Conflit israélo-arabe vu par Avraham Burg, président de la Knesset de mai 1999 à janvier 2003: «Israël va droit au mur»
«Faire de cet Etat l'instrument de notre rédemption collective, tout en nous acharnant à le définir comme démocratique, ce n'est pas seulement impossible, c'est de la dynamite», a déclaré l'ancien président de la Knesset, Avraham Burg qui estime, sans complexe, que «la loi du Retour est le reflet de la doctrine d'Hitler».
La commémoration du 60ème anniversaire de la création de l'Etat d'Israël ne se fait pas sans que de nouvelles voix juives ne s'élèvent pour dénoncer le terrorisme d'Etat qu'exerce Tel Aviv contre le peuple palestinien. Publié il y a quelques mois par le quotidien israélien Ha'Aretz, l'interview d'Avraham Burg, ancien président de la Knesset (parlement israélien), ne laisse pas indifférent. Les réponses de celui qui, de souche religieuse, a été sioniste durant une partie de sa carrière politique, remettent en cause l'existence même de l'Etat d'Israël sur la base de « cet échafaudage » qu'est le sionisme. A la question « le sionisme, c'est la foi en la création et la consolidation d'un Etat national juif et démocratique, avez-vous perdu cette foi ? Burg répond : « Dans sa définition actuelle, je ne partage plus cette foi. Pour moi, l'Etat d'Israël ne peut être qu'un moyen, pas une fin, car il est indifférent aux aspirations spirituelles et mystiques exprimées par la religion juive ». Il précise que « faire de cet Etat l'instrument de notre rédemption collective, tout en nous acharnant à le définir comme démocratique, ce n'est pas seulement impossible, c'est de la dynamite ». Alors, lui est-il demandé, faut-il amender la loi du Retour ? « Le tort de cette loi, elle est le reflet de la doctrine d'Hitler. Elle octroie la citoyenneté à toute personne née dans la diaspora et considérée comme juive selon la tradition religieuse orthodoxe, une définition reprise littéralement par les lois de Nuremberg », a-t-il dit, tout en affirmant que « je refuse de voir mon identité définie par Hitler. Nous devons vaincre Hitler ». Le parallèle entre l'Allemagne d'Hitler et Israël, l'ex-président de la Knesset l'explique ainsi : « je ne fais pas de la science exacte, mais cette analogie se fonde sur quelques éléments : un sentiment profond d'humiliation nationale, la conviction que le monde entier nous rejette et la centralité du militarisme dans notre identité. Voyez le rôle de tous ces officiers de réserve dans notre société. Voyez le nombre de civils armés dans nos rues. Voyez ce cri qui ne choque plus personne : Aravim ha' hutza ! (Les Arabes dehors !) ».
«Les Israéliens ne comprennent que la force»
Burg précise: « ce n'est pas par hasard que je fais des comparaisons avec l'Allemagne (...). Ce qu'ils nous ont infligé pendant douze ans exige que nous ayons un glaive effilé et qui résiste à l'épreuve du temps. La clôture (le mur) de séparation est une clôture contre notre paranoïa. (...) C'est pathétique. Ce n'est pas seulement un acte de divorce, c'est aussi un acte de xénophobie. (...) ».
Mais avant, il va plus loin dans sa vision « antisioniste » qu'il développe. « Le sionisme de confrontation vit ses dernières heures. Notre sionisme de confrontation contre le monde entier est en passe de nous mener au désastre ». Avraham Burg reprenait ainsi ce qu'il avait écrit dans son essai « Vaincre Hitler » et sur la base duquel cet interview a été réalisée. Enfant, dit-il, « j'étais un juif - dans l'acceptation populaire, israélienne et dénigrante du terme - un yehudon, un petit juif. (...). Mais, aujourd'hui, ça ne me suffit plus. Je suis davantage qu'un Israélien. La dimension israélienne de mon identité me coupe de mes deux autres dimensions, l'humaine et la juive ». Le journaliste israélien rebondit « ce qui vous permet de prononcer des paroles terribles à notre encontre ». Il lui répond « Mon livre est un livre d'amour et l'amour peut blesser. Je vois mon amour se faner sous mes yeux. Je vois ma société et mon pays se détruire ». Le journaliste lui rappelle ce qu'il avait écrit dans son essai : « les Israéliens ne comprennent que la force, Israël est un ghetto sioniste, un endroit violent qui n'a confiance qu'en lui-même ». Burg lui fait remarquer : « regardez ce qui s'est passé avec le Liban (la guerre de juillet 2006). Tout le monde a dû convenir que la force n'était pas une solution. Que disons-nous quand il s'agit de Gaza ? Que nous allons leur rentrer dedans, les éliminer. (...). Cette violence n'irrigue pas seulement les rapports entre nos deux nations, israélienne et palestinienne, mais entre tous les individus. Il suffit d'entendre un simple échange verbal dans la rue entre les Israéliens (...) pour prendre la mesure de la violence qui nous empoisonne. Regardons-nous dans un miroir ». Pour vous, notre problème, ce n'est pas seulement l'occupation mais un Israël qui serait le fruit d'une abominable mutation ? lui demande le journaliste.
«Nous avons été exilés à cause de nos péchés»
L'ex-président de la Knesset lui explique que « l'occupation n'intervient que peu dans le fait qu'Israël est une société effrayée. Pour comprendre pourquoi nous sommes obsédés par la force et éradiquer cette obsession, il faut traiter nos peurs. Notre effroi suprême, notre effroi originel, ce sont les millions de juifs mis à mort durant la Shoah ». A la question de savoir si les Israéliens sont « des mutilés mentaux ? », Burg souligne sur fond d'interrogations : « en Israël, aujourd'hui, le vrai clivage est celui qui oppose ceux qui vivent dans la foi et ceux qui vivent dans l'effroi. La grande victoire de la droite dans la conquête de l'âme israélienne, c'est de lui avoir instillé la paranoïa absolue. Je ne nie pas nos problèmes mais tout ennemi est-il synonyme d'Auschwitz ? Le Hamas est-il une plaie divine ? ». Le président iranien n'est certes pas Hitler mais quand il dit que nos jours sont comptés, ses menaces sont réelles. Ce monde réel, vous l'ignorez avec superbe, lui reproche le journaliste. « Il me semble qu'Israël est arc-bouté sur ses traumatismes. Ne serions-nous pas mieux à même d'affronter le défi iranien si nous avions davantage foi dans le monde qui nous entoure et dans la possibilité de bâtir des alliances ? (...) », dit Burg qui semble convaincu que « ces dernières années, nous avons franchi tant de lignes rouges que je suis en droit de me demander lesquelles nous franchirons demain ». L'autre parallèle que fait ce religieux qu'il a été des premiers rangs, il est entre le peuple juif et « la construction de l'Europe qui pour moi, dit-il, « c'est l'utopie biblique dans sa quintessence. Je ne sais pas combien de temps cela tiendra, mais l'idée est incroyablement juive ». Le journaliste lui indique « ainsi, l'option sioniste ne peut que vous paraître grossière et spirituellement indigente ».
«Nous sommes déjà morts»
Burg répond par des remarques pertinentes : « oui, c'est exact, Israël n'est pas particulièrement excitant. Vous avez du mal à admettre qu'Israël va droit au mur. Demandez à vos proches s'ils sont certains que leurs enfants vivront encore longtemps ici. Combien vous répondront oui ? Pas plus de la moitié. Les élites israéliennes sont d'ores et déjà en train de prendre congé de ce lieu. Or, sans élites, il n'y a pas de nation. On n'en parle pas encore dans les informations mais nous sommes déjà morts. (...). La communauté religieuse dont je suis issu m'est devenue étrangère. Et je ne fais pas davantage partie de la communauté laïque. Regardez-vous, je vous parle et vous ne me comprenez pas. Vous êtes prisonnier de votre prisme nationaliste ». Il s'oblige à une référence historiquement religieuse : « nos prières ne nous rappellent-elles pas que nous avons été exilés à cause de nos pêchés ? (...). Israël n'est qu'un corps sans âme ». Burg reconnaît que « pendant un certain temps, je me suis menti à moi-même. (...). Et un Arabe de plus ou de moins, allez, qu'est-ce que ça peut faire ?», s'interroge-t-il comme pour extérioriser la pensée des Israéliens. Mais, dit-il, « l'amoncellement de cadavres palestiniens va bientôt dépasser la muraille que nous érigeons pour ne pas les voir». Avraham Burg revendique dans son essai le démantèlement de l'arme atomique détenue par Israël. « Le jour où la bombe sera démantelée sera le plus important de l'histoire juive, car nous serons parvenus à conclure avec la partie adverse un accord si bon que nous n'aurons plus besoin de la bombe. Ce doit être ça notre ambition», a-t-il affirmé.
- Le Quotidien d’Oran
«Faire de cet Etat l'instrument de notre rédemption collective, tout en nous acharnant à le définir comme démocratique, ce n'est pas seulement impossible, c'est de la dynamite», a déclaré l'ancien président de la Knesset, Avraham Burg qui estime, sans complexe, que «la loi du Retour est le reflet de la doctrine d'Hitler».
La commémoration du 60ème anniversaire de la création de l'Etat d'Israël ne se fait pas sans que de nouvelles voix juives ne s'élèvent pour dénoncer le terrorisme d'Etat qu'exerce Tel Aviv contre le peuple palestinien. Publié il y a quelques mois par le quotidien israélien Ha'Aretz, l'interview d'Avraham Burg, ancien président de la Knesset (parlement israélien), ne laisse pas indifférent. Les réponses de celui qui, de souche religieuse, a été sioniste durant une partie de sa carrière politique, remettent en cause l'existence même de l'Etat d'Israël sur la base de « cet échafaudage » qu'est le sionisme. A la question « le sionisme, c'est la foi en la création et la consolidation d'un Etat national juif et démocratique, avez-vous perdu cette foi ? Burg répond : « Dans sa définition actuelle, je ne partage plus cette foi. Pour moi, l'Etat d'Israël ne peut être qu'un moyen, pas une fin, car il est indifférent aux aspirations spirituelles et mystiques exprimées par la religion juive ». Il précise que « faire de cet Etat l'instrument de notre rédemption collective, tout en nous acharnant à le définir comme démocratique, ce n'est pas seulement impossible, c'est de la dynamite ». Alors, lui est-il demandé, faut-il amender la loi du Retour ? « Le tort de cette loi, elle est le reflet de la doctrine d'Hitler. Elle octroie la citoyenneté à toute personne née dans la diaspora et considérée comme juive selon la tradition religieuse orthodoxe, une définition reprise littéralement par les lois de Nuremberg », a-t-il dit, tout en affirmant que « je refuse de voir mon identité définie par Hitler. Nous devons vaincre Hitler ». Le parallèle entre l'Allemagne d'Hitler et Israël, l'ex-président de la Knesset l'explique ainsi : « je ne fais pas de la science exacte, mais cette analogie se fonde sur quelques éléments : un sentiment profond d'humiliation nationale, la conviction que le monde entier nous rejette et la centralité du militarisme dans notre identité. Voyez le rôle de tous ces officiers de réserve dans notre société. Voyez le nombre de civils armés dans nos rues. Voyez ce cri qui ne choque plus personne : Aravim ha' hutza ! (Les Arabes dehors !) ».
«Les Israéliens ne comprennent que la force»
Burg précise: « ce n'est pas par hasard que je fais des comparaisons avec l'Allemagne (...). Ce qu'ils nous ont infligé pendant douze ans exige que nous ayons un glaive effilé et qui résiste à l'épreuve du temps. La clôture (le mur) de séparation est une clôture contre notre paranoïa. (...) C'est pathétique. Ce n'est pas seulement un acte de divorce, c'est aussi un acte de xénophobie. (...) ».
Mais avant, il va plus loin dans sa vision « antisioniste » qu'il développe. « Le sionisme de confrontation vit ses dernières heures. Notre sionisme de confrontation contre le monde entier est en passe de nous mener au désastre ». Avraham Burg reprenait ainsi ce qu'il avait écrit dans son essai « Vaincre Hitler » et sur la base duquel cet interview a été réalisée. Enfant, dit-il, « j'étais un juif - dans l'acceptation populaire, israélienne et dénigrante du terme - un yehudon, un petit juif. (...). Mais, aujourd'hui, ça ne me suffit plus. Je suis davantage qu'un Israélien. La dimension israélienne de mon identité me coupe de mes deux autres dimensions, l'humaine et la juive ». Le journaliste israélien rebondit « ce qui vous permet de prononcer des paroles terribles à notre encontre ». Il lui répond « Mon livre est un livre d'amour et l'amour peut blesser. Je vois mon amour se faner sous mes yeux. Je vois ma société et mon pays se détruire ». Le journaliste lui rappelle ce qu'il avait écrit dans son essai : « les Israéliens ne comprennent que la force, Israël est un ghetto sioniste, un endroit violent qui n'a confiance qu'en lui-même ». Burg lui fait remarquer : « regardez ce qui s'est passé avec le Liban (la guerre de juillet 2006). Tout le monde a dû convenir que la force n'était pas une solution. Que disons-nous quand il s'agit de Gaza ? Que nous allons leur rentrer dedans, les éliminer. (...). Cette violence n'irrigue pas seulement les rapports entre nos deux nations, israélienne et palestinienne, mais entre tous les individus. Il suffit d'entendre un simple échange verbal dans la rue entre les Israéliens (...) pour prendre la mesure de la violence qui nous empoisonne. Regardons-nous dans un miroir ». Pour vous, notre problème, ce n'est pas seulement l'occupation mais un Israël qui serait le fruit d'une abominable mutation ? lui demande le journaliste.
«Nous avons été exilés à cause de nos péchés»
L'ex-président de la Knesset lui explique que « l'occupation n'intervient que peu dans le fait qu'Israël est une société effrayée. Pour comprendre pourquoi nous sommes obsédés par la force et éradiquer cette obsession, il faut traiter nos peurs. Notre effroi suprême, notre effroi originel, ce sont les millions de juifs mis à mort durant la Shoah ». A la question de savoir si les Israéliens sont « des mutilés mentaux ? », Burg souligne sur fond d'interrogations : « en Israël, aujourd'hui, le vrai clivage est celui qui oppose ceux qui vivent dans la foi et ceux qui vivent dans l'effroi. La grande victoire de la droite dans la conquête de l'âme israélienne, c'est de lui avoir instillé la paranoïa absolue. Je ne nie pas nos problèmes mais tout ennemi est-il synonyme d'Auschwitz ? Le Hamas est-il une plaie divine ? ». Le président iranien n'est certes pas Hitler mais quand il dit que nos jours sont comptés, ses menaces sont réelles. Ce monde réel, vous l'ignorez avec superbe, lui reproche le journaliste. « Il me semble qu'Israël est arc-bouté sur ses traumatismes. Ne serions-nous pas mieux à même d'affronter le défi iranien si nous avions davantage foi dans le monde qui nous entoure et dans la possibilité de bâtir des alliances ? (...) », dit Burg qui semble convaincu que « ces dernières années, nous avons franchi tant de lignes rouges que je suis en droit de me demander lesquelles nous franchirons demain ». L'autre parallèle que fait ce religieux qu'il a été des premiers rangs, il est entre le peuple juif et « la construction de l'Europe qui pour moi, dit-il, « c'est l'utopie biblique dans sa quintessence. Je ne sais pas combien de temps cela tiendra, mais l'idée est incroyablement juive ». Le journaliste lui indique « ainsi, l'option sioniste ne peut que vous paraître grossière et spirituellement indigente ».
«Nous sommes déjà morts»
Burg répond par des remarques pertinentes : « oui, c'est exact, Israël n'est pas particulièrement excitant. Vous avez du mal à admettre qu'Israël va droit au mur. Demandez à vos proches s'ils sont certains que leurs enfants vivront encore longtemps ici. Combien vous répondront oui ? Pas plus de la moitié. Les élites israéliennes sont d'ores et déjà en train de prendre congé de ce lieu. Or, sans élites, il n'y a pas de nation. On n'en parle pas encore dans les informations mais nous sommes déjà morts. (...). La communauté religieuse dont je suis issu m'est devenue étrangère. Et je ne fais pas davantage partie de la communauté laïque. Regardez-vous, je vous parle et vous ne me comprenez pas. Vous êtes prisonnier de votre prisme nationaliste ». Il s'oblige à une référence historiquement religieuse : « nos prières ne nous rappellent-elles pas que nous avons été exilés à cause de nos pêchés ? (...). Israël n'est qu'un corps sans âme ». Burg reconnaît que « pendant un certain temps, je me suis menti à moi-même. (...). Et un Arabe de plus ou de moins, allez, qu'est-ce que ça peut faire ?», s'interroge-t-il comme pour extérioriser la pensée des Israéliens. Mais, dit-il, « l'amoncellement de cadavres palestiniens va bientôt dépasser la muraille que nous érigeons pour ne pas les voir». Avraham Burg revendique dans son essai le démantèlement de l'arme atomique détenue par Israël. « Le jour où la bombe sera démantelée sera le plus important de l'histoire juive, car nous serons parvenus à conclure avec la partie adverse un accord si bon que nous n'aurons plus besoin de la bombe. Ce doit être ça notre ambition», a-t-il affirmé.
- Le Quotidien d’Oran
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