La Maison de jeunes d’El Flaye a accueilli un des témoins de l’ère des grands écrivains et penseurs de la culture algérienne en général et berbère en particulier mais aussi un élève et ami de Mouloud Mammeri. Ali Sayad, anthropologue dont la renommé dépasse les frontières, est natif d’Ath Yenni et appartient à cette race d’hommes qui investissent le savoir.
Avec sa double formation administrative et universitaire, il enseigna à l’université, en France notamment. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages de recherche et de littérature. A l’exemple du Premier agenda berbère en 1982, Le bulletin d’études berbères, La Narratrice, La rage dedans... Ali Sayad est aussi l’un des premiers à avoir codifié la langue berbère avec feu Mouloud Mammeri. Il a passé un certain nombre d’années dans les Aurès, le Hoggar et diverses contrées du Sud. Durant plus de 3 heures et sous le thème plus que significatif, “Le défricheur du savoir”, le conférencier dévoila à l’assistance composée en grande majorité de jeunes étudiants et autres invités de marque, à l’image du grand chanteur Amour Abdenour, du président d’APC de la localité et d’un groupe d’invités venus spécialement d’Alger pour prendre part à cet événement, les différentes phases de la vie de cette grande figure de la culture et littérature algériennes qu’est Dda l’Mouloud Mammeri.
Le fait Amazigh
Il commença par expliquer longuement comment est née la langue berbère en disant que l’écriture, porte la marque tragique de la ténacité de l’homme de durer en transmettant après lui la trace de son passage. La pierre et les parois rocheuses, les tablettes d’argile et la cire, le tissu végétal arraché à l’arbre, le liber ou les rouleaux de papyrus, la peau et l’omoplate d’animaux... en étaient les supports, en sont les premiers témoins.
L’homme amazigh, qui signifie en berbère homme libre, nom que se donnent les anciens habitants de l’Afrique du Nord et ceux, parmi eux demeurés encore berbérophones, a été le premier, ou tout le moins l’un des premiers à détenir un système d’écriture alphabétique, signalé de son temps par Hérodote sous le nom de libyque, et désigné aujourd’hui alphabet tifinagh, les Imazighen à part des inscriptions magico-religieuse gravées sur des stèles, des amulettes pour se protéger de tout malheur qui pourrait arriver, ou de courts messages laissés sur des parois rocheuses pour signaler leur marche d’un pâturage à l’autre, n’ont pas éprouvé le besoin de produire une littérature écrite : ils savent d’expérience le destin qui frappe les hommes et l’avenir réservé aux livres. C’est Sainte Beuve qui écrivait : “Le sort des hommes est ceci : beaucoup d’appelés, peu d’élus. Le sort des livres, le voici : beaucoup d’épelés, peu de lus”. Aux textes littéraires écrits, l’Amazigh leur préfère la production d’une littérature orale en prose ou en vers, exprimée dans une langue différente de celle pratiquée au quotidien. Ceci dit, que l’écrit est destiné au lecteur de l’extérieur qui a une vision égocentrique de la culture. Chez les Amazighs, l’identité n’est pas présentée par la différence à l’autre mais par son identité même : “Je suis plus moi-même en tant que je suis identique à moi-même car qui a peur de perdre son identité l’a déjà perdue”, dit de lui le poète et compositeur kabyle Cherif Kheddam. Lorsque l’écrivain amazigh écrit dans une langue étrangère, il reste profondément amazigh et ne perd pas son identité, il enrichit la culture universelle par son expérience et sa vision du monde, sa participation à la vérité. Il cite a titre d’exemple l’agronome Magon qui a écrit son encyclopédie agronomique en punique ; le roi Juba II a rédigé son Libyca— histoire du peuple amazigh— en grec ; Ibn Khaldoun, grand sociologue et historien, a écrit son discours sur l’histoire universelle en arabe ; Jean El Mouhoub et Marguerite Taos Amrouche et leur mère Fadhma Aït Mansour, Mouloud Feraoun, Mouloud Mammeri, Kateb Yacine et Tahar Djaout, pour ne citer que ceux-là, car la liste est longue, étaient des écrivains et poètes d’expression française.
Une référence nommée Mammeri
Après cette traversée de l’histoire de la culture du peuple berbère, Ali Sayad entre dans une autres phase concernant cette fois-ci directement Dda l’Mouloud Mammeri. Il dira de lui que son destin est exceptionnel. Né dans une famille relativement aisée, d’un père mort centenaire (1871/1972), plus artisan que paysan, détenteur du savoir traditionnel et de la parole publique. L’hadj Salem At-Maâmmer était l’avant-dernier tenant de la “Tamousni”, il maintenait active et énergique la mémoire séculaire des Aït Yenni et de la Kabylie. De plus, sa qualité d’amin (maire) de Taourirt-Mimoun, son village, faisait de lui la mémorisation des faits, coutumes et jugements des valeurs et du capital symbolique, de patrimoine culturel oral, de la geste fondatrice des villages Yennis et alentours. L’hadj Salem était “la tradition faite homme”.
Ajouté à ce climat plus que favorable à l’épanouissement du jeune Mouloud l’auteur dira qu’il était un témoin privilégié de son père et de son oncle, Iwennas At-Maâmmer, alors précepteur de la maison royale au Maroc. Il a reçu ainsi en gage ce sens élevé d’une culture hautement idéaliste.
La trajectoire commençait au lycée de rabat, au Maroc des années trente (1930) où se croisaient les langues de promotion culturelle et de mobilité sociale que sont le français, le grec, le latin et aussi l’arabe, diffusées par le lycée et les langues affectives du quotidien, porteuses d’émotion, de plaisir et de peine, transmises par la famille et la rue. Se posait alors pour lui, et pour les gens de sa génération, le problème des rapports entre la spécifité et l’universalité. Le jeune homme qu’il était en 1938 concluait dans “la société berbère” : “Mon passage de la culture berbère a un genre de vie qui je crois en est radicalement différent a été ce dont il fallait avec douleur m’arracher après l’avoir longtemps chéri, c’est-à-dire tout le stock de vérités que l’on m’avait inculquées et dont j’étais forcé de reconnaître la fausseté ou le leurre”.
Avec sa double formation administrative et universitaire, il enseigna à l’université, en France notamment. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages de recherche et de littérature. A l’exemple du Premier agenda berbère en 1982, Le bulletin d’études berbères, La Narratrice, La rage dedans... Ali Sayad est aussi l’un des premiers à avoir codifié la langue berbère avec feu Mouloud Mammeri. Il a passé un certain nombre d’années dans les Aurès, le Hoggar et diverses contrées du Sud. Durant plus de 3 heures et sous le thème plus que significatif, “Le défricheur du savoir”, le conférencier dévoila à l’assistance composée en grande majorité de jeunes étudiants et autres invités de marque, à l’image du grand chanteur Amour Abdenour, du président d’APC de la localité et d’un groupe d’invités venus spécialement d’Alger pour prendre part à cet événement, les différentes phases de la vie de cette grande figure de la culture et littérature algériennes qu’est Dda l’Mouloud Mammeri.
Le fait Amazigh
Il commença par expliquer longuement comment est née la langue berbère en disant que l’écriture, porte la marque tragique de la ténacité de l’homme de durer en transmettant après lui la trace de son passage. La pierre et les parois rocheuses, les tablettes d’argile et la cire, le tissu végétal arraché à l’arbre, le liber ou les rouleaux de papyrus, la peau et l’omoplate d’animaux... en étaient les supports, en sont les premiers témoins.
L’homme amazigh, qui signifie en berbère homme libre, nom que se donnent les anciens habitants de l’Afrique du Nord et ceux, parmi eux demeurés encore berbérophones, a été le premier, ou tout le moins l’un des premiers à détenir un système d’écriture alphabétique, signalé de son temps par Hérodote sous le nom de libyque, et désigné aujourd’hui alphabet tifinagh, les Imazighen à part des inscriptions magico-religieuse gravées sur des stèles, des amulettes pour se protéger de tout malheur qui pourrait arriver, ou de courts messages laissés sur des parois rocheuses pour signaler leur marche d’un pâturage à l’autre, n’ont pas éprouvé le besoin de produire une littérature écrite : ils savent d’expérience le destin qui frappe les hommes et l’avenir réservé aux livres. C’est Sainte Beuve qui écrivait : “Le sort des hommes est ceci : beaucoup d’appelés, peu d’élus. Le sort des livres, le voici : beaucoup d’épelés, peu de lus”. Aux textes littéraires écrits, l’Amazigh leur préfère la production d’une littérature orale en prose ou en vers, exprimée dans une langue différente de celle pratiquée au quotidien. Ceci dit, que l’écrit est destiné au lecteur de l’extérieur qui a une vision égocentrique de la culture. Chez les Amazighs, l’identité n’est pas présentée par la différence à l’autre mais par son identité même : “Je suis plus moi-même en tant que je suis identique à moi-même car qui a peur de perdre son identité l’a déjà perdue”, dit de lui le poète et compositeur kabyle Cherif Kheddam. Lorsque l’écrivain amazigh écrit dans une langue étrangère, il reste profondément amazigh et ne perd pas son identité, il enrichit la culture universelle par son expérience et sa vision du monde, sa participation à la vérité. Il cite a titre d’exemple l’agronome Magon qui a écrit son encyclopédie agronomique en punique ; le roi Juba II a rédigé son Libyca— histoire du peuple amazigh— en grec ; Ibn Khaldoun, grand sociologue et historien, a écrit son discours sur l’histoire universelle en arabe ; Jean El Mouhoub et Marguerite Taos Amrouche et leur mère Fadhma Aït Mansour, Mouloud Feraoun, Mouloud Mammeri, Kateb Yacine et Tahar Djaout, pour ne citer que ceux-là, car la liste est longue, étaient des écrivains et poètes d’expression française.
Une référence nommée Mammeri
Après cette traversée de l’histoire de la culture du peuple berbère, Ali Sayad entre dans une autres phase concernant cette fois-ci directement Dda l’Mouloud Mammeri. Il dira de lui que son destin est exceptionnel. Né dans une famille relativement aisée, d’un père mort centenaire (1871/1972), plus artisan que paysan, détenteur du savoir traditionnel et de la parole publique. L’hadj Salem At-Maâmmer était l’avant-dernier tenant de la “Tamousni”, il maintenait active et énergique la mémoire séculaire des Aït Yenni et de la Kabylie. De plus, sa qualité d’amin (maire) de Taourirt-Mimoun, son village, faisait de lui la mémorisation des faits, coutumes et jugements des valeurs et du capital symbolique, de patrimoine culturel oral, de la geste fondatrice des villages Yennis et alentours. L’hadj Salem était “la tradition faite homme”.
Ajouté à ce climat plus que favorable à l’épanouissement du jeune Mouloud l’auteur dira qu’il était un témoin privilégié de son père et de son oncle, Iwennas At-Maâmmer, alors précepteur de la maison royale au Maroc. Il a reçu ainsi en gage ce sens élevé d’une culture hautement idéaliste.
La trajectoire commençait au lycée de rabat, au Maroc des années trente (1930) où se croisaient les langues de promotion culturelle et de mobilité sociale que sont le français, le grec, le latin et aussi l’arabe, diffusées par le lycée et les langues affectives du quotidien, porteuses d’émotion, de plaisir et de peine, transmises par la famille et la rue. Se posait alors pour lui, et pour les gens de sa génération, le problème des rapports entre la spécifité et l’universalité. Le jeune homme qu’il était en 1938 concluait dans “la société berbère” : “Mon passage de la culture berbère a un genre de vie qui je crois en est radicalement différent a été ce dont il fallait avec douleur m’arracher après l’avoir longtemps chéri, c’est-à-dire tout le stock de vérités que l’on m’avait inculquées et dont j’étais forcé de reconnaître la fausseté ou le leurre”.
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