Lors de la réunion de l’OPEP, qui a eu lieu le 5 décembre [dans la capitale ] des Emirats Arabes Unis, à Abu-Dhabi, tous les regards occidentaux étaient tournés vers une personnalité inattendue — le Ministre du Pétrole irakien, Hussain al-Shahristani. Mais ce n’était pas par hasard. Dès que l’OPEP s’est [à nouveau] réunie, six semaines plus tard, à Vienne, il ne faisait plus aucun doute que Shahristani était en train de devenir une célébrité à l’Ouest.
Pour citer Toby Lodge, l’universitaire bien connu spécialiste de l’Irak à l’Institut International des Etudes Stratégiques de Londres, Shahristani est une chose rare en politique — "Un Chiite ni trop religieux, ni trop politique, ni trop laïc, ni trop pro-américain et auquel [Le Grand Ayatollah Ali] Sistani accepterait de parler".
Mais, pour l’aisance avec laquelle, dans ses dernières années, Shahristani a traversé la ligne de division qui sépare la religiosité et l’idéalisme du matérialisme et du pragmatisme, et au vu de son expérience extraordinaire en tant que scientifique nucléaire de premier plan qui s’est transformé en dissident entêté et ensuite en évadé téméraire de la prison d’Abu Ghraib de Saddam Hussein, où il fut torturé et isolé en internement solitaire pendant dix années affreusement longues jusqu’en 1991, il aurait pu devenir une figure culte pour les militants des droits de l’homme.
Mais à Abu Ghraib, si Shahristani est devenu une étoile montante pour les médias occidentaux, c’était pour une raison complètement différente. Une raison très peu métaphysique. Pour parler franchement, les médias avaient de bonnes raisons de le flatter et de soigner ses vanités.
Les super-géants d’Irak Bien sûr, dans les années 90, ce dissident chiite parlant l’anglais d’une voix douce était un visage familier dans les capitales occidentales. Mais aujourd’hui, il n’est plus un fugitif politique. Il n’est plus un dissident irakien cherchant protection. Au contraire, Shahristani se retrouve dans une position enviable en tant que créateur de richesse pour le monde occidental. Il détient les clés de la porte qui s’ouvre sur le monde magique du pétrole irakien.
Les réserves irakiennes prouvées sont seulement un peu plus petites que celles de l’Arabie Saoudite et de l’Iran — mais l’Irak n’est exploré qu’à 30%. Les experts considèrent que, dans l’ensemble, les véritables réserves pourraient s’avérer être au moins du double des 115 milliards de barils de réserves prouvées. A part cela, personne n’a aucune idée de la dimension des réserves de gaz de l’Irak, pour l’instant inexploitées.
Et Shahristani s’apprête visiblement à négocier les contrats pour les "super-géants" d’Irak. Dans le jargon des majors pétrolières, les "super-géants" sont des champs qui contiennent en réserve au moins cinq milliards de barils de pétrole. Les super-géants irakiens sont Kirkuk (au Kurdistan), Majnoun (à la frontière de l’Iran), Roumaila Nord et Sud (au sud), Qourna Ouest (à l’ouest de Bassora) et les champs de Zubair (au sud-est) et, peut-être, le Nahr Umr et les champs à l’est de Bagdad. De plus, on estime que l’Irak a 22 champs "géants", contenant chacun plus d’un milliard de barils de pétrole.
En fait, l’Irak pourrait abriter les plus grandes réserves mondiales inexploitées de pétrole. Il y a une forte probabilité que les réserves de l’Irak s’avèrent être exceptionnellement plus élevées que les estimations actuelles, qui sont basées sur des sondages sismiques vieillots. Tout le monde a déclaré, sans surprise, que le monde du pétrole est dans tous ses états lorsque Shahristani dit quelque chose, quoi que ce soit. Celui-ci est sur le point de signer les contrats pour ces champs et d’autres champs irakiens importants produisant le pétrole.
Cela fait aujourd’hui de Shahristani un homme d’Etat vraiment très important — à un moment où la demande mondiale de pétrole augmente et que des pays consommateurs sont apparus en Asie avec des appétits gargantuesques pour l’énergie, alors que les réserves déjà négociées des majors pétrolières sont en déclin et que les réserves mondiales connues se trouvent essentiellement sous des systèmes nationalisés.
La sévère mise en garde de l’ancien président de la Commission des Affaires Etrangères des Etats-Unis, le Sénateur Richard Lugar, émise l’année dernière dans un discours à New York, et selon laquelle quelque chose comme les trois quarts des réserves mondiales de pétrole sont situées dans des pays qui ne sont pas sous influence américaine, montre la tension de cette situation.
Pour chapeauter le tout, ainsi que l’auteur Steve Yetiv et l’économiste Lowell Feld l’ont récemment écrit, "Nous sommes dans un nouveau match de politique pétrolière", signifiant par là que la capacité des Etats-Unis à faire baisser le pétrole va en s’amoindrissant. Lors de sa récente visite en Arabie Saoudite, le Président des Etats-Unis, George W. Bush, a mis en avant le prix élevé du pétrole qui accroît la probabilité d’une récession américaine — et par conséquent globale. Il fut un temps, depuis la fin des années 70 jusqu’à ce jour, où les alliés saoudiens des Etats-Unis auraient promptement inondé le marché de pétrole pour faire baisser les prix. Cette fois-ci, les Saoudiens ont entendu Bush, "faisant remarquer que l’affaiblissement de l’économie américaine est une inquiétude légitime, mais qu’ils restent réticents à accroître l’offre de pétrole".
Ces deux auteurs ont fait remarquer : "La réticence de l’Arabie Saoudite à s’occuper de soutenir les prix du pétrole, même face à une récession potentielle, représente une rupture importante avec la politique saoudienne passée ... Pourquoi ?" La réponse pourrait fournir la définition du pétrole au 21ème siècle — ou au moins souligner les raisons pour lesquelles les Etats-Unis recherchent une plus grande indépendance pétrolière".
Il y a urgence à mettre la main sur le pétrole irakien Yetiv et Feld, avec beaucoup d’hésitation, ont avancé une suggestion proprement inouïe, selon laquelle la répugnance saoudienne pourrait confirmer la possibilité que Riyad "prépare les marchés mondiaux à la possibilité qu’ils pourraient ne pas avoir assez de pétrole pour servir, à long-terme, sur le plan mondial, de pompe à essence".
Après tout, le fait que l’Administration de l’Information sur l’Energie des Etats-Unis (EIA) ait révisé de façon significative sa précédente prévision de 2000 sur la quantité de pétrole que l’Arabie Saoudite produirait en 2010 mérite attention. L’EIA a révisé ce chiffre à la baisse, le faisant passer de 14,7 millions à 11,4 millions de barils par jour. Il s’agit d’une réduction majeure. (Il est intéressant de noter que Feld a travaillé pendant 17 ans pour le Ministère de l’Energie des Etats-Unis.)
Dans les circonstances actuelles de la scène énergétique mondiale, ce qui est dit ci-dessus souligne pourquoi tout plan de hâter les efforts étasuniens, pour arriver à une plus grande indépendance pétrolière, se traduit en termes politiques par leur prise de contrôle des réserves irakiennes de pétrole. Il n’y a tout simplement aucune autre alternative viable pour les Etats-Unis. Pour l’essentiel, cela se résume aux 27 mots que l’ancien patron de la Banque Fédérale américaine, Alan Greenspan, a écrits vers la fin de ses mémoires, "Le Temps des Turbulences", "Je suis attristé qu’il soit politiquement gênant de reconnaître ce que tout le monde sait : que la guerre en Irak est largement une question de pétrole".
Pour citer Toby Lodge, l’universitaire bien connu spécialiste de l’Irak à l’Institut International des Etudes Stratégiques de Londres, Shahristani est une chose rare en politique — "Un Chiite ni trop religieux, ni trop politique, ni trop laïc, ni trop pro-américain et auquel [Le Grand Ayatollah Ali] Sistani accepterait de parler".
Mais, pour l’aisance avec laquelle, dans ses dernières années, Shahristani a traversé la ligne de division qui sépare la religiosité et l’idéalisme du matérialisme et du pragmatisme, et au vu de son expérience extraordinaire en tant que scientifique nucléaire de premier plan qui s’est transformé en dissident entêté et ensuite en évadé téméraire de la prison d’Abu Ghraib de Saddam Hussein, où il fut torturé et isolé en internement solitaire pendant dix années affreusement longues jusqu’en 1991, il aurait pu devenir une figure culte pour les militants des droits de l’homme.
Mais à Abu Ghraib, si Shahristani est devenu une étoile montante pour les médias occidentaux, c’était pour une raison complètement différente. Une raison très peu métaphysique. Pour parler franchement, les médias avaient de bonnes raisons de le flatter et de soigner ses vanités.
Les super-géants d’Irak Bien sûr, dans les années 90, ce dissident chiite parlant l’anglais d’une voix douce était un visage familier dans les capitales occidentales. Mais aujourd’hui, il n’est plus un fugitif politique. Il n’est plus un dissident irakien cherchant protection. Au contraire, Shahristani se retrouve dans une position enviable en tant que créateur de richesse pour le monde occidental. Il détient les clés de la porte qui s’ouvre sur le monde magique du pétrole irakien.
Les réserves irakiennes prouvées sont seulement un peu plus petites que celles de l’Arabie Saoudite et de l’Iran — mais l’Irak n’est exploré qu’à 30%. Les experts considèrent que, dans l’ensemble, les véritables réserves pourraient s’avérer être au moins du double des 115 milliards de barils de réserves prouvées. A part cela, personne n’a aucune idée de la dimension des réserves de gaz de l’Irak, pour l’instant inexploitées.
Et Shahristani s’apprête visiblement à négocier les contrats pour les "super-géants" d’Irak. Dans le jargon des majors pétrolières, les "super-géants" sont des champs qui contiennent en réserve au moins cinq milliards de barils de pétrole. Les super-géants irakiens sont Kirkuk (au Kurdistan), Majnoun (à la frontière de l’Iran), Roumaila Nord et Sud (au sud), Qourna Ouest (à l’ouest de Bassora) et les champs de Zubair (au sud-est) et, peut-être, le Nahr Umr et les champs à l’est de Bagdad. De plus, on estime que l’Irak a 22 champs "géants", contenant chacun plus d’un milliard de barils de pétrole.
En fait, l’Irak pourrait abriter les plus grandes réserves mondiales inexploitées de pétrole. Il y a une forte probabilité que les réserves de l’Irak s’avèrent être exceptionnellement plus élevées que les estimations actuelles, qui sont basées sur des sondages sismiques vieillots. Tout le monde a déclaré, sans surprise, que le monde du pétrole est dans tous ses états lorsque Shahristani dit quelque chose, quoi que ce soit. Celui-ci est sur le point de signer les contrats pour ces champs et d’autres champs irakiens importants produisant le pétrole.
Cela fait aujourd’hui de Shahristani un homme d’Etat vraiment très important — à un moment où la demande mondiale de pétrole augmente et que des pays consommateurs sont apparus en Asie avec des appétits gargantuesques pour l’énergie, alors que les réserves déjà négociées des majors pétrolières sont en déclin et que les réserves mondiales connues se trouvent essentiellement sous des systèmes nationalisés.
La sévère mise en garde de l’ancien président de la Commission des Affaires Etrangères des Etats-Unis, le Sénateur Richard Lugar, émise l’année dernière dans un discours à New York, et selon laquelle quelque chose comme les trois quarts des réserves mondiales de pétrole sont situées dans des pays qui ne sont pas sous influence américaine, montre la tension de cette situation.
Pour chapeauter le tout, ainsi que l’auteur Steve Yetiv et l’économiste Lowell Feld l’ont récemment écrit, "Nous sommes dans un nouveau match de politique pétrolière", signifiant par là que la capacité des Etats-Unis à faire baisser le pétrole va en s’amoindrissant. Lors de sa récente visite en Arabie Saoudite, le Président des Etats-Unis, George W. Bush, a mis en avant le prix élevé du pétrole qui accroît la probabilité d’une récession américaine — et par conséquent globale. Il fut un temps, depuis la fin des années 70 jusqu’à ce jour, où les alliés saoudiens des Etats-Unis auraient promptement inondé le marché de pétrole pour faire baisser les prix. Cette fois-ci, les Saoudiens ont entendu Bush, "faisant remarquer que l’affaiblissement de l’économie américaine est une inquiétude légitime, mais qu’ils restent réticents à accroître l’offre de pétrole".
Ces deux auteurs ont fait remarquer : "La réticence de l’Arabie Saoudite à s’occuper de soutenir les prix du pétrole, même face à une récession potentielle, représente une rupture importante avec la politique saoudienne passée ... Pourquoi ?" La réponse pourrait fournir la définition du pétrole au 21ème siècle — ou au moins souligner les raisons pour lesquelles les Etats-Unis recherchent une plus grande indépendance pétrolière".
Il y a urgence à mettre la main sur le pétrole irakien Yetiv et Feld, avec beaucoup d’hésitation, ont avancé une suggestion proprement inouïe, selon laquelle la répugnance saoudienne pourrait confirmer la possibilité que Riyad "prépare les marchés mondiaux à la possibilité qu’ils pourraient ne pas avoir assez de pétrole pour servir, à long-terme, sur le plan mondial, de pompe à essence".
Après tout, le fait que l’Administration de l’Information sur l’Energie des Etats-Unis (EIA) ait révisé de façon significative sa précédente prévision de 2000 sur la quantité de pétrole que l’Arabie Saoudite produirait en 2010 mérite attention. L’EIA a révisé ce chiffre à la baisse, le faisant passer de 14,7 millions à 11,4 millions de barils par jour. Il s’agit d’une réduction majeure. (Il est intéressant de noter que Feld a travaillé pendant 17 ans pour le Ministère de l’Energie des Etats-Unis.)
Dans les circonstances actuelles de la scène énergétique mondiale, ce qui est dit ci-dessus souligne pourquoi tout plan de hâter les efforts étasuniens, pour arriver à une plus grande indépendance pétrolière, se traduit en termes politiques par leur prise de contrôle des réserves irakiennes de pétrole. Il n’y a tout simplement aucune autre alternative viable pour les Etats-Unis. Pour l’essentiel, cela se résume aux 27 mots que l’ancien patron de la Banque Fédérale américaine, Alan Greenspan, a écrits vers la fin de ses mémoires, "Le Temps des Turbulences", "Je suis attristé qu’il soit politiquement gênant de reconnaître ce que tout le monde sait : que la guerre en Irak est largement une question de pétrole".
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