autant d’aisance, on peine à croire ce qui vient d’arriver à ce Lausannois de 17 ans. Le scénario est digne d’un film.
L’histoire commence de façon banale. Le 15 juillet 2007, Ibrahim part en vacances avec sa mère à Oran, en Algérie. Un séjour qui devait durer un mois. Un jour, il reçoit l’appel de son père resté à Lausanne. Ce dernier lui annonce être au courant de son homosexualité et menace de «le tuer s’il ne guérit pas de sa maladie». Les vacances tournent au drame.
«Le sortir de là»
Sa mère lui confisque son téléphone portable et son passeport suisse, l’obligeant à rester dans sa famille en Algérie, et le séparant ainsi de son ami Vincent*, qui l’attend en Suisse. «Ma mère a repris l’avion le 12 août, et moi, je savais que je n’allais pas être de retour à temps pour commencer la formation à laquelle j’étais inscrit», explique Ibrahim.
En effet, le jour de la rentrée, le garçon ne se présente pas aux cours. L’école et son ami signalent sa disparition au Service de la protection de la jeunesse du canton de Vaud (SPJ). «Il fallait à tout prix qu’on le sorte de là rapidement», raconte Vincent.
Mais l’affaire est compliquée. Ibrahim est mineur, dans un pays qui ne reconnaît pas la double nationalité. Au regard de la loi, le garçon est non seulement sous tutelle de ses parents, mais il est, en plus, considéré comme un citoyen algérien uniquement. Inimaginable pour les autorités helvétiques de violer le droit de ce pays, en lui faisant, par exemple, établir un nouveau passeport à l’ambassade.
«Durant mes trente-trois ans de service, j’ai rarement vu de situation aussi compliquée sur le plan juridique», avoue Philippe Muriset, remplaçant du chef au SPJ. Au Département des affaires étrangères (DFAE), Jean-Philippe Jeannerat, porte-parole de Micheline Calmy-Rey, se souvient aussi. «Cette affaire était hautement délicate et d’une rare complexité.»
Désemparé, Vincent part seul pour rejoindre Ibrahim à Oran. Le 10 septembre, ce dernier parvient à s’échapper de sa famille et retrouve Vincent devant le Grand Hôtel. «Je me souviendrai toujours de cette date. Je croyais que c’était la fin de l’histoire, mais ce n’était que le début.»
Une seule solution: passer illégalement au Maroc
Et pour cause, les deux hommes courent un risque s’ils sont vus ensemble. A 19 ans, Vincent est passible de trois ans de prison pour détournement de mineur. L’ambassade suisse à Alger, dans laquelle se rend le couple, incite Vincent à rentrer au plus vite. N’ayant guère le choix, il laisse son ami sans logement, ni argent et avec un avis de recherche lancé par sa famille.
À son retour, Vincent échafaude un plan avec l’aide de ses parents et de diverses associations, dont Amnesty International et Pink Cross, une organisation gay. Il n’y a qu’une seule solution: Ibrahim doit passer illégalement au Maroc. Dans ce pays, il peut en effet revendiquer sa nationalité suisse.
Le temps de trouver un passeur sur internet, de prendre des contacts et de payer les 2000 francs que coûte le passage, plusieurs semaines s’écoulent. Ibrahim, en cavale, passe de logements en logements. «J’ai aussi dormi trois nuits dans la rue. C’était très dur, j’ai failli mettre fin à mes jours.»
PHILIPPE MAEDER | MARQUÉS Ibrahim et Vincent se souviennent du 8 décembre 2007, lorsqu’Ibrahim est arrivé à l’aéroport de Genève après cinq mois de cavale. Au Service de la population, on avait jamais vu d’histoire aussi compliquée. GENÈVE, LE 3 MAI 2008
NADINE HALTINER | 07 Mai 2008 | 00h11
Ibrahim* revient de loin. À le voir raconter son histoire avec autant d’aisance, on peine à croire ce qui vient d’arriver à ce Lausannois de 17 ans. Le scénario est digne d’un film.
L’histoire commence de façon banale. Le 15 juillet 2007, Ibrahim part en vacances avec sa mère à Oran, en Algérie. Un séjour qui devait durer un mois. Un jour, il reçoit l’appel de son père resté à Lausanne. Ce dernier lui annonce être au courant de son homosexualité et menace de «le tuer s’il ne guérit pas de sa maladie». Les vacances tournent au drame.
«Le sortir de là»
Sa mère lui confisque son téléphone portable et son passeport suisse, l’obligeant à rester dans sa famille en Algérie, et le séparant ainsi de son ami Vincent*, qui l’attend en Suisse. «Ma mère a repris l’avion le 12 août, et moi, je savais que je n’allais pas être de retour à temps pour commencer la formation à laquelle j’étais inscrit», explique Ibrahim.
En effet, le jour de la rentrée, le garçon ne se présente pas aux cours. L’école et son ami signalent sa disparition au Service de la protection de la jeunesse du canton de Vaud (SPJ). «Il fallait à tout prix qu’on le sorte de là rapidement», raconte Vincent.
Mais l’affaire est compliquée. Ibrahim est mineur, dans un pays qui ne reconnaît pas la double nationalité. Au regard de la loi, le garçon est non seulement sous tutelle de ses parents, mais il est, en plus, considéré comme un citoyen algérien uniquement. Inimaginable pour les autorités helvétiques de violer le droit de ce pays, en lui faisant, par exemple, établir un nouveau passeport à l’ambassade.
«Durant mes trente-trois ans de service, j’ai rarement vu de situation aussi compliquée sur le plan juridique», avoue Philippe Muriset, remplaçant du chef au SPJ. Au Département des affaires étrangères (DFAE), Jean-Philippe Jeannerat, porte-parole de Micheline Calmy-Rey, se souvient aussi. «Cette affaire était hautement délicate et d’une rare complexité.»
Désemparé, Vincent part seul pour rejoindre Ibrahim à Oran. Le 10 septembre, ce dernier parvient à s’échapper de sa famille et retrouve Vincent devant le Grand Hôtel. «Je me souviendrai toujours de cette date. Je croyais que c’était la fin de l’histoire, mais ce n’était que le début.»
Une seule solution: passer illégalement au Maroc
Et pour cause, les deux hommes courent un risque s’ils sont vus ensemble. A 19 ans, Vincent est passible de trois ans de prison pour détournement de mineur. L’ambassade suisse à Alger, dans laquelle se rend le couple, incite Vincent à rentrer au plus vite. N’ayant guère le choix, il laisse son ami sans logement, ni argent et avec un avis de recherche lancé par sa famille.
À son retour, Vincent échafaude un plan avec l’aide de ses parents et de diverses associations, dont Amnesty International et Pink Cross, une organisation gay. Il n’y a qu’une seule solution: Ibrahim doit passer illégalement au Maroc. Dans ce pays, il peut en effet revendiquer sa nationalité suisse.
Le temps de trouver un passeur sur internet, de prendre des contacts et de payer les 2000 francs que coûte le passage, plusieurs semaines s’écoulent. Ibrahim, en cavale, passe de logements en logements. «J’ai aussi dormi trois nuits dans la rue. C’était très dur, j’ai failli mettre fin à mes jours.»
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