Voici un interview d'Akram Belkaïd à un journal marocain. Je ne sais pas si son avis rejoint celui de la majorité des algériens mais je le trouve pertinent.
Le dialogue de sourds entre Bouteflika et Mohammed VI, les intérêts d’Alger au Sahara occidental, ce que représente Tindouf pour nos voisins, l’euphorie du pétrole et la grogne sociale qui menace, la régression des libertés qui met à mal les journalistes… L’écrivain et journaliste algérien Akram Belkaïd nous aide à y voir plus clair.
Les relations entre Rabat et Alger fluctuent selon l’humeur des dirigeants et le sens du vent au Sahara. Pensez-vous qu’Alger désire réellement sortir de ce cercle vicieux ?
C’est un cycle désespérant. Le meilleur moyen de vérifier la volonté officielle est la tenue d’un sommet qui aboutisse à des résultats concrets. Or, nos deux chefs d’état prennent à peine prétexte sur l’UMA pour se rencontrer sans s’engager sur des chantiers concrets. L’UMA, telle qu’elle est aujourd’hui, ne veut rien dire. Pour construire le Maghreb, il faudrait d’abord consolider le couple Maroc-Algérie. Nos dirigeants se disent à chaque fois déçus par l’affaire du Sahara. Ça devient comme une litanie. Je suggère qu’on s’achemine vers une réelle structure fédérale. Mais cela demande beaucoup de générosité des deux côtés. Et on n’en voit tout simplement pas les prémices.
Voire on régresse… En refoulant des militants et journalistes marocains, Alger cède-t-elle plus qu’avant à la pression des militaires pro-Polisario ?
Sur la forme, qu’un journaliste veuille aller à Tindouf sans baliser le terrain en Algérie et qu’il soit refoulé ne me surprend pas. Je ne leur conteste pas le droit d’aller rendre compte par eux-mêmes de la situation. Mais moi-même, quand je voulais me rendre à Laâyoune, j’ai pris toutes mes précautions pour que les autorités marocaines n’aient rien à me reprocher. Sur le fond, je ne parlerais pas des militaires, mais du système algérien. Il n’est visiblement pas prêt à réviser sa position de soutien au Polisario.
Une fois à Laâyoune, vous vous êtes senti mal dans votre peau. Mais quel échange avez-vous eu avec les populations locales ?
J’étais perçu comme un extraterrestre. La notion du complot algérien a la peau dure. J’ai tenté d’expliquer aux Marocains qu’il n’y avait pas d’aspiration populaire incitant le pouvoir à leur nuire via le Polisario. Les Algériens ne haïssent pas forcément les polisariens, mais les ignorent. Il y a certes une orientation claire du pouvoir algérien en leur faveur. Mais cela ne devrait pas empêcher Rabat de faire son autocritique. Or, premier réflexe, après les troubles de Laâyoune, vos autorités crient au complot. C’est trop facile d’accuser Alger. Comme il est trop facile de voir en l’affaire du Sahara "une fabrication du Makhzen", alors que le consensus au Maroc sur la question est large et loin d’être téléguidé à tous les niveaux.
Que représente Tindouf pour un Algérien ?
Ça n’existe pas. C’est très loin. Le Polisario est une entité abstraite. Vous n’entendrez jamais parler d’une manifestation en faveur du Polisario. La RASD n’a rien de comparable à la Palestine dans l’imaginaire algérien. Il est loin, le temps des diatribes idéologiques en vogue sous Houari Boumedienne. Tindouf est aujourd’hui plus assimilée à la punition du service militaire, à son climat hostile. Et puis, ne l’oubliez surtout pas, les Algériens sortent de 10 ans de guerre civile. Ils ont plus besoin de s’éclater et pas du tout d’emmerder leurs voisins.
Il y a toujours des maquisards perdus dans les montagnes. Votre pays a-t-il réellement passé le cap de la guerre civile ?
Personnellement, je pense qu’on en est sorti. Qu’il y ait des groupes épars, une violence rémanente ou du banditisme, ce ne sont que des soldats islamistes perdus. Ceci dit, les problèmes qui ont causé la crise ne sont pas réglés. Nous nous retrouvons dans la même situation qu'à la fin des années 80, avec un pétrole cher qui nous pousse vers plus de consumérisme sans nous sortir de l’impasse sociale. Je suis donc optimiste à court terme et pessimiste à moyen terme.
Le dialogue de sourds entre Bouteflika et Mohammed VI, les intérêts d’Alger au Sahara occidental, ce que représente Tindouf pour nos voisins, l’euphorie du pétrole et la grogne sociale qui menace, la régression des libertés qui met à mal les journalistes… L’écrivain et journaliste algérien Akram Belkaïd nous aide à y voir plus clair.
Les relations entre Rabat et Alger fluctuent selon l’humeur des dirigeants et le sens du vent au Sahara. Pensez-vous qu’Alger désire réellement sortir de ce cercle vicieux ?
C’est un cycle désespérant. Le meilleur moyen de vérifier la volonté officielle est la tenue d’un sommet qui aboutisse à des résultats concrets. Or, nos deux chefs d’état prennent à peine prétexte sur l’UMA pour se rencontrer sans s’engager sur des chantiers concrets. L’UMA, telle qu’elle est aujourd’hui, ne veut rien dire. Pour construire le Maghreb, il faudrait d’abord consolider le couple Maroc-Algérie. Nos dirigeants se disent à chaque fois déçus par l’affaire du Sahara. Ça devient comme une litanie. Je suggère qu’on s’achemine vers une réelle structure fédérale. Mais cela demande beaucoup de générosité des deux côtés. Et on n’en voit tout simplement pas les prémices.
Voire on régresse… En refoulant des militants et journalistes marocains, Alger cède-t-elle plus qu’avant à la pression des militaires pro-Polisario ?
Sur la forme, qu’un journaliste veuille aller à Tindouf sans baliser le terrain en Algérie et qu’il soit refoulé ne me surprend pas. Je ne leur conteste pas le droit d’aller rendre compte par eux-mêmes de la situation. Mais moi-même, quand je voulais me rendre à Laâyoune, j’ai pris toutes mes précautions pour que les autorités marocaines n’aient rien à me reprocher. Sur le fond, je ne parlerais pas des militaires, mais du système algérien. Il n’est visiblement pas prêt à réviser sa position de soutien au Polisario.
Une fois à Laâyoune, vous vous êtes senti mal dans votre peau. Mais quel échange avez-vous eu avec les populations locales ?
J’étais perçu comme un extraterrestre. La notion du complot algérien a la peau dure. J’ai tenté d’expliquer aux Marocains qu’il n’y avait pas d’aspiration populaire incitant le pouvoir à leur nuire via le Polisario. Les Algériens ne haïssent pas forcément les polisariens, mais les ignorent. Il y a certes une orientation claire du pouvoir algérien en leur faveur. Mais cela ne devrait pas empêcher Rabat de faire son autocritique. Or, premier réflexe, après les troubles de Laâyoune, vos autorités crient au complot. C’est trop facile d’accuser Alger. Comme il est trop facile de voir en l’affaire du Sahara "une fabrication du Makhzen", alors que le consensus au Maroc sur la question est large et loin d’être téléguidé à tous les niveaux.
Que représente Tindouf pour un Algérien ?
Ça n’existe pas. C’est très loin. Le Polisario est une entité abstraite. Vous n’entendrez jamais parler d’une manifestation en faveur du Polisario. La RASD n’a rien de comparable à la Palestine dans l’imaginaire algérien. Il est loin, le temps des diatribes idéologiques en vogue sous Houari Boumedienne. Tindouf est aujourd’hui plus assimilée à la punition du service militaire, à son climat hostile. Et puis, ne l’oubliez surtout pas, les Algériens sortent de 10 ans de guerre civile. Ils ont plus besoin de s’éclater et pas du tout d’emmerder leurs voisins.
Il y a toujours des maquisards perdus dans les montagnes. Votre pays a-t-il réellement passé le cap de la guerre civile ?
Personnellement, je pense qu’on en est sorti. Qu’il y ait des groupes épars, une violence rémanente ou du banditisme, ce ne sont que des soldats islamistes perdus. Ceci dit, les problèmes qui ont causé la crise ne sont pas réglés. Nous nous retrouvons dans la même situation qu'à la fin des années 80, avec un pétrole cher qui nous pousse vers plus de consumérisme sans nous sortir de l’impasse sociale. Je suis donc optimiste à court terme et pessimiste à moyen terme.
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