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Pour la sauvegarde du patrimoine matériel et immatériel Amazigh

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  • Pour la sauvegarde du patrimoine matériel et immatériel Amazigh

    En dépit du fait que l’Etat algérien se soit doté d’une panoplie de textes législatifs pour la sauvegarde du patrimoine culturel et le classement par l’Unesco de plusieurs de ses sites et monuments au patrimoine universel tels que Kalaâ Beni Hammad (1980), Djemila, Tipasa, Timgad, Tassili en (1984) et enfin La Casbah d’Alger (1992) pour le patrimoine matériel, le Ahellil du Gourara (2005) pour l’immatériel, ce patrimoine n’est pas pour autant sauvegardé et valorisé. Il reste sous la menace de la destruction, voire de disparition. Cette dernière touche plus le patrimoine immatériel amazigh.

    La prise de conscience quant à l’importance du patrimoine culturel a commencé en Europe avec les voyageurs animés par l’esprit de la collection des objets et œuvres d’art. “C’est en 1666 qu’apparaît en Suède la première loi de recensement et de protection des monuments et sites”, note Betrouni en 2000. Mais c’est après la Deuxième Guerre mondiale en 1945 avec la naissance de l’Unesco que la mondialisation de la notion du patrimoine s’est faite. La première liste mondiale du patrimoine culturel matériel fut établie pour la première fois en 1972. A l’indépendance de l’Algérie, en 1962, par la loi 62-157 du 31 décembre, l’Etat reconduisait la législation française applicable aux monuments historiques.

    En décembre 1967, le pays promulgue le premier texte, l’ordonnance 67-281(138 articles) relatives aux fouilles et à la protection des sites et monuments historiques et naturels.

    Longtemps, le patrimoine culturel était vu sous un seul angle, celui du patrimoine matériel. En Algérie, jusqu'à 1988 seul le patrimoine matériel était concerné par la protection. Ainsi, on écarte de cette vision réduite du patrimoine qui ne prend en considération que le côté visible et naturel, on l’élargit et désormais les biens immatériels qui sont le produit de manifestations sociales, culturelles individuelles et collectives, dont la langue de transmission comprise, sont pris en considération par les textes juridiques. L’Algérie est quelque peu en avance en matière de textes relatifs à la protection du patrimoine culturel. Elle a adhéré et ratifié par décret présidentiel n°4-27 la convention de l’Unesco pour la protection du patrimoine culturel matériel et immatériel en mars 2004.

    Le patrimoine culturel matériel et immatériel est un bien commun légué par un individu, un groupe social ou un peuple aux générations présentes et futures. Il est constamment recréé et constitue le fondement de toute identité d’un peuple ou d’une nation.

    Patrimoine matériel

    Le patrimoine matériel comprend les biens culturels immobiliers (les monuments historiques, les sites archéologiques et les secteurs urbains ou ruraux tels que La Casbah, médinas, ksours, et villages traditionnels) et les biens culturels mobiliers tels que les objets archéologiques, les biens d’intérêts artistiques (peinture, gravures sculptures, objets d’arts…) et les archives sous toutes leurs formes (textuelles, iconographiques, photographiques, cinématographiques et audiovisuelles).

    Le patrimoine urbain et architectural par exemple est un héritage culturel légué par les générations précédentes. Il est chargé d’histoire et a acquis une valeur symbolique. Ainsi il sert de support à la mémoire collective et de repère par rapport au passé. Ce patrimoine garde aussi une valeur d’usage lorsqu’il est bien utilisé que ce soit dans son usage original ou un autre usage approprié. Il est aussi une valeur économique : sa fréquentation touristique et son attraction génèrent une rente.

    L’occupation continue des sites et la reprise économique ont fait qu’on a remplacé le vieux avec du neuf plus rentable. Aujourd’hui, seuls les édifices à usage adaptés sont sauvegardés à l’exemple du palais le Prado (Bardo) pour ne citer que celui-là, devenu musée Bardo…

    L’usage qu’on affecte à ce patrimoine architectural est donc primordial pour sa sauvegarde et sa valorisation comme l’écrivait T.Gerroudj : "La valorisation de ce patrimoine concerne la partie héritée, qui peut rester en l’état ou qui justifie une réhabilitation pour maintenir ou accroître la valeur d’usage".[1]

    Comment peut-on sauvegarder et valoriser ce patrimoine ?

    La sauvegarde et la valorisation du patrimoine archéologique, qui comprend les sites archéologiques, les découvertes, collections et objets divers issus des fouilles archéologiques nécessitent non seulement de gros moyens humains et matériel mais aussi une volonté politique fondé sur une vraie politique de sauvegarde du patrimoine, donc de l’identité nationale.

    Ce patrimoine doit être réhabilité et valorisé selon une autre vision qui tiendrait compte de la place de l’objet archéologique dans la société et non dans une place figé sans âme muséographique.

    Beaucoup de sites et monuments archéologiques sont donc menacés de dégradation et de destruction — quelques fois de disparition — et leur sauvegarde nécessite avant tout un ensemble d’opérations successives à mener, à savoir inventorier, étudier, protéger, conserver et enfin promouvoir.

    I) Inventorier

    Pour prévenir les menaces qui pèsent sur les sites et vestiges archéologiques et assurer la gestion de la recherche le travail préliminaire à mener est le recensement. Ce travail systématique consiste à collecter et gérer l’information et la documentation archéologique textuelles, iconographiques et photographiques, cela, au moins dans le but de constituer une carte archéologique.

    1-Archives

    Ce travail de recensement commence au niveau des archives où doivent être collectés les informations d’ordre textuelles, historiques et archéologiques.


    2-Etude des cadastres des communes

    -Etude de la toponymie : les noms des lieus nous permettent la découverte de sites archéologiques à l’exemple de Tala Urumi en Kabylie qui devait être à l’origine une fontaine berbèro-romaine.

    - Etude d’anomalie parcellaire : quelque fois, une parcelle de forme bizarre par exemple ayant la forme d’un ‘‘L’’ peut être un ancien chemin, et “un chemin mène toujours quelques part”, dit-on, et souvent une investigation en ce lieu peut conduire à la découverte d’un site archéologique.

    3-Investigation sur le terrain

    Ce travail permet la collecte d’informations auprès des gens et propriétaires de terrains ayant suscité un intérêt dans le domaine.

    4-Prospections des sols

    La prospection des sols permet l’identification des entrefacts et par là même la collecte de matériels archéologiques (tessons et autres objets).

    5-Spacialisation du site

    Cette opération consiste à localiser le site sur une carte IGN 1/25000 de la région et de relever les coordonnées du site ainsi que son altitude.

    6-photos

    Photographier le site ou l’objet (photos d’ensemble et détails).

    7-prospection aérienne

    Cette opération consiste à prendre des photos aériennes (100 à 200 m d’altitude) du site ciblé. Cette technique de prospection donne de très bons résultats. Ainsi, si sur un site une construction antique enfouie sous terre à un mètre ou deux et que les champs sont cultivés de blé, les fondations de la construction sont matérialisées sur la photo aérienne sous forme de couleurs. La couleur du blé qui a poussé sur les fondations serait différente de celle du blé qui a poussé là où le mur n’est plus.

    8-constitution d’une fiche


    Toutes les informations collectées lors des opérations précédentes sont regroupées dans une seule fiche.

    II) Etudier

    Le service archéologique prépare la programmation de la recherche de terrain puis assure le contrôle scientifique et le suivi des fouilles autorisées. Les archéologues de l’équipe mènent les études relatives aux fouilles qu’ils ont réalisées.


    II) Protéger


    La protection des monuments et des vestiges doit être le souci constant du service qui est chargé de veiller à l’application de la législation et de la réglementation sur les fouilles et découvertes archéologiques. Le service assure le contrôle et l’utilisation du sol et du sous-sol en construisant les dossiers d’études d’impacts relatifs aux aménagements urbain et ruraux, aux carrières et aux permis de construire. Il assure aussi la protection matérielle des vestiges et des sites archéologiques ainsi que leur protection juridique en liaison avec la conservation des monuments historiques.

    IV) Conserver

    Le service assure et participe aux séances de programmation des travaux d’entretien et de restauration des sites inscrits ou classés patrimoine national ou universel. En collaboration avec les musées, il contrôle les dépôts des fouilles et met en œuvre une politique de conservation des collections.

    V) Promouvoir

    La promotion est le cinquième volet de cette mission de sauvegarde :

    -Le service organise à l’intention de la collectivité scientifiques des congrès, des colloques, des expositions et éventuellement des stages de formation.

    - A l’intention du large publique, le service organise des portes ouvertes au patrimoine (visites des chantiers de fouilles, conférences et expositions).

    - A l’intention du scolaire, il organise des classes patrimoines et des ateliers patrimoines.

    - Le service édite des publications sur les fouilles archéologiques et sur les principaux résultats de la recherche, des ouvrages pour le grand public, et il participe aussi à la réalisation de films, d’émissions de télévision et de radio.

  • #2
    Patrimoine culturel immatériel

    Le patrimoine culturel immatériel est défini ainsi dans la convention de l’Unesco en 2003 : ‘‘Le patrimoine culturel immatériel constitue un ensemble vivant et en perpétuelle récréation de pratiques, de savoirs et de représentations et permet aux individus et aux ombrageuses à tous les échelons de la société d’exprimer des manières de concevoir le monde à travers des systèmes de valeurs et des repères étiques’’.

    Ainsi, ce patrimoine se traduit à travers les domaines suivants :

    - Les traditions et expressions orales (proverbes, énigmes, contes, légendes, mythes, chants, poèmes…) y compris la langue comme vecteur et moyen de transmission de ce patrimoine.

    - Les arts du spectacle comme la musique, la danse et le théâtre traditionnel.

    - Les pratiques sociales, rituels et événements festifs.

    - Les connaissances et pratiques relatives à la nature et l’univers.

    - Les savoirs-faire liés à l’artisanat traditionnel.

    Néanmoins, ces domaines par lesquels se manifeste ce patrimoine immatériel n’ont pas de frontières définies. De différents types d’expressions telles que la danse, le chant et le théâtre se retrouvent souvent ensemble dans un même rituel ou carnaval ou cérémonie à l’exemple de Yennayer avec le carnaval d’Ayrad ou la cérémonie de l’Ahellil de Gourara où l’on retrouve chant, danse et poésie combinés.

    Ce legs patrimonial qui est à la fois traditionnel et vivant et dont l’esprit humain étant le principal dépositaire est donc constamment recrée et transmis oralement dans la plupart des cas. Dans les sociétés traditionnelles ce patrimoine transmis oralement subissait constamment une censure sociale active par l’oubli qui laisse place à la création. Mourad Yelles[2] écrivait : ‘‘L’oubli permet d’opérer une sorte de tri permanent à l’intérieur du fond sans cesse accru d’éléments culturels. Il joue un rôle important dans l’évolution du stock imaginaire et réajuste l’offre et la demande symboliques en élaguant les pratiques où les représentations devenues caduques pour ne retenir que celles qui présentent une fonctionnalité et une pertinence suffisante aux yeux des acteurs sociaux. Dans le même temps où ils oublient les sociétés traditionnelles innovent’’. Ainsi, le patrimoine culturel immatériel se recrée, reste vivant et fonctionnel.

    Si dans les sociétés traditionnelles, ce patrimoine était sauvegardé naturellement, par contre dans les sociétés modernes du XXIe siècle celui-ci se trouve menacé de disparition.

    La mondialisation de l’économie, la destruction des organisations socio-économiques des sociétés traditionnelles, l’industrialisation rapide, les migrations massives, la destructuration des familles élargies, les changements touchant à l’environnement, les médias, la télévision, l’internet(qui offre d’autres loisirs) mettent aujourd’hui sérieusement en péril le patrimoine immatériel car tous ces éléments portent atteinte à la chaîne naturelle de sa transmission et par conséquent à sa fonctionnalité dans la société.

    C’est le domaine des traditions et expressions orales, y compris les langues comme principal vecteur de son expansion, qui se trouve le plus menacé. La langue berbère par exemple, est mieux conservée dans les traditions et les expressions orales que dans n’importe quel volumineux dictionnaire, et la disparition de l’un entraînera inévitablement la disparution de l’autre. C’est pourquoi ces deux éléments (langue et expressions orales) doivent être le souci d’une même mission de sauvegarde. Et l’unique colloque sur le patrimoine culturel Amazigh organisé en Algérie en 2005, à Béjaïa par le HCA visait à alerter les pouvoirs publics algériens sur les dangers que court le patrimoine immatériel amazigh.

    Comment peut-on faire vivre encore ce patrimoine immatériel amazigh ?

    Sauvegarder ce patrimoine amazigh consiste avant tout à dresser un inventaire afin de constituer un corpus et une banque de données tout en utilisant des moyens appropriés et des méthodes scientifiques (anthropologique et ethnologiques) pour la collecte, la transcription, l’identification et la classification. Ensuite tous les matériaux collectés seront soumis à une étude scientifique dans le but de bien prendre en charge ce patrimoine (conservation et valorisation). L’aspect le plus important de cette mission de sauvegarde est d’arriver à faire vivre ce patrimoine c'est-à-dire à préserver sa fonction sociale dans la vie quotidienne ou lors d’événements festifs ou création de nouveaux contextes tels que les festivals.

    La sauvegarde de ce patrimoine œuvre de l’esprit humain est de plus en plus difficile quand on sait combien ce patrimoine est lié même à la personne humaine laquelle est vulnérable dans ce monde d’aliénation et de déni identitaire.

    De plus les mesures juridiques de sauvegarde sont insuffisantes pour bien mener la mission de sauvegarde de ce patrimoine. Abdellah Bendaoud, juriste au musée de Tipaza écrivait : “La sauvegarde institutionnalisée et aménagée à travers des dispositions législatives ou réglementaires n’est pas à elle seule suffisante pour aboutir à un résultat probant car le bien patrimonial est et demeure celui dans lequel les personnes doivent se reconnaître à titre individuel et collectif ; ils doivent le considérer à la fois significatif de leur passé mais aussi précieux pour leur avenir et en conséquence sa protection leur incombe’’.[3]

    La sauvegarde de ce patrimoine dépendra non seulement de la volonté politique de l’Etat à le prendre en charge mais aussi de la volonté de ses dépositaires à reconnaître et à assumer leur identité culturelle.

    Conclusion

    Pour conclure, ce patrimoine culturel transmis de générations en générations oralement ou par tradition recréée constamment par les communautés et les groupes sociaux selon leur milieu et leur histoire en interaction avec la nature procure un sentiment d’identité et contribue à la créativité humaine. Sa non préservation et sa non valorisation conduiraient à mettre en péril la créativité continue de l’homme.

    La prise en charge et la valorisation de ce patrimoine culturel serait sans doute une source d’économie non négligeable pour tout le pays.

    Ainsi, le secteur du tourisme se développerait et créerait à son tour des milliers de postes d’emplois pour ces nombreux jeunes chômeurs et procurerait de la joie de vivre en Algérie.

    Ainsi, personne ne s’identifiera à un oriental ou à un Occidental et surtout personne ne serait tenté de traverser la mer au péril de sa vie comme le font chaque jour ces milliers de malheureux harragas.

    Bibliographie :

    Actes de la table ronde, 1979, Littérature orale, OPU, Alger.

    Actes du colloque, 2002, Tamazight face aux défis de la modernité, HCA.

    Actes du colloque, 2005, Le patrimoine culturel immatériel amazigh : le processus d’inventaire, HCA.

    Actes du colloque, 2007, Le libyco berbère ou le tifinagh, HCA.

    Agence nationale d’archéologie, 1988, Recueil législatif sur l’archéologie, la protection des sites, des musées et des monuments historiques, Alger.

    Dejeux Jean, 1983, La poésie algérienne de 1830 à nos jours, Paris, Publisud, Alger.

    Eveno P et Planchais J , 1990, La guerre d’Algérie, dossiers et témoignages, Laphomic Paris.

    Feraoun Mouloud, 1960, Les isefra de Si Mouhend ou Mhend, Editions Minuit, Paris

    -http://www.comnat-unesco.dz

    Insaniyat, 2000, Patrimoine en question, CRASC

    Lacoste Dujardin Camille, 1970, Le conte Kabyle, étude ethnologique, La Découverte, Paris.

    Mammeri Mouloud, 1969, Les Isefra de Si Mouhend ou Mhend, François Maspero, Paris.

    Mammeri Mouloud, 1988, Poèmes Kabyles anciens, Laphomic Alger.

    Mammeri Mouloud, 1990 , Yenna-yas Ccix Muhend, Edité à compte d’auteur.

    Nacib Youssef, 1982, Eléments sur la tradition orale, SNED Alger.

    Nacib Youssef, 1993, Anthologie de la Poésie kabyle, Andalouses Alger.

    Par Ramdane Lasheb, la Dépêche de Kabylie

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