La chute du vingtième gouvernement français, celui de Félix Gaillard, le 15 avril 1958, a causé indubitablement la mort de la IVème République. Bien que cet événement n’ait rien à voir avec l’Algérie actuelle, il n’en demeure pas moins qu’à l’époque la sédition s’était faite exclusivement en son nom.
En effet, la manifestation du 13 mai 1958, à Alger, réunissant les ultras et les paras, a eu raison d’un régime chancelant ne pouvant écraser le mouvement algérien lancé en novembre 1954, pensaient-ils. Son agonie, en tout cas, n’a duré que trois semaines. Par ailleurs, la chute de la IVème république a eu des causes immédiates et d’autres lointaines. Depuis le début de la colonisation, les colons s’inscrivaient en faux avec tout gouvernement essayant de montrer une quelconque indulgence envers les Algériens. La chute de la république précédente avait provoqué une joie indescriptible auprès des colons. Et Pétain était considéré comme le chef qui allait les débarrasser de la gauche réformiste et des Algériens qui ne cessaient de demander à être citoyens à part entière. Toutefois, en mai 1958, le président René Coty a commis, selon les colons, l’erreur de désigner Pierre Pflimlin, député MRP (mouvement républicain populaire), à la tête du conseil. Bien qu’il ne soit pas partisan de l’indépendance de l’Algérie, Pflimlin avait osé déclarer précédemment qu’une discussion avec les Algériens était possible. Cette assertion n’était bien sûr ni du goût des militaires, ni des colons. A cet imbroglio, on peut ajouter les gaullistes qui planifiaient, sans vergogne, le retour du général. Mais quel était alors le poids de chaque tendance ?
Rapport entre l’armée et le conseil français
Engagée dans les guerres coloniales (en Indochine et en Algérie), l’armée française a perdu contact avec la métropole, selon l’historien Yves Courrière. En outre, l’instabilité du régime des partis l’a contrainte à s’immiscer davantage dans le conflit politique. En effet, il n’est un secret de polichinelle que l’armée française détenait tous les pouvoirs -militaire et civil- bien avant le 13 mai 1958, en Algérie. L’auteur de l’agonie de la IVème république, Michel Winock, en analysant les causes du 13 mai 1958, a noté à juste titre que : «Bien avant le 13 mai 1958, un slogan jaillit des manifestations de rue en Algérie : l’armée au pouvoir. Si l’armée proprement dite n’a pas été à l’origine directe du coup de force, il est évident que, sans elle, le 13 mai et ses suites n’auraient pas eu lieu». Pour étayer cette thèse, au moins quatre événements peuvent la corroborer. Il y avait d’abord la piraterie aérienne du 22 octobre 1956. Ce jour-là, l’avion qui transportait la délégation extérieure du FLN a été détourné par des militaires français sans que le gouvernement de Guy Mollet ait la moindre connaissance. Il y avait ensuite l’incursion des avions français, le 8 février 1958, dans le territoire tunisien sans prévenir le pouvoir politique. Le bombardement du village Sakhiet Sidi Youssef a soulevé l’indignation de la communauté internationale. Ceci a conduit les alliés Anglais et Américains à proposer leurs bons offices au lieu d’un soutien indéfectible auquel la France était habituée. Cependant, le rubican a été franchi, en mai 1958, avec la prise en main du comité de salut public présidé par un général et la préparation d’une opération militaire appelée «résurrection». Celle-ci consistait à renverser tout gouvernement qui ne portait pas à sa tête le général de Gaulle. Dans ses Mémoires, le général Salan, cité par Winock, dit avoir confié le plan résurrection, en métropole, au général Miquel de Toulouse : «l’opération résurrection est parée et se déclenchera sur mon ordre dans les cas suivants : sur appel personnel du général de Gaulle ; au cas où le général de Gaulle ne pourrait pas former un gouvernement de salut républicain ; en cas d’urgence devant une insurrection communiste.» Etait-ce une coïncidence ou une inspiration d’un mouvement similaire qui a eu lieu, peu ou proue, dans les mêmes circonstances 22 ans plus tôt, en Espagne. En effet, cette opération ressemblait au putsch du 13 juillet 1936 ayant porté à la tête de l’Etat espagnol le dictateur Franco. Le coup, pour rappel, était parti du Maroc espagnol (région de Melilla, Ceuta, Tétouan et Tanger), dirigé par des colonels factieux contre le gouvernement madrilène. La comparaison s’arrête là car de Gaulle n’avait pas les mêmes acceptions de la république que Franco. Mais il faut aussi dire que du coté de l’armée, les conditions étaient réunies pour qu’un tel coup soit réédité. Cependant, en citant les coups de force que la France a connus dans le passé, M. Winock a décrit ceux qui avaient échoué (en 1899 et 1936) et a ajouté : «Or, en 1958, pour la pour la première fois de son histoire depuis Louis Napoléon Bonaparte, l’armée intervient sur la scène politique pour en devenir un des principaux acteurs, comme une république branlante d’Amérique latine.»
L’influence des colons sur la politique française en Algérie
Le 13 mai a été derechef une confirmation que les colons pouvaient influer sur le choix de Paris. A Alger, les associations dites patriotiques détenaient la réalité du pouvoir. Les moyens dont elles disposaient les rendaient incontournables dans la vie politique française. En 1947, une caisse (taxes obligatoires pour les colons possédant des fermes) a été créée pour que les députés aient des moyens de combattre le statut de l’Algérie. Selon Courrière : «en 1956, devant l’ampleur prise par la rébellion le fonds s’est considérablement développé.» Le président du conseil, Guy Mollet, a eu à le vérifier dans sa visite du 6 février 1956. Le but de sa visite était la nomination du général Catroux comme gouverneur général. Arrivé à Alger, les associations patriotiques l’ont accueilli avec les jets de tomate et des _ufs pourris. Une fois l’agitation passée, Mollet a pris le téléphone pour informer personnellement le président Coty. Le général Catroux qui se trouvait à ce moment-là à l’Elysée, d’après Christophe Nick, a tout entendu. Le soir même, le général Catroux a annoncé sa démission. Pour Michel Winock : «c’est alors que se produit l’acte le plus lourd de conséquence : Mollet accepte la démission de Catroux. L’autorité de l’Etat est bafouée.» Cette victoire était une preuve, s’il en fallait une autre pour les colons, que le président du conseil, quel qu’il soit, n’aurait pas fait de poids à leurs associations. Un autre groupe, moins fort mais bien organisé, a fait son entrée sur la scène algéroise : les gaullistes. En effet, en1958, le ministre de la défense, Chaban Delmas, a créé une antenne à Alger. Ce gaulliste convaincu a voulu s’informer de tout ce qui se tramait, sur place, par ses proches collaborateurs. Mais pour que de Gaulle ait la chance de revenir aux responsabilités, il fallait faire des alliances. L’alliance a été conclue avec les activistes d’Alger pour former le comité de vigilance. Car à l’époque, comme l’a expliqué Christophe Nick : «Gaullistes et extrême droite ne forment qu’une seule famille : les nationaux. Leur but est le renversement de la IVème république». Le 26 avril a eu lieu la répétition générale. Selon Courrière : «pour la première fois le comité de vigilance va aligner ses troupes et Pouget demander à ses potes léopards de lui prêter la main.» Le 13 mai, les activistes ont réuni leurs troupes. Le siège du gouvernement général a été pris d’assaut sans qu’une quelconque résistance leur soit opposée. Le soir du 13, le comité de vigilance s’est transformé en comité de salut public présidé par le général Massu.
En effet, la manifestation du 13 mai 1958, à Alger, réunissant les ultras et les paras, a eu raison d’un régime chancelant ne pouvant écraser le mouvement algérien lancé en novembre 1954, pensaient-ils. Son agonie, en tout cas, n’a duré que trois semaines. Par ailleurs, la chute de la IVème république a eu des causes immédiates et d’autres lointaines. Depuis le début de la colonisation, les colons s’inscrivaient en faux avec tout gouvernement essayant de montrer une quelconque indulgence envers les Algériens. La chute de la république précédente avait provoqué une joie indescriptible auprès des colons. Et Pétain était considéré comme le chef qui allait les débarrasser de la gauche réformiste et des Algériens qui ne cessaient de demander à être citoyens à part entière. Toutefois, en mai 1958, le président René Coty a commis, selon les colons, l’erreur de désigner Pierre Pflimlin, député MRP (mouvement républicain populaire), à la tête du conseil. Bien qu’il ne soit pas partisan de l’indépendance de l’Algérie, Pflimlin avait osé déclarer précédemment qu’une discussion avec les Algériens était possible. Cette assertion n’était bien sûr ni du goût des militaires, ni des colons. A cet imbroglio, on peut ajouter les gaullistes qui planifiaient, sans vergogne, le retour du général. Mais quel était alors le poids de chaque tendance ?
Rapport entre l’armée et le conseil français
Engagée dans les guerres coloniales (en Indochine et en Algérie), l’armée française a perdu contact avec la métropole, selon l’historien Yves Courrière. En outre, l’instabilité du régime des partis l’a contrainte à s’immiscer davantage dans le conflit politique. En effet, il n’est un secret de polichinelle que l’armée française détenait tous les pouvoirs -militaire et civil- bien avant le 13 mai 1958, en Algérie. L’auteur de l’agonie de la IVème république, Michel Winock, en analysant les causes du 13 mai 1958, a noté à juste titre que : «Bien avant le 13 mai 1958, un slogan jaillit des manifestations de rue en Algérie : l’armée au pouvoir. Si l’armée proprement dite n’a pas été à l’origine directe du coup de force, il est évident que, sans elle, le 13 mai et ses suites n’auraient pas eu lieu». Pour étayer cette thèse, au moins quatre événements peuvent la corroborer. Il y avait d’abord la piraterie aérienne du 22 octobre 1956. Ce jour-là, l’avion qui transportait la délégation extérieure du FLN a été détourné par des militaires français sans que le gouvernement de Guy Mollet ait la moindre connaissance. Il y avait ensuite l’incursion des avions français, le 8 février 1958, dans le territoire tunisien sans prévenir le pouvoir politique. Le bombardement du village Sakhiet Sidi Youssef a soulevé l’indignation de la communauté internationale. Ceci a conduit les alliés Anglais et Américains à proposer leurs bons offices au lieu d’un soutien indéfectible auquel la France était habituée. Cependant, le rubican a été franchi, en mai 1958, avec la prise en main du comité de salut public présidé par un général et la préparation d’une opération militaire appelée «résurrection». Celle-ci consistait à renverser tout gouvernement qui ne portait pas à sa tête le général de Gaulle. Dans ses Mémoires, le général Salan, cité par Winock, dit avoir confié le plan résurrection, en métropole, au général Miquel de Toulouse : «l’opération résurrection est parée et se déclenchera sur mon ordre dans les cas suivants : sur appel personnel du général de Gaulle ; au cas où le général de Gaulle ne pourrait pas former un gouvernement de salut républicain ; en cas d’urgence devant une insurrection communiste.» Etait-ce une coïncidence ou une inspiration d’un mouvement similaire qui a eu lieu, peu ou proue, dans les mêmes circonstances 22 ans plus tôt, en Espagne. En effet, cette opération ressemblait au putsch du 13 juillet 1936 ayant porté à la tête de l’Etat espagnol le dictateur Franco. Le coup, pour rappel, était parti du Maroc espagnol (région de Melilla, Ceuta, Tétouan et Tanger), dirigé par des colonels factieux contre le gouvernement madrilène. La comparaison s’arrête là car de Gaulle n’avait pas les mêmes acceptions de la république que Franco. Mais il faut aussi dire que du coté de l’armée, les conditions étaient réunies pour qu’un tel coup soit réédité. Cependant, en citant les coups de force que la France a connus dans le passé, M. Winock a décrit ceux qui avaient échoué (en 1899 et 1936) et a ajouté : «Or, en 1958, pour la pour la première fois de son histoire depuis Louis Napoléon Bonaparte, l’armée intervient sur la scène politique pour en devenir un des principaux acteurs, comme une république branlante d’Amérique latine.»
L’influence des colons sur la politique française en Algérie
Le 13 mai a été derechef une confirmation que les colons pouvaient influer sur le choix de Paris. A Alger, les associations dites patriotiques détenaient la réalité du pouvoir. Les moyens dont elles disposaient les rendaient incontournables dans la vie politique française. En 1947, une caisse (taxes obligatoires pour les colons possédant des fermes) a été créée pour que les députés aient des moyens de combattre le statut de l’Algérie. Selon Courrière : «en 1956, devant l’ampleur prise par la rébellion le fonds s’est considérablement développé.» Le président du conseil, Guy Mollet, a eu à le vérifier dans sa visite du 6 février 1956. Le but de sa visite était la nomination du général Catroux comme gouverneur général. Arrivé à Alger, les associations patriotiques l’ont accueilli avec les jets de tomate et des _ufs pourris. Une fois l’agitation passée, Mollet a pris le téléphone pour informer personnellement le président Coty. Le général Catroux qui se trouvait à ce moment-là à l’Elysée, d’après Christophe Nick, a tout entendu. Le soir même, le général Catroux a annoncé sa démission. Pour Michel Winock : «c’est alors que se produit l’acte le plus lourd de conséquence : Mollet accepte la démission de Catroux. L’autorité de l’Etat est bafouée.» Cette victoire était une preuve, s’il en fallait une autre pour les colons, que le président du conseil, quel qu’il soit, n’aurait pas fait de poids à leurs associations. Un autre groupe, moins fort mais bien organisé, a fait son entrée sur la scène algéroise : les gaullistes. En effet, en1958, le ministre de la défense, Chaban Delmas, a créé une antenne à Alger. Ce gaulliste convaincu a voulu s’informer de tout ce qui se tramait, sur place, par ses proches collaborateurs. Mais pour que de Gaulle ait la chance de revenir aux responsabilités, il fallait faire des alliances. L’alliance a été conclue avec les activistes d’Alger pour former le comité de vigilance. Car à l’époque, comme l’a expliqué Christophe Nick : «Gaullistes et extrême droite ne forment qu’une seule famille : les nationaux. Leur but est le renversement de la IVème république». Le 26 avril a eu lieu la répétition générale. Selon Courrière : «pour la première fois le comité de vigilance va aligner ses troupes et Pouget demander à ses potes léopards de lui prêter la main.» Le 13 mai, les activistes ont réuni leurs troupes. Le siège du gouvernement général a été pris d’assaut sans qu’une quelconque résistance leur soit opposée. Le soir du 13, le comité de vigilance s’est transformé en comité de salut public présidé par le général Massu.
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