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A Beyrouth ouest, l'"humiliation" des sunnites

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  • A Beyrouth ouest, l'"humiliation" des sunnites

    Comment les choses peuvent-elles se calmer ? Comment peut-on vivre dans l'humiliation ?" "Oussama" (ce n'est pas son vrai prénom) s'affaire seul, ce dimanche matin 11 mai, dans son café pâtisserie du quartier de Mousseitbé, dans la partie ouest de Beyrouth. Il s'enquiert d'emblée de l'identité de son interlocuteur pour s'assurer que ses propos ne tombent pas dans une oreille hostile. Il continue : "Hassan Nasrallah [secrétaire général du Hezbollah] avait qualifié de 'victoire divinev celle qu'il a remportée contre Israël à l'été 2006. Quel qualificatif donnera-t-il à sa pseudo-victoire sur Beyrouth?"

    "Oussama" est sunnite. Il n'est pas partisan du Courant du futur du député Saad Hariri, dont les partisans ont été "neutralisés" en trois jours par les assauts de ceux du Parti de Dieu chiite et de ses alliés de l'opposition. Son sentiment "d'humiliation" est largement partagé par plusieurs personnes interrogées. Souha, jeune femme cadre supérieur, ancienne gauchiste toujours profondément laïque, avoue : "Pour la première fois, j'éprouve un sentiment communautaire. Tous mes voisins aussi." Plus tard dans la journée, l'ancien premier ministre (sunnite) Omar Karamé, pourtant membre de l'opposition, n'a pu taire son désarroi. "Ce qui s'est passé à Beyrouth a ouvert une profonde blessure au sein de la communauté sunnite, dont la dignité est capitale. Si la situation devait virer au conflit entre familles religieuses, il serait inévitable que nous nous soyons solidaires de notre communauté", a-t-il souligné.


    A moins de quatre mètres du café pâtisserie d'"Oussama", se dresse un grand portrait du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah. "Ils l'ont mis là il y a une semaine environ, dit-il. Nous ne sommes pas hostiles aux chiites, mais ce qui est arrivé est intolérable. Allez donc voir au bout de cette rue. C'est là que j'habite. Pendant quatre jours nous étions enfermés chez nous. Ils contrôlaient les identités et ils ont battu jusqu'au sang un gendarme. C'est une honte !" "Ils", ce sont des miliciens du mouvement chiite Amal installés sur le pas de porte de leur permanence. Ils ne sont pas armés, en application de la décision du commandement de l'armée de mettre fin à toute présence armée dans les rues. Une patrouille militaire motorisée passe.


    Rares sont les habitants qui sont sortis de chez eux. La plupart se contentent de faire des courses dans les épiceries qui ont ouvert leurs portes. Les visages sont fermés. Plus rares encore sont les automobilistes, condamnés à circuler à l'intérieur d'un périmètre étroit en raison du blocage des routes par les opposants, ou à se livrer à un grand détour pour sortir de leur zone.


    "Le président Nabih Berri [chef du mouvement chiite Amal et président du Parlement] a dit que nous ne voulons pas de guerre civile. Nous sommes tous des Libanais. Nous voulons tous protéger le Liban contre l'ennemi israélien", déclare le plus âgé des miliciens d'Amal. "Mais le gouvernement a dépassé les lignes rouges. Ce gouvernement ne comprend que le langage de la force", s'enflamme-t-il.


    Et quand on lui demande de tracer ces "lignes rouges", il reprend l'antienne du Hezbollah et d'Amal : "Ce sont, dit-il, les décisions relatives au réseau de télécommunications du Hezbollah et le renvoi de Wafiq Choucair", officier chargé de la sécurité de l'aéroport international de Beyrouth.
    Dans une rue parallèle, les traces de la dévastation d'une permanence du Courant du futur sont visibles. Les flammes ont noirci les murs et les cadres des fenêtres. "Ils [les miliciens chiites] ont pris d'assaut la permanence et y ont mis le feu", indique le boucher.
    Dans une venelle, des miliciens en treillis et armés de fusils-mitrailleurs tiennent l'entrée d'un immeuble. Plus loin, d'autres miliciens armés contrôlent une rue parallèle à Hamra, avenue commerçante cosmopolite, d'habitude très animée et aujourd'hui presque déserte. Le Parti nationaliste social (PNS) pansyrien, membre de l'opposition, a planté ses drapeaux sur les poteaux électriques. Des patrouilles motorisées de l'armée circulent.
    L'avenue Riad-Al-Solh, qui relie la banlieue sud au cœur de Beyrouth, est toujours jonchée de poubelles et de carcasses de voitures brûlées qui, avec des monticules de sable et de pierres, entravent toute circulation automobile. A quelques centaines de mètres de la résidence de l'ambassadeur de France, la corniche Mazraa, qui fut l'un des principaux théâtres du conflit armé, offre le même spectacle. Ici, les murs de sable ont été renforcés samedi, après la prise de contrôle de Beyrouth ouest par le Hezbollah et ses alliés.


    L'armée libanaise est déployée en masse. Les véhicules blindés et les soldats à pied, pour la plupart casqués, font office de tampon entre les rives droite et gauche, bastions des partisans de la majorité et de l'opposition. L'un des militaires a beau affirmer que la vie a repris son cours, la réalité est tout autre. Pas un chat ou presque dans ce quartier où les embouteillages sont la règle. Quid des murs de sable qui entravent l'avenue ? "Ce n'est pas notre affaire", répond le soldat.
    Mouna Naïm


    source: le Monde
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