«En Algérie, un commencement d´insurrection survenu dans le Constantinois et synchronisé avec les émeutes syriennes du mois de mai a été étouffé par le gouverneur général Chataigneau.»
Général de Gaulle (Mémoires)
Professeur Chems Eddine
A peine trois lignes , dans ses mémoires ont suffi au général de Gaulle pour décrire la tragédie et la mort de 45.000 Algériens . On remarquera aussi et toujours la main de l´étranger, la connexion avec la Syrie.... Chataigneau-voire Duval-le boucher Constantinois- auraient en réalité, reçu des consignes de fermeté de la part du chef du gouvernement: "Affirmer publiquement volonté France victorieuse. Ne laisser porter aucune atteinte à souveraineté française sur Algérie. Prendre toutes mesures nécessaires pour réprimer les agissements antifrançais d´une minorité agitateurs." Il est tout de même troublant de constater que la Syrie, sous mandat français à l´époque, connut le même jour des troubles analogues. Dans la région de Sétif, quelques semaines avant le drame, des émissaires musulmans portaient le message du Jihad aux ouvriers et travailleurs agricoles. Il était souvent question des "Anglais" qui appuieraient le soulèvement. Il est fort probable que les services secrets britanniques et américains, entre autres, auraient vu d´un bon oeil l´expulsion des Français de terres, dont l´Angleterre lorgnait les ressources diverses.
Pour expliquer les raisons de cette répression brutale et qui est de loin plus importante que le fameux "Ouradour -sur- Glanes" où près de 500 personnes furent tuées par des Allemands, Bélaïd Abdesselam a raison d´écrire, justement, que la France avait une revanche à prendre sur l´histoire en s´attaquant aux plus faibles. Nous l´écoutons: "...Au demeurant, les Français étaient parfaitement conscients du coup porté à leur prestige vis-à-vis de notre population en Algérie, par leur défaite devant l´armée allemande en 1940.Ils sentaient qu´ils étaient brutalement diminués devant l´indigène.(..) Aussi, le désir d´infliger aux indigènes une leçon qui leur rappellerait l´autorité du pouvoir colonial, la force de la France, était-il très fort parmi les Européens d´Algérie, mais ils étaient conscients qu´ils ne maîtrisaient plus la situation, ce qui ajoutait encore à la hargne qu´ils nourrissaient à l´égard des Algériens. (...) Ce qui explique la sauvagerie et la brutalité avec laquelle Weygand fit condamner les dirigeants PPA et exécuter le chef scout Mohammed Bouras. (...) Aussi, les autorités coloniales françaises se montraient-elles soucieuses d´éviter tout ce qui pouvait inciter la population algérienne à menacer l´ordre colonial. (...) Cette occasion, elles allaient la saisir avec les manifestations du 8 Mai 1945. De la même manière qu´en 1871, les généraux français, qui avaient été mis en déroute par l´armée prussienne devant laquelle ils durent capituler, allaient mettre à profit l´insurrection de Mokrani pour exercer leur vindicte sur le peuple algérien en infligeant une répression féroce aux populations de Kabylie et du Constantinois. Comme en 1871, après la signature de la paix avec le Nouvel empire allemand, la fin de la guerre mondiale, en 1945, libérait les autorités françaises de la contrainte de ménager les arrières et De Gaulle ordonna la plus sanglante opération répressive qu´eut à subir le peuple algérien sous la domination française...Le général Duval agissait pratiquement sous ses ordres"(1)
Deux mois durant
Ceci est corroboré par le fait que, non invitée à la Conférence de Yalta, malgré l´alliance franco-soviétique de décembre 1944, la France fut pourtant appelée à participer à l´occupation de l´Allemagne et de l´Autriche, et à parrainer la fondation de l´ONU comme grande puissance invitante à la Conférence de San Francisco. Pour atteindre et conserver ce rang, elle avait besoin de conserver l´Afrique du Nord, clé de vote de l´Empire. C´est pourquoi le général de Gaulle, avant de rejoindre la France libérée, avait chargé le général Henry Martin, commandant la 19e Région militaire, de coordonner les troupes des trois territoires pour "empêcher l´Afrique du Nord de glisser entre nos doigts pendant que nous délivrons la France".
La répression, menée par l´armée et la milice de Guelma, est d´une incroyable violence: exécutions sommaires, massacres de civils, bombardements de mechtas. Deux croiseurs, Le Triomphant et Le Duguay-Trouin tirent plus de 800 coups de canon depuis la rade de Bougie sur la région de Sétif. L´aviation bombarde et rase, plus ou moins complètement, plusieurs agglomérations kabyles. Une cinquantaine de "mechtas" sont incendiées. Les automitrailleuses font leur apparition dans les villages et elles tirent à distance sur les populations. Les blindés sont relayés par les militaires arrivés en convois sur les lieux. À l´image d´une milice de 200 personnes qui se forme à Guelma sous l´impulsion du sous-préfet André Achiary qui distribue toutes les armes disponibles, soit les 60 fusils de guerre qui équipaient les tirailleurs et se livre à une véritable chasse aux émeutiers. Pendant deux mois, l´Est de l´Algérie connaît un déchaînement de folie meurtrière ». (2)
De nombreux corps ne peuvent être enterrés; ils sont jetés dans les puits, dans les gorges de Kherrata en Kabylie. Des miliciens utilisent les fours à chaux pour faire disparaître des cadavres. Saci Benhamla, qui habitait à quelques centaines de mètres du four à chaux d´Héliopolis, décrit l´insupportable odeur de chair brûlée et l´incessant va-et-vient des camions venant décharger les cadavres, qui brûlaient ensuite en dégageant une fumée bleuâtre. De nombreux musulmans, dirigeants politiques et militants du Parti du peuple algérien (PPA), des Amis du manifeste de la liberté (AML) (dont le fondateur Ferhat Abbas) et de l´Association des Oulémas furent arrêtés. Lorsqu´une faction ou un douar demandait l´aman ("le pardon"), l´armée réclamait les coupables. Le 28 février 1946, le rapporteur de la loi d´amnistie (qui fut votée) déclarait en séance: "Quatre mille cinq cents arrestations furent ainsi effectuées, quatre-vingt-dix-neuf condamnations à mort dont vingt-deux ont été exécutées, soixante-quatre condamnations aux travaux forcés à temps et il y aurait encore deux mille cinq cents indigènes à juger". La répression prend fin officiellement le 22 mai. L´armée organise des cérémonies de soumission où tous les hommes doivent se prosterner devant le drapeau français et répéter en choeur: "Nous sommes des chiens et Ferhat Abbas est un chien". Des officiers exigent la soumission publique des derniers insurgés sur la plage des Falaises, non loin de Kherrata. Certains, après ces cérémonies, sont embarqués et assassinés. Pendant de longs mois, les Algériens musulmans qui, dans les campagnes, se déplaçaient le long des routes continuèrent à fuir pour se mettre à l´abri, au bruit de chaque voiture. L´historien algérien Boucif Mekhaled, raconte: "[À Kef-El-Boumba], j´ai vu des Français faire descendre d´un camion cinq personnes les mains ligotées, les mettre sur la route, les arroser d´essence avant de les brûler vivants".(2)
Général de Gaulle (Mémoires)
Professeur Chems Eddine
A peine trois lignes , dans ses mémoires ont suffi au général de Gaulle pour décrire la tragédie et la mort de 45.000 Algériens . On remarquera aussi et toujours la main de l´étranger, la connexion avec la Syrie.... Chataigneau-voire Duval-le boucher Constantinois- auraient en réalité, reçu des consignes de fermeté de la part du chef du gouvernement: "Affirmer publiquement volonté France victorieuse. Ne laisser porter aucune atteinte à souveraineté française sur Algérie. Prendre toutes mesures nécessaires pour réprimer les agissements antifrançais d´une minorité agitateurs." Il est tout de même troublant de constater que la Syrie, sous mandat français à l´époque, connut le même jour des troubles analogues. Dans la région de Sétif, quelques semaines avant le drame, des émissaires musulmans portaient le message du Jihad aux ouvriers et travailleurs agricoles. Il était souvent question des "Anglais" qui appuieraient le soulèvement. Il est fort probable que les services secrets britanniques et américains, entre autres, auraient vu d´un bon oeil l´expulsion des Français de terres, dont l´Angleterre lorgnait les ressources diverses.
Pour expliquer les raisons de cette répression brutale et qui est de loin plus importante que le fameux "Ouradour -sur- Glanes" où près de 500 personnes furent tuées par des Allemands, Bélaïd Abdesselam a raison d´écrire, justement, que la France avait une revanche à prendre sur l´histoire en s´attaquant aux plus faibles. Nous l´écoutons: "...Au demeurant, les Français étaient parfaitement conscients du coup porté à leur prestige vis-à-vis de notre population en Algérie, par leur défaite devant l´armée allemande en 1940.Ils sentaient qu´ils étaient brutalement diminués devant l´indigène.(..) Aussi, le désir d´infliger aux indigènes une leçon qui leur rappellerait l´autorité du pouvoir colonial, la force de la France, était-il très fort parmi les Européens d´Algérie, mais ils étaient conscients qu´ils ne maîtrisaient plus la situation, ce qui ajoutait encore à la hargne qu´ils nourrissaient à l´égard des Algériens. (...) Ce qui explique la sauvagerie et la brutalité avec laquelle Weygand fit condamner les dirigeants PPA et exécuter le chef scout Mohammed Bouras. (...) Aussi, les autorités coloniales françaises se montraient-elles soucieuses d´éviter tout ce qui pouvait inciter la population algérienne à menacer l´ordre colonial. (...) Cette occasion, elles allaient la saisir avec les manifestations du 8 Mai 1945. De la même manière qu´en 1871, les généraux français, qui avaient été mis en déroute par l´armée prussienne devant laquelle ils durent capituler, allaient mettre à profit l´insurrection de Mokrani pour exercer leur vindicte sur le peuple algérien en infligeant une répression féroce aux populations de Kabylie et du Constantinois. Comme en 1871, après la signature de la paix avec le Nouvel empire allemand, la fin de la guerre mondiale, en 1945, libérait les autorités françaises de la contrainte de ménager les arrières et De Gaulle ordonna la plus sanglante opération répressive qu´eut à subir le peuple algérien sous la domination française...Le général Duval agissait pratiquement sous ses ordres"(1)
Deux mois durant
Ceci est corroboré par le fait que, non invitée à la Conférence de Yalta, malgré l´alliance franco-soviétique de décembre 1944, la France fut pourtant appelée à participer à l´occupation de l´Allemagne et de l´Autriche, et à parrainer la fondation de l´ONU comme grande puissance invitante à la Conférence de San Francisco. Pour atteindre et conserver ce rang, elle avait besoin de conserver l´Afrique du Nord, clé de vote de l´Empire. C´est pourquoi le général de Gaulle, avant de rejoindre la France libérée, avait chargé le général Henry Martin, commandant la 19e Région militaire, de coordonner les troupes des trois territoires pour "empêcher l´Afrique du Nord de glisser entre nos doigts pendant que nous délivrons la France".
La répression, menée par l´armée et la milice de Guelma, est d´une incroyable violence: exécutions sommaires, massacres de civils, bombardements de mechtas. Deux croiseurs, Le Triomphant et Le Duguay-Trouin tirent plus de 800 coups de canon depuis la rade de Bougie sur la région de Sétif. L´aviation bombarde et rase, plus ou moins complètement, plusieurs agglomérations kabyles. Une cinquantaine de "mechtas" sont incendiées. Les automitrailleuses font leur apparition dans les villages et elles tirent à distance sur les populations. Les blindés sont relayés par les militaires arrivés en convois sur les lieux. À l´image d´une milice de 200 personnes qui se forme à Guelma sous l´impulsion du sous-préfet André Achiary qui distribue toutes les armes disponibles, soit les 60 fusils de guerre qui équipaient les tirailleurs et se livre à une véritable chasse aux émeutiers. Pendant deux mois, l´Est de l´Algérie connaît un déchaînement de folie meurtrière ». (2)
De nombreux corps ne peuvent être enterrés; ils sont jetés dans les puits, dans les gorges de Kherrata en Kabylie. Des miliciens utilisent les fours à chaux pour faire disparaître des cadavres. Saci Benhamla, qui habitait à quelques centaines de mètres du four à chaux d´Héliopolis, décrit l´insupportable odeur de chair brûlée et l´incessant va-et-vient des camions venant décharger les cadavres, qui brûlaient ensuite en dégageant une fumée bleuâtre. De nombreux musulmans, dirigeants politiques et militants du Parti du peuple algérien (PPA), des Amis du manifeste de la liberté (AML) (dont le fondateur Ferhat Abbas) et de l´Association des Oulémas furent arrêtés. Lorsqu´une faction ou un douar demandait l´aman ("le pardon"), l´armée réclamait les coupables. Le 28 février 1946, le rapporteur de la loi d´amnistie (qui fut votée) déclarait en séance: "Quatre mille cinq cents arrestations furent ainsi effectuées, quatre-vingt-dix-neuf condamnations à mort dont vingt-deux ont été exécutées, soixante-quatre condamnations aux travaux forcés à temps et il y aurait encore deux mille cinq cents indigènes à juger". La répression prend fin officiellement le 22 mai. L´armée organise des cérémonies de soumission où tous les hommes doivent se prosterner devant le drapeau français et répéter en choeur: "Nous sommes des chiens et Ferhat Abbas est un chien". Des officiers exigent la soumission publique des derniers insurgés sur la plage des Falaises, non loin de Kherrata. Certains, après ces cérémonies, sont embarqués et assassinés. Pendant de longs mois, les Algériens musulmans qui, dans les campagnes, se déplaçaient le long des routes continuèrent à fuir pour se mettre à l´abri, au bruit de chaque voiture. L´historien algérien Boucif Mekhaled, raconte: "[À Kef-El-Boumba], j´ai vu des Français faire descendre d´un camion cinq personnes les mains ligotées, les mettre sur la route, les arroser d´essence avant de les brûler vivants".(2)
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