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IRAK:L’enjeu du pétrole

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  • IRAK:L’enjeu du pétrole

    Lors de la réunion de l’OPEP, qui a eu lieu le 5 décembre [dans la capitale ] des Emirats Arabes Unis, à Abu-Dhabi, tous les regards occidentaux étaient tournés vers une personnalité inattendue — le Ministre du Pétrole irakien, Hussain al-Shahristani. Mais ce n’était pas par hasard. Dès que l’OPEP s’est [à nouveau] réunie, six semaines plus tard, à Vienne, il ne faisait plus aucun doute que Shahristani était en train de devenir une célébrité à l’Ouest.
    Pour citer Toby Lodge, l’universitaire bien connu spécialiste de l’Irak à l’Institut International des Etudes Stratégiques de Londres, Shahristani est une chose rare en politique — "Un Chiite ni trop religieux, ni trop politique, ni trop laïc, ni trop pro-américain et auquel [Le Grand Ayatollah Ali] Sistani accepterait de parler".

    Mais, pour l’aisance avec laquelle, dans ses dernières années, Shahristani a traversé la ligne de division qui sépare la religiosité et l’idéalisme du matérialisme et du pragmatisme, et au vu de son expérience extraordinaire en tant que scientifique nucléaire de premier plan qui s’est transformé en dissident entêté et ensuite en évadé téméraire de la prison d’Abu Ghraib de Saddam Hussein, où il fut torturé et isolé en internement solitaire pendant dix années affreusement longues jusqu’en 1991, il aurait pu devenir une figure culte pour les militants des droits de l’homme.

    Mais à Abu Ghraib, si Shahristani est devenu une étoile montante pour les médias occidentaux, c’était pour une raison complètement différente. Une raison très peu métaphysique. Pour parler franchement, les médias avaient de bonnes raisons de le flatter et de soigner ses vanités.

    Les super-géants d’Irak Bien sûr, dans les années 90, ce dissident chiite parlant l’anglais d’une voix douce était un visage familier dans les capitales occidentales. Mais aujourd’hui, il n’est plus un fugitif politique. Il n’est plus un dissident irakien cherchant protection. Au contraire, Shahristani se retrouve dans une position enviable en tant que créateur de richesse pour le monde occidental. Il détient les clés de la porte qui s’ouvre sur le monde magique du pétrole irakien.

    Les réserves irakiennes prouvées sont seulement un peu plus petites que celles de l’Arabie Saoudite et de l’Iran — mais l’Irak n’est exploré qu’à 30%. Les experts considèrent que, dans l’ensemble, les véritables réserves pourraient s’avérer être au moins du double des 115 milliards de barils de réserves prouvées. A part cela, personne n’a aucune idée de la dimension des réserves de gaz de l’Irak, pour l’instant inexploitées.

    Et Shahristani s’apprête visiblement à négocier les contrats pour les "super-géants" d’Irak. Dans le jargon des majors pétrolières, les "super-géants" sont des champs qui contiennent en réserve au moins cinq milliards de barils de pétrole. Les super-géants irakiens sont Kirkuk (au Kurdistan), Majnoun (à la frontière de l’Iran), Roumaila Nord et Sud (au sud), Qourna Ouest (à l’ouest de Bassora) et les champs de Zubair (au sud-est) et, peut-être, le Nahr Umr et les champs à l’est de Bagdad. De plus, on estime que l’Irak a 22 champs "géants", contenant chacun plus d’un milliard de barils de pétrole.

    En fait, l’Irak pourrait abriter les plus grandes réserves mondiales inexploitées de pétrole. Il y a une forte probabilité que les réserves de l’Irak s’avèrent être exceptionnellement plus élevées que les estimations actuelles, qui sont basées sur des sondages sismiques vieillots. Tout le monde a déclaré, sans surprise, que le monde du pétrole est dans tous ses états lorsque Shahristani dit quelque chose, quoi que ce soit. Celui-ci est sur le point de signer les contrats pour ces champs et d’autres champs irakiens importants produisant le pétrole.

    Cela fait aujourd’hui de Shahristani un homme d’Etat vraiment très important — à un moment où la demande mondiale de pétrole augmente et que des pays consommateurs sont apparus en Asie avec des appétits gargantuesques pour l’énergie, alors que les réserves déjà négociées des majors pétrolières sont en déclin et que les réserves mondiales connues se trouvent essentiellement sous des systèmes nationalisés.

    La sévère mise en garde de l’ancien président de la Commission des Affaires Etrangères des Etats-Unis, le Sénateur Richard Lugar, émise l’année dernière dans un discours à New York, et selon laquelle quelque chose comme les trois quarts des réserves mondiales de pétrole sont situées dans des pays qui ne sont pas sous influence américaine, montre la tension de cette situation.

    Pour chapeauter le tout, ainsi que l’auteur Steve Yetiv et l’économiste Lowell Feld l’ont récemment écrit, "Nous sommes dans un nouveau match de politique pétrolière", signifiant par là que la capacité des Etats-Unis à faire baisser le pétrole va en s’amoindrissant. Lors de sa récente visite en Arabie Saoudite, le Président des Etats-Unis, George W. Bush, a mis en avant le prix élevé du pétrole qui accroît la probabilité d’une récession américaine — et par conséquent globale. Il fut un temps, depuis la fin des années 70 jusqu’à ce jour, où les alliés saoudiens des Etats-Unis auraient promptement inondé le marché de pétrole pour faire baisser les prix. Cette fois-ci, les Saoudiens ont entendu Bush, "faisant remarquer que l’affaiblissement de l’économie américaine est une inquiétude légitime, mais qu’ils restent réticents à accroître l’offre de pétrole".

    Ces deux auteurs ont fait remarquer : "La réticence de l’Arabie Saoudite à s’occuper de soutenir les prix du pétrole, même face à une récession potentielle, représente une rupture importante avec la politique saoudienne passée ... Pourquoi ?" La réponse pourrait fournir la définition du pétrole au 21ème siècle — ou au moins souligner les raisons pour lesquelles les Etats-Unis recherchent une plus grande indépendance pétrolière".

    Il y a urgence à mettre la main sur le pétrole irakien Yetiv et Feld, avec beaucoup d’hésitation, ont avancé une suggestion proprement inouïe, selon laquelle la répugnance saoudienne pourrait confirmer la possibilité que Riyad "prépare les marchés mondiaux à la possibilité qu’ils pourraient ne pas avoir assez de pétrole pour servir, à long-terme, sur le plan mondial, de pompe à essence".

    Après tout, le fait que l’Administration de l’Information sur l’Energie des Etats-Unis (EIA) ait révisé de façon significative sa précédente prévision de 2000 sur la quantité de pétrole que l’Arabie Saoudite produirait en 2010 mérite attention. L’EIA a révisé ce chiffre à la baisse, le faisant passer de 14,7 millions à 11,4 millions de barils par jour. Il s’agit d’une réduction majeure. (Il est intéressant de noter que Feld a travaillé pendant 17 ans pour le Ministère de l’Energie des Etats-Unis.)

    Dans les circonstances actuelles de la scène énergétique mondiale, ce qui est dit ci-dessus souligne pourquoi tout plan de hâter les efforts étasuniens, pour arriver à une plus grande indépendance pétrolière, se traduit en termes politiques par leur prise de contrôle des réserves irakiennes de pétrole. Il n’y a tout simplement aucune autre alternative viable pour les Etats-Unis. Pour l’essentiel, cela se résume aux 27 mots que l’ancien patron de la Banque Fédérale américaine, Alan Greenspan, a écrits vers la fin de ses mémoires, "Le Temps des Turbulences", "Je suis attristé qu’il soit politiquement gênant de reconnaître ce que tout le monde sait : que la guerre en Irak est largement une question de pétrole".
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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    Selon l’Agence Internationale à l’Energie, il est prévu que la demande mondiale de pétrole augmente depuis son niveau actuel de 85 millions de barils par jour (m b/j) à 116 m b/j en 2030. Les trois quarts des réserves mondiales (1.200 milliards de barils) sont situées dans les pays de l’OPEP, avec le Golfe Persique qui représente 62 %. Mais les pays du Golfe Persique ne sont pas enclins à augmenter suffisamment nettement leur production pour répondre à la demande mondiale accrue. L’Arabie Saoudite, qui dispose des plus grandes réserves du monde, ne prévoit, par exemple, d’accroître sa production que de 1,5 m b/j au cours des prochaines années.

    Par conséquent, il devient impératif que l’Irak joue un rôle majeur dans la réponse à la demande mondiale additionnelle, de 30 m b/j, durant les deux décennies à venir. Mais il y a un autre aspect à cela. Le Pic du pétrole — lorsque la production mondiale de pétrole atteindra un pic et ensuite commencera à décliner — est une possibilité réelle, qui se produira tôt ou tard. C’est arrivé aux Etats-Unis ; cela arrive à la Grande-Bretagne, la Mer du Nord et l’Indonésie ; on s’attend à ce que cela se produise pour le Mexique et quelques autres pays producteurs majeurs au cours des cinq prochaines années.

    Dans ce scénario, l’aspect crucial de la production pétrolière irakienne ne peut qu’être souligné. De plus, l’Irak est particulièrement bénit dans certains autres domaines. En dehors de ses réserves massives de pétrole et de gaz, le coût de production du pétrole en Irak, à 1 ou 2 dollars (le baril) est très faible. Deuxièmement, les champs de pétrole sont uniformément dispersés à travers le pays. Troisièmement, la situation de l’Irak elle-même est une aubaine. Au contraire, disons de la Caspienne, la Sibérie ou l’Arctique, il est facile de développer des routes d’exportation hors de l’Irak, allant simultanément dans plusieurs directions — le Golfe Persique, l’Arabie Saoudite, le Koweït, la Jordanie, la Syrie et la Turquie. Tout cela signifie que l’expansion rapide de la production pétrolière irakienne et l’arrivée de quantités importantes de pétrole irakien sur le marché international, au-delà de 10 m b/j, est un objectif pouvant être atteint.

    Les Etats-Unis font pression pour des accords [pétroliers] avec l’Irak Une entrave majeure a été la situation sécuritaire dangereuse à l’intérieur de l’Irak. Mais une réussite significative des Etats-Unis, ces derniers mois, a été la fin d’une grande partie des combats à l’intérieur de l’Irak. Clairement, les Etats-Unis ont acheté de larges segments de l’insurrection irakienne. Des milliers de combattants arabes sunnites, dans l’ouest de l’Irak et des parties de Bagdad, se sont convertis en milice "comprador" à la disposition de l’armée américaine. Ce genre de "combattants de la résistance" financés par les Etats-Unis pourrait s’élever à 80.000 anciens insurgés.

    Aujourd’hui, ces derniers collaborent activement avec l’armée américaine à détruire les forces résiduelles de la résistance irakienne à l’est et au nord de Bagdad et dans des villes comme Baqoubah, Tikrit et Mossoul, qui sont des foyers résiduels de l’insurrection. Ils ont pratiquement décapité al-Qaïda en Irak. La région constituée des quatre provinces de la Division-Multinationale-Nord (comprenant les provinces de Diyala, Salahuddin, Ninive et Tamim), qui était le terrain de chasse favori des combattants d’al-Qaïda, est presque complètement pacifiée. Le commandant des forces américaines dans la région, le Général de Division Mark P Hertling, a été cité soutenant : "Un si grand nombre parmi eux [les combattants d’al-Qaïda] se rendent dans les régions du désert, juste pour éviter d’être pourchassés par les citoyens, dénoncés et capturés.

    "Quelques-uns parmi eux disent qu’il n’est même pas sûr d’être dans le désert, à cause des raids nocturnes qui viennent les prendre. Et c’est une bonne chose. Nous voulons qu’ils continuent de penser qu’ils ne peuvent pas dormir tranquillement la nuit parce que nous les pourchassons, parce que, pour le dire franchement, c’est ce que nous faisons".

    Tout indique que les Etats-Unis, tout récemment, ont rencontré le succès en passant un accord similaire avec la milice gênante de l’Armée du Mehdi, qui avait fait allégeance à Muqtada al-Sadr, qui contrôle les districts chiites de Bagdad.

    On peut s’attendre à ce que cela ait un impact positif sur la sécurité des pipelines. Selon différentes estimations, il y a eu plus de 600 attaques de pipelines depuis l’invasion de l’Irak par les Etats-Unis en mars 2003, quelques 60 attaques contre des raffineries et plus de 500 attaques contre des camions-citernes. Près de 650 travailleurs irakiens dans le pétrole auraient été tués, blessés ou kidnappés. Les doubles pipelines du Nord de l’Irak, qui se dirige vers la Turquie, étaient la principale cible des attaques. L’amélioration de la situation sécuritaire a été un facteur qui a permis d’accroître la production de pétrole irakien, qui a atteint près de 2,4 m b/j à la fin de 2007, le plus haut niveau de production depuis l’invasion américaine.

    On s’attend à ce que la production de pétrole dépasse le niveau d’avant-guerre, qui était de 2,6 millions de barils, d’ici à la fin de 2008. Shahristani a déclaré au Times qu’il espérait que la production atteindra 6 millions de barils par jour au cours des quatre prochaines années. Le Fonds Monétaire International a prédit que l’économie irakienne croîtrait de 7 % cette année, à comparer avec 1,3 % l’année dernière. Le Times a rapporté récemment que l’immobilier résidentiel avait brusquement repris dans certaines parties de Bagdad et qu’il y a des signes visibles d’un boom de la construction.

    Comme on pouvait s’y attendre, Washington tient à exploiter la situation sécuritaire grandement améliorée en Irak. L’administration Bush compte sur Shahristani pour ne pas attendre que le Parlement irakien réfractaire approuve la loi pétrolière irakienne qui apporterait une structure légale aux investissements étrangers dans l’industrie du pétrole. Comme première étape, les dirigeants de quelques-unes des majors pétrolières du monde ont rencontré des officiels du Ministère du Pétrole irakien depuis le 24 janvier dernier à Amman, en Jordanie, pour discuter des termes des contrats de support technique, qui sont dans leur nature des contrats à court-terme.

    Récemment, Shahristani a déclaré à Argus Media que ces contrats de services "aideront l’Irak de façon accélérée à acheter l’équipement nécessaire et à former les Irakiens qui les installeront". Il a dit que ces sociétés seraient favorisées dans l’appel d’offre pour des contrats à long-terme sur les champs de pétrole irakiens, prévus plus tard dans l’année. Un autre appel d’offre est attendu pour l’année prochaine.

    Le Times of London a rapporté que ExxonMobil, Chevron, ConocoPhillips et Shell ont été ciblées par le Ministère du Pétrole irakien pour se voir attribuer ces contrats de services (connus sous le nom "d’accords de soutien technique" ou TSA [technical support agreements]. Ce reportage dit qu’en échange du pétrole, ces quatre compagnies pétrolières superviseraient la formation des travailleurs irakiens et l’équipement des plus gros champs pétroliers et gaziers d’Irak. La [lettre d’information] Middle East Economic Survey a cité Shahristani ayant dit que ces contrats de services seront signés "d’ici à quelques semaines". L’attente générale est que les TSA seront signés durant le troisième tour de discussions en mars.
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      Pendant ce temps, la date limite fixée par le Ministère du Pétrole irakien, pour le pré-enregistrement de toute entreprise pétrolière intéressée, tombe le 18 février. Shahristani a promis un processus d’appel d’offre ouvert et transparent, mais seulement dans l’éventualité où il aura autorité pour prendre les décisions. Il a semblé indiquer que la compétition sera intense. "Tous dans le monde, plus de 45 compagnies [pétrolières], nous ont approchés [le gouvernement irakien] et ont montré un très vif intérêt pour travailler avec nous — les Chinois, les Russes, les Indiens, les Brésiliens", a déclaré Shahristani.

      Bref, ainsi que Ben Lando, le rédacteur en chef de la rubrique énergie de United Press International le dit : "Les grands rêves des majors pétrolières sont proches de se réaliser ... Selon des initiés, Shell, qui a produit une étude technique sur Kirkuk en 2005, veut un accord pour ce champ pétrolier. BP en veut un à Rumaila, que cette société a étudié l’année dernière. Shell et BHP Billiton louchent sur les champs de pétrole de Missan, dans le Sud. ExxonMobil est intéressé par le champ pétrolier méridional de Zubair, tandis que les champs de Sabha et de Luhais sont visés par Domme et Anadarko Petroleum. ConocoPhillips discute avec le ministère [irakien] au sujet du champ pétrolifère de Qourna Ouest ... Chevron et Total ont fait équipe dans un appel d’offre pour le champ de Majnoun".

      Sans aucun doute, c’est l’heure de la récompense pour les quatre majors qui n’ont pas fait grand cas de l’occupation militaire de l’Irak par les Etats-Unis ou des pagailles qui ont suivi durant le "gouvernement" de Paul Bremer ou de la grave situation sécuritaire qui a suivi. Elles n’ont pas cessé de renifler le sol et de travailler avec le ministère irakien pendant les quatre dernières années dans la conduite de sondages des réserves, aidant à concevoir des plans de travail et en formant le personnel. Ces majors pétrolières ont tout simplement choisi d’être dans les parages de Bagdad, même quand une grande partie de l’industrie pétrolière tournait au ralenti. Lando ajoute : "Tandis que les contrats de services seraient hautement profitables pour les compagnies, les majors veulent des contrats risqués. De tels accords sont généralement à long-terme, couvrant leurs coûts d’exploitation, garantissant un profit si du pétrole est trouvé et leur permettant de placer les réserves qu’elles découvrent dans leurs livres comptables, une aubaine aux yeux de Wall Street".

      L’opposition publique irakienne Bien sûr, Shahristani marche sur des œufs. Ses manœuvres, malgré le soutien robuste de l’administration Bush, sont politiques et hautement controversées. Le point essentiel est que Shahristani est apparemment en position de distribuer des jackpots aux majors pétrolières. Tout le monde sait qu’en dehors du facteur sécuritaire, le risque d’explorer le brut en Irak est virtuellement nul. "Historiquement il [le pétrole] a été facile à trouver, peu coûteux à produire et il est de première qualité", indique Lando.

      Washington compte sur Shahristani pour faire avancer les accords pétroliers malgré l’opposition véhémente à l’intérieur de l’Irak. D’abord, environ 70% des Irakiens s’opposent fermement à ce que Shahristani essaye de faire. Les Irakiens perçoivent ce qui se passe comme une capitulation de leur souveraineté nationale. Les Irakiens repensent à la nationalisation de leur industrie pétrolière en 1972 comme une source de fierté et de montée en puissance. Deuxièmement, il y a une opposition véhémente de la part des syndicats de l’industrie du pétrole. Ils disent que l’Irak devrait accroître sa production de pétrole en investissant son propre argent et qu’il n’y a pas de besoin pressant à ce stade pour solliciter l’investissement étranger.

      C’est vrai, en 2006, le Ministère du Pétrole irakien n’a pu utiliser que 3% du budget de reconstruction de 3,5 Mds de dollars [2,4 Mds d’€]. Le Ministère de la Défense des Etats-Unis a reconnu, dans un rapport de décembre 2007, "Le manque de capacité à passer des contrats, le manque de petit personnel formé, l’inquiétude concernant la corruption et les nombreux autres défauts structurels systémiques handicapent une exécution plus rapide".

      Les exportations irakiennes de pétrole, en 2007, ont fait rentrer 35,5 Mds de dollars [près de 25 Mds d’€], selon le Département d’Etat américain. Mais une étude effectuée par de quotidien Washington Times en janvier a conclu : "Les revenus pétroliers en augmentation, provenant des prix élevés et de l’amélioration de la sécurité, s’empilent dans la Banque de la Réserve Fédérale de New York plutôt que d’être dépensés dans les programmes nécessaires de reconstruction".

      Pour s’en assurer, les syndicats irakiens de travailleurs tiennent un argument solide lorsqu’ils disent que l’investissement étranger n’est pas actuellement un véritable besoin pour l’industrie pétrolière, mais plutôt la capacité d’investir le surplus de budget. Une fois encore, les syndicats mettent en doute la nécessité d’une expertise étrangère. Ils insistent sur le fait que l’expertise nationale est disponible en Irak. Ce fait est qu’en dépit de la mauvaise gestion flagrante de l’industrie du pétrole par Saddam, l’Irak a constitué un réservoir important de main d’œuvre disposant de tout un éventail d’expertise technique.

      "S’ils [le Ministère du Pétrole] étaient prêts à allouer plus de financement et à dépenser les ressources qui existent déjà, il y aurait une amélioration et nous pourrions recruter", a récemment déclaré Hassan Jumaa Awad, le président de la Fédération des Syndicats Irakiens, à l’agence de presse United Press International. Awad a affirmé que Shahristani poursuit une politique "délibérée" de rejet de l’investissement intérieur avec l’idée de faire passer les professionnels pétroliers irakiens pour des incapables.

      Pour satisfaire leurs exigences, les syndicats sont à présent à la recherche du soutien de la communauté internationale du travail. Ils mettent aussi en doute les intentions de Shahristani consistant à attribuer aux firmes pétrolières internationales des contrats de concession ou de risque, tels que les accords de partage de la production. Awad appelle à une loi pétrolière irakienne, "mais il nous faut gagner notre souveraineté totale avant qu’une telle loi ne soit promulguée", et il insiste sur le fait que si une loi n’est pas votée, cela devrait être approuvé par les électeurs irakiens dans un référendum.

      Les syndicats pétroliers irakiens et les organisations de la société civile se sont joints pour accuser Washington et les autorités actuelles à Bagdad, en particulier le Ministère du Pétrole, de conspirer à remettre le contrôle du pétrole irakien aux majors pétrolières. Les agences de presse ont rapporté que les protestataires, qui craignent que la richesse pétrolière de l’Irak puisse être dilapidée, se sont rencontrés lors d’une conférence sur le Pétrole du Proche-Orient, le 5 février dernier à Londres, à laquelle participaient des dirigeants de l’industrie pétrolière irakiens et britanniques.

      L’héritage irakien de Bush Mais les priorités de l’administration Bush reposent ailleurs. Il est hautement improbable qu’elle prenne en considération les sentiments publics irakiens. Il reste peu de précieux temps à l’administration Bush dans la Maison-Blanche. Mais ce n’est pas non plus une simple question de magouilles politiques. Il y a aussi l’aspect de l’héritage de l’administration Bush. Avec le "surge" irakien qui s’est avéré être un succès, Bush est sans aucun doute prêt pour l’épitaphe de son odyssée en Irak.
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        Les accords des majors pétrolières en Irak forment le cœur de la stratégie de Bush de créer un héritage pour les Etats-Unis au Proche-Orient qui pourrait durer des décennies. Les majors ont besoin de l’assurance d’une présence militaire étasunienne quasi-permanente en Irak. Et Bush est déterminé à apporter cette assurance. Il est convaincu qu’aucun politicien américain sérieux défierait les désirs des Majors Pétrolières. Par conséquent, Bush est en train de créer, en toute logique, un héritage historique d’un Irak qui restera sous le contrôle américain pour les décennies à venir.

        C’est pourquoi, l’éditorial du Washington Post de mercredi dernier, écrit conjointement par la Secrétaire d’Etat Condoleeza Rice et le Secrétaire à la Défense Robert Gates, a ceci d’extraordinaire qui approuve ce à quoi ressemblera l’héritage de Bush. Ces deux responsables de premier plan ont écrit qu’une "phase cruciale" est sur le point de commencer, avec les Etats-Unis qui négocient un accord, destiné à des "relations normalisées", pour une structure de base avec le gouvernement irakien.

        D’ici à la fin de l’année, l’administration Bush proposera de dispenser de toute formalité les obligations actuelles selon lesquelles les Nations-Unies doivent autoriser, sur une base annuelle, la présence et le rôle de l’armée américaine en Irak en vertu des résolutions onusiennes correspondantes. Rice et Gates soutiennent que l’administration Bush "préfèrerait avoir un arrangement plus en ligne avec ce qui gouverne typiquement les relations entre deux nations souveraines". Point final.

        L’accord structurel entre les Etats-Unis et l’Irak qui doit être négocié cherche à établir "une relation forte avec l’Irak, reflétant nos intérêts [américains] politiques, économiques, culturels et sécuritaires partagés". En d’autres termes, Washington s’assurera que la politique étasunienne en Irak sera retirée du champ de surveillance des Nations-Unies, une fois que les accords structurels entre les Etats-Unis et l’Irak seront complètement passés d’ici à la fin de l’année. Les parties concernées, comme la Russie (ou la Chine), seront tout simplement confrontées au fait accompli de ce que les Etats-Unis choisissent de faire avec l’Irak.

        Deuxièmement, la structure bilatérale USA/Irak inclura ce qui est connu sous le nom d’accord de "position des forces", qui est basé sur la reconnaissance que "les forces américaines auront besoin d’opérer en Irak au-delà de la fin de l’année pour que le progrès de la stabilisation de l’Irak se poursuive". Troisièmement, la structure de base avec l’Irak sera négociée avec un soutien bipartisan, impliquant totalement l’autorité de ratification des traités du Sénat américain via les commissions appropriées du Congrès avec informations pour les décideurs et pour la contribution parlementaire, afin que 2008 soit accueillie dans l’histoire comme "l’année de transition cruciale en Irak ... un fondement du succès en Irak — une fondation sur laquelle pourront construire les futures administrations étasuniennes". Une fois passé le tohu-bohu des primaires présidentielles, Bush proposera d’inviter les candidats à la présidence à contribuer à la manipulation de la stratégie irakienne des Etats-Unis dans la période à venir.

        Ce qui devient évident est que l’administration Bush n’entend ni fuir de l’Irak ni rechercher une stratégie de sortie. Au contraire, elle s’assure que l’Irak reste sous la coupe des Américains aussi longtemps qu’il faudra aux Etats-Unis pour évacuer le pétrole et le gaz de ce pays. Bush considère cela comme son héritage historique.

        Bush a confiance dans le fait que sa stratégie de montée en puissance ["surge"] des troupes en Irak fonctionne. Selon le chroniqueur et auteur américain David Ignatius, Bush est favorable au maintien des forces américaines à un niveau proche de celui d’avant le "surge" — de 130.000 soldats. Ignatius a écrit : "En fait, Bush double sa mise sur le succès en Irak". C’est un parcours risqué dans la mesure où l’Irak est une question divergente en année électorale. Mais il est logique de parier qu’avec de tels enjeux élevés pour les Majors Pétrolières en Irak — grâce aux accords de Shahristani — aucun politicien américain sérieux avec des ambitions présidentielles ne saperait les désirs de continuité de Bush, ni ses plans de laisser derrière lui un Irak stable.

        La Russie organise son retour Il est vrai que le reste du monde a déjà décidé qu’il est temps de prendre au sérieux l’héritage de Bush en Irak. L’empressement avec lequel Moscou se dépêche de prendre en marche le train de Shahristani (et son filon) est le dernier signe qui en dit long. Il est hautement improbable que Moscou perde son temps avec une rhétorique se moquant de l’administration Bush, en faisant remarquer que les Etats-Unis ont besoin d’aide pour sauver la face et laisser l’Irak avec une certaine dignité ou que la Russie pourrait aider à stabiliser la situation, etc.

        Shahristani s’est rendu à Moscou en août dernier, mais à ce moment-là, Moscou a commis la folie de ne pas le prendre au sérieux. (En réalité, Shahristani était étudiant à l’université de Moscou dans les années 60.) Un commentateur russe a écrit après sa visite : "Le ministre du pétrole peut dire ce qu’il veut à propos des opérations des compagnies étrangères en Irak, mais le Parlement irakien n’a pas encore voté de loi sur le pétrole et le gaz. Par conséquent, les compagnies pétrolières ne peuvent faire que des suppositions concernant leurs opérations en Irak".

        Mais il n’a pas fallu longtemps à Moscou pour réviser son opinion et prendre Shahristani très au sérieux. En novembre, Shahristani, guidé par des conseillers juridiques américains, a annulé le contrat de la compagnie Lukoil passé avec le régime de Saddam pour le vaste champ pétrolifère dans le désert irakien méridional, Qourna Ouest, qui possède des réserves estimées à 11 Mds de barils de pétrole. Shahristani a annoncé que ce champ serait ouvert à un nouvel appel d’offre dès le début de 2008. "Nous défendrons nos intérêts", a mis en garde un haut-fonctionnaire du Kremlin. Moscou a menacé de révoquer un accord de 2004 avec les nations créditrices pour annuler 13 Mds de dollars [9 Mds d’€] de dette irakienne.

        Mais Moscou a appris que ConocoPhillips louchait sérieusement sur Qourna Ouest. Moscou en a conclu que la scène pétrolière de l’Irak était à prendre, que les prédateurs rôdaient dans le coin et qu’il n’y avait plus de temps à perdre. Ainsi, la signature officielle de cet accord, lundi à Moscou, effaçant la plupart des dettes de Bagdad contractées pendant l’ère soviétique, n’est pas arrivée un jour trop tôt. Cet accord stipule que la Russie effacera d’abord 65% des 12,9 Mds de dollars [8,9 Mds d’€] de la dette irakienne, accumulée surtout par les achats d’armements de Saddam, et, pour les 4,5 Mds restant [3,1 Mds d’€], 80% seront annulés en deux étapes d’ici à 2009 si l’Irak atteint les objectifs économiques fixés par le FMI, laissant l’Irak rembourser 900 millions de dollars [620 millions d’€] sur une période de 17 ans à partir de 2011.

        Cet accord ouvre la voie du retour en Irak aux compagnies pétrolières russes. De façon séparée, la Russie est d’accord pour investir 4 Mds de dollars [2,75 Mds d’€] en Irak, incluant l’industrie pétrolière irakienne. Talonnant de près cet accord d’annulation de la dette, Moscou a indiqué que Lukoil et d’autres compagnies, dont OAO Zarubezhneft, un producteur de pétrole nationalisé, et OAO Mashinoimport, un fournisseur d’équipement pour l’industrie de l’énergie, sont en train de se "préparer" à retourner en Irak. Le gouvernement irakien a promis de porter une "attention spéciale" aux contrats précédemment signés avec les compagnies russes. Mais les choses pourraient ne pas être aussi simples. Le retour des compagnies russes sera assujetti à l’acceptation des Etats-Unis, ce qui, en retour, signifie que Moscou devra par conséquent revenir de manière significative sur sa critique antérieure de la politique irakienne de l’administration Bush.
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          Le Ministre des Affaires Etrangères russe, Sergueï Lavrov, a souligné "l’intérêt primordial" de Moscou dans le lancement de projets gaziers, pétroliers et électriques en Irak, "mais, pour la mise en place réussie de projets de développement économique de l’Irak, il est nécessaire de résoudre deux problèmes politiques : accomplir la réconciliation nationale et régler les questions de sécurité". Lavrov a essentiellement souligné la détermination de la Russie à s’engager sérieusement.

          Il sera intéressant d’observer comment se déroulera le "retour" russe. Washington — et Shahristani — devront calculer les implications du retour des compagnies pétrolières russes en Irak. Un expert sur le Moyen-Orient à Moscou a fait remarquer : "Si on laisse venir les compagnies russes, quelqu’un d’autre devra être exclu. Ce n’est pas une question de libre concurrence".

          L’UE établit le contact avec l’Irak Mais il est probable que l’Irak impactera la bonne fortune de la Russie, d’une façon bien plus profonde, sur un deuxième front où la capacité de Moscou à influencer est pratiquement nulle. Moscou regardera avec anxiété le progrès du dialogue sur l’énergie qui a débuté entre l’Union Européenne et l’Irak. Le signal d’alarme a dû retentir à Moscou lorsque Shahristani s’est rendu à Bruxelles et a rencontré les officiels européens le 31 janvier dernier.

          Les officiels européens ont fait savoir ouvertement que leur désir de chercher à rapprocher les liens énergétiques avec l’Irak est une composante cruciale de leur stratégie plus large de réduire la dépendance de l’Europe vis-à-vis des approvisionnements énergétiques russes. Les pays européens dépendent actuellement de la Russie pour environ un quart de leurs approvisionnements en gaz. La Commissaire européenne aux Affaires Etrangères, Benita Ferrero-Waldner, a déclaré à Shahristani : "L’Irak est un partenaire naturel pour l’UE en matière d’énergie, à la fois en tant que producteur de pétrole et de gaz et en tant que pays de transit pour les ressources d’hydrocarbures du Proche-Orient et du Golfe vers l’UE".

          Elle a dit que l’UE avait envie de voir l’Irak se relier au projet de Gazoduc Arabe, depuis l’Egypte vers la Jordanie, près de la frontière syrienne, qui est en construction et que l’on s’attend à permettre aux clients européens de taper dans les approvisionnements de l’Egypte et des autres pays le long de cette ligne qui passe par la Turquie. Le projet de Gazoduc Arabe de l’UE forme une partie du pipeline de 3.300 km de long pour transporter le gaz depuis le Proche-Orient et l’Asie Centrale vers l’Europe tout en contournant la Russie.

          Ce projet consiste à transporter le gaz naturel irakien depuis un champ gazier du sud de l’Irak vers l’UE, à travers le Gazoduc Arabe, qui, une fois terminé, reliera la Syrie, la Jordanie, le Liban, l’Egypte et la Turquie. Le gaz irakien pourrait alors atteindre l’Europe à travers le pipeline Nabucco prévu, qui est censé courir de la Turquie à l’Autriche. L’Irak a été invité à une rencontre ministérielle prochaine sur le projet du Gazoduc Arabe.

          Un à-côté intéressant est que l’accès à l’énergie irakienne rend soudain le pipeline Nabucco viable. La Russie, au moyen d’efforts robustes dans le passé récent a gagné la supériorité en tant que fournisseur-clé d’énergie pour les pays d’Europe du Sud. Les efforts russes ont amenuisé les perspectives de Nabucco, malgré le soutien vigoureux de Washington pour ce projet. A présent, alors qu’il semblait que Moscou en avait fini avec Nabucco, ce dernier, grâce à l’énergie irakienne, redevient le défi majeur aux intérêts russes, en tant que principal fournisseur d’énergie pour l’Europe. Les implications concernant les relations de l’Europe avec la Russie et même les relations transatlantiques vont très loin.

          Shahristani a déclaré à ses interlocuteurs à Bruxelles que l’Irak projetait de développer cette année ses champs gaziers et devrait être en position d’approvisionner l’Europe en gaz "dans deux ou trois ans". On estime que l’Irak possède 111 trillons de mètres-cubes de réserves de gaz naturel. Royal Dutch Shell, le français Total et l’italien Edison cherchent l’approbation de Shahristani pour un accord de développement de l’un des plus gros champs gaziers d’Irak, Akkas, situé près de la frontière syrienne, et qui pourrait être relié au Gazoduc Arabe.

          Sur le front du pétrole, Shahristani a dit à Bruxelles que l’Irak étudiait la possibilité de nouveaux pipelines qui traverseraient la Turquie. Le pétrole des champs de Kirkuk au nord de l’Irak est actuellement exporté par un pipeline relié au port méditerranéen turc de Ceyhan.

          Les liens énergétiques entre Israël et l’Inde Les liens énergétiques entre l’UE et l’Irak seront un développement préoccupant, non seulement pour la Russie, mais aussi pour l’Iran. Téhéran a nourri l’espoir que la stratégie européenne de diversifier ses importations d’énergie finirait par apporter l’impulsion aux pays européens afin de normaliser leurs relations avec l’Iran et, qu’en retour, cela les encouragerait à résister aux pressions américaines d’isoler l’Iran. Mais Téhéran regarde avec consternation que l’Irak devient rapidement la poule aux œufs d’or pour l’UE et l’expansion des liens énergétiques entre l’UE et l’Irak pourrait amenuiser tout sens de l’urgence dans les capitales européennes de construire un dialogue énergétique avec l’Iran dans le futur proche.

          La "perte" quasi-totale du marché européen — du moins à court-terme — oblige l’Iran à se tourner plus vers la région asiatique. Mais ici aussi, la pression étasunienne s’exerce sur l’Inde, l’un des marchés énergétiques les plus importants d’Asie, pour qu’elle ne se lie pas à l’Iran. A la place, Washington encourage les compagnies indiennes à devenir actives en Irak. Idéalement, Washington aimerait encourager un quadrillage énergétique Turquie/Israël/Inde qui pourrait puiser dans les réserves irakiennes. Cette approche s’insère aussi dans la géostratégie étasunienne consistant à développer la Turquie, Israël et l’Inde comme trois Etats "pivots" qui sont les alliés naturels de Washington dans des régions entourant le Moyen-Orient volatile.

          En janvier, la Turquie a lancé une étude de faisabilité pour un pipeline de gaz naturel reliant les champs gaziers du nord de l’Irak à son port méditerranéen de Yumurtalik, qui courra parallèlement aux pipelines pétroliers. Une fois que les champs gaziers du nord de l’Irak seront développés, 353 Mds de mètres-cubes de gaz naturel couleront vers Yumurtalik. La Turquie espère exporter le gaz naturel liquéfié (GNL) par bateaux-citernes vers des destinations telles qu’Israël et l’Inde. Il y a un fort soutien des Etats-Unis pour ce projet.

          Dans la mesure où l’Inde est empêchée de se lier à l’Iran, Washington espère aussi saborder la perspective d’un quadrillage énergétique asiatique en développement qui pourrait impliquer l’Iran, le Pakistan, l’Inde et la Chine, en compagnie de la Russie et des Etats d’Asie Centrale. Il est révélateur que des discussions sérieuses entre la Turquie et l’Inde sur la coopération énergétique aient débuté pour la première fois.

          Le Ministre des Affaires Etrangères turc, Ali Babacan, qui s’est rendu récemment à Delhi, aurait proposé à son homologue indien la possibilité que la Turquie exporte du pétrole depuis le port de Ceyhan vers le pipeline Ashkelon-Eilat d’Israël et que les supertankers indiens s’approvisionnent en pétrole depuis le port israélien d’Eilat dans le Golfe d’Aqaba. Une visite du Président turc Abdullah Gul en Inde, suivie d’une visite du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, pourrait avoir lieu.
          The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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          • #6
            L’Indian Oil Corporation construit déjà des pipelines en Turquie. Une compagnie indienne de premier plan, appartenant au puissant Groupe Relliance (qui a une collaboration avec Chevron) est active au nord de l’Irak. (Coïncidence curieuse, les dirigeants kurdes au nord de l’Irak et le gouvernement indien ont employé la même firme de lobbying — dirigés par Robert D Blackwill, un ancien conseiller adjoint à la sécurité nationale et ambassadeur des Etats-Unis à New Delhi — pour défendre leurs intérêts à Washington.)

            Les compagnies indiennes ont traditionnellement été actives dans le secteur du pétrole irakien. Mais ce qui explique l’intérêt des Etats-Unis à ce stade est que la coopération énergétique avec l’Irak pourrait cimenter de façon importante les liens stratégiques entre Israël et l’Inde et, par là-même, soulager l’isolation régionale d’Israël. Face à cela, il aurait été sensé pour l’Inde de se relier à l’Irak au moyen d’un pipeline traversant l’Iran. Mais l’entière stratégie de Washington est de couper l’Iran de cette boucle et à la place d’encourager la Turquie, Israël et l’Inde à établir un quadrillage énergétique.

            Toutefois, un quadrillage énergétique Turquie/Israël/Inde pourrait être confronté à une opposition intérieure en Inde. La question de l’Inde prenant part au pactole économique d’un Irak occupé par les Etats-Unis pourrait compromettre des pans entiers de l’opinion publique indienne. Le Parlement Indien actuel a adopté une résolution qui délimite sérieusement la collaboration de Delhi avec l’Irak sous occupation des Etats-Unis. Comment l’opinion publique indienne réconciliera son antipathie vis-à-vis de "l’impérialisme" américain avec la perspective alléchante que leur pays puise dans les vastes réserves énergétiques d’Irak offrira un spectacle politique et diplomatique captivant. Mais, à court-terme, la perspective que Irak devienne une source importante d’approvisionnement énergétique travaille sûrement à étouffer d’une autre manière la coopération énergétique entre l’Iran et l’Inde. De ce point de vue, la stratégie étasunienne fonctionne.

            La Turquie, principal bénéficiaire En purs termes politiques, le seul plus gros bénéficiaire parmi tous les voisins de l’Irak sera la Turquie. Les projets de Shahristani propulseront la Turquie vers le statut de plaque-tournante énergétique d’importance cruciale dans la stratégie des Etats-Unis. Lors de sa visite à Washington le mois dernier, le Président Gul a rencontré Bush, le vice-Président Cheney et les secrétaires d’Etat et à l’Energie. L’ordre du jour des discussions était lié au travail conjoint entre les Etats-Unis et la Turquie en Irak pour développer les sources d’énergie de ce dernier.

            La coopération énergétique entre les Etats-Unis et la Turquie en Irak a un impact dans de nombreuses directions sur la géopolitique de la région. D’abord, Washington s’attendra à ce que la Turquie aille doucement avec l’expansion et l’approfondissement de ses liens coopératifs avec l’Iran, une tendance que l’administration Bush a perçue avec inquiétude ces derniers temps. On peut s’attendre à ce que la Turquie réponde avec pragmatisme et calibre ses liens avec l’Iran, en accord avec la sensibilité des Etats-Unis.

            A son tour, tout re-calibrage de la dynamique des liens turco-iraniens sera un sujet d’extrême satisfaction pour Israël. Par conséquent, nous pouvons nous attendre à un renouveau proportionnel du réchauffement des relations turco-israéliennes. Qui plus est, la Turquie est à présent sur le point d’être un conduit pour l’approvisionnement en énergie depuis le nord de l’Irak vers Israël. Israël bénéficie déjà d’une influence forte dans la région du Kurdistan au nord de l’Irak. Donc, il y a une formidable convergence d’intérêts entre la Turquie et Israël sur les questions de sécurité énergétique d’Israël.

            L’axe politique entre Israël et la Turquie se consolidera sûrement dans la période à venir, grâce au pétrole irakien. Mais du point de vue de la Turquie, le résultat de plus important est l’empressement de la part de Washington à se désengager de ses alliés kurdes d’autrefois, au nord de l’Irak. Cela donne déjà à Ankara une relative latitude pour contrer les activités kurdes armées.

            Washington ne ferme pas seulement les yeux sur les incursions militaires turques dans le nord de l’Irak mais partagerait même des renseignements vitaux avec la Turquie, qui rend la "chasse" militaire turque aux partisans kurdes de la lutte armée à l’intérieur de l’Irak plus efficace. Washington s’en remet sans aucun doute à la direction irakienne kurde pour contenir les activités des activistes turcs basés au nord de l’Irak.

            De la même manière, la Turquie peut exploiter les intérêts particuliers des dirigeants kurdes irakiens dans le commerce pétrolier. Il y a des signes que les dirigeants kurdes irakiens coopèrent de façon sérieuse avec les opérations de l’armée turque.

            La Turquie a certainement influencé la décision des Etats-Unis de faire échouer, sur des bases techniques, la tenue d’un référendum, en décembre, sur le statut de la région de Kirkuk, riche en pétrole, ainsi qu’il était prévu sous la constitution irakienne provisoire de 2005. Il est concevable que la dépendance croissante des Etats-Unis sur la Turquie ait même pu conduire à un report indéfini du référendum, au-delà de juin prochain. La Turquie fait pression pour un "statut spécial" négocié par l’ONU pour Kirkuk, qui en ferait une région en elle-même. Washington pourrait bien tenir compte de la suggestion turque. Au minimum, Ankara peut pousser un soupir de soulagement par le fait que le spectre de la formation d’une identité nationale kurde indépendante au nord de l’Irak ait été repoussée au second plan. Sans le soutien des Etats-Unis, il est tout simplement impossible pour les Kurdes du nord de l’Irak d’affirmer leur indépendance.

            La Turquie a trouvé aussi un terrain d’entente avec les blocs politiques irakiens sunnites et chiites, qui ont fait un pacte contre la tenue de tout référendum à Kirkuk, jusqu’à ce qu’une nouvelle loi soit votée qui établirait fermement le contrôle de Bagdad sur cette province riche en pétrole. Ceci augmente le levier dont la Turquie dispose à Bagdad. L’alliance politique irakienne, qui défie les aspirations séparatistes kurdes, inclut autant que 145 parlementaires sur les 275 membres du Parlement irakien.

            Vraiment, du point de vue de la Turquie, tout ceci est loin d’offrir une solution permanente au problème kurde, en tant que telle. Ainsi que l’éminent rédacteur en chef turc, Ilnur Cevikn l’a fait remarquer récemment, "C’est un problème qui doit être adressé avec pragmatisme et avec la notion qu’il y a des citoyens d’origine kurde qui ne ressentent toujours pas qu’ils sont traités comme des citoyens normaux de la République Turque". Mais le fait est que la Turquie gagne un temps précieux pour remettre sa propre maison en ordre, tandis que Washington adore Ankara en tant qu’allié clé en Irak.

            La Turquie a brillamment joué son jeu. Avec un correct mélange de défi stratégique et de réalisme, Ankara a persuadé l’administration Bush de considérer la situation au nord de l’Irak à travers son propre prisme. En fait, de tous les voisins de l’Irak, c’est sur la Turquie que les Etats-Unis compteront dans la période présente. Les relations turco-américaines, qui sont passées par une période de quatre mauvaises années à la suite du refus d’Ankara d’assister les Etats-Unis dans leur invasion de l’Irak, ont certainement regagné un peu de leur verve traditionnelle en tant qu’alliance clé. Ceci ajoute énormément au statut régional de la Turquie vis-à-vis de ses voisins arabes, de la Russie, de l’Iran et même des pays européens.

            Le rôle influent de la Turquie en Irak, en fait vraiment un acteur important au Proche-Orient. Mais, plus important que les priorités nationales turques à moyen-terme serait que l’Europe soit plus encline, au fur et à mesure que le temps passe, à remarquer l’importance stratégique de la Turquie. Pour l’UE, la Turquie émerge comme un pont énergétique vital la reliant avec le Proche-Orient. A un moment ou à un autre, dans le futur prévisible, ceci devrait tourner à l’avantage de la Turquie, si seulement Ankara continue sans relâche sa quête pour obtenir la qualité de membre de l’UE.

            M K Bhadrakumar a servi en tant que diplomate de carrière aux services étrangers indiens pendant plus de 29 ans, avec des postes comprenant celui d’ambassadeur en Ouzbékistan (1995-98) et en Turquie (1998-2001).

            Copyright 2008 Asia Times Online Ltd/Traduction : JFG-QuestionsCritiques.



            M K Bhadrakumar
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