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    Le VIH/sida, il y a déjà vingt-cinq ans...
    par Farouk Zahi

    Le premier cas de sida maladie était introduit en 1985 dans notre pays. Depuis lors, beaucoup de choses ont évolué. Les moyens de dépistage aussi bien techniques que réglementaires et de prévention ne pouvaient constituer qu’une infime partie de la parade opposée à ce spectre du troisième millénaire. L’arrêté ministériel portant obligation de tester le sang destiné au don prémunissait les receveurs aussi bien du VIH que des germes d’autres maladies, telles que les hépatites et la syphilis. Dix ans plus tard, était créée l’Agence nationale du sang qui venait à point nommé. Cette structure a participé pour une grande part à discipliner cette activité, menée jusqu’alors par des contingences de tout ordre. La prise en charge thérapeutique par les antirétroviraux, en dépit de son poids financier, place notre pays à l’avant-garde des pays arabes et africains. En ce qui concerne la prise en charge psychosociale des séropositifs, des malades et de certains praticiens médicaux et paramédicaux, beaucoup de chemin reste à faire. Qu’on en juge. Le premier cas importé ne venait pas du Sahel subsaharien comme on est tenté de le penser, mais de l’est de l’Europe. Il s’agissait d’un technicien qui était en formation dans la défunte République démocratique allemande (RDA).

    Originaire d’une ville de l’intérieur du pays, il devait y être inhumé après son décès. Les instructions du département de la santé recommandaient l’escorte de la dépouille mortelle, de l’aéroport vers la morgue de l’hôpital, jusqu’au moment de l’inhumation nocturne. La fosse devait être assez profonde et tapissée de chlorure de chaux. On disait à l’époque que la cause du décès était due à une tuberculose, ceci pour éluder l’existence du syndrome d’immunodéficience acquise ou sida. La France, quant à elle, vivait l’affaire du sang contaminé. On méconnaissait globalement les modes de transmission ou du moins manquait-on de vigilance. Si à l’époque c’était pardonnable, ça ne l’est plus maintenant ! Il est par ailleurs inadmissible qu’un professionnel de la santé, praticien médical ou autre se cache derrière sa méconnaissance des moyens éprouvés de lutte contre le virus. Le coiffeur de Tamanrasset l’a compris depuis fort longtemps, il immerge pendant quelques minutes ses instruments dans une solution légèrement chlorée. On lui a expliqué que le virus est très fragile et qu’il ne résiste pas aux désinfectants usuels; le simplisme de ce coiffeur participe pour une grande part à la rupture de la chaîne de transmission. Il est plus exposé à la contamination que le gynécologue obstétricien ou le chirurgien. Mais il ne refuse jamais de coiffer ses clients.

    Les professeurs A.Amrane et A.Dif, chefs de services à El-Kettar, affirment qu’aucune contamination de leur personnel n’a eu lieu dans leurs services et ce malgré le nombre de malades qui y sont traités. Ils se rappellent même des premières frayeurs, somme toute légitimes, des personnels qui n’osaient même pas approcher les malades. Mais ceci fait partie désormais des souvenirs burlesques qui font aujourd’hui sourire.

    Certains de nos chirurgiens et obstétriciens refusent toute assistance aux personnes vivant avec le VIH, quand par honnêteté intellectuelle celles-ci déclinent leur séropositivité. Elles sont mal payées en retour, on les prive de soins qui leur sont constitutionnellement et déontologiquement reconnus. On peut citer à titre illustratif ce malade abandonné dans le «boyau» d’un scanographe ou cette jeune parturiente qui a fait le tour des maternités d’Alger pour qu’accepte, enfin, un gynéco-obstétricien de la césariser. Le cas de ce chirurgien est plus déprimant, quand il ne déchiffre pas l’acronyme HIV et fait étalage de son ignorance sur le sujet en demandant des explications à ses interlocuteurs, venus le solliciter pour un geste chirurgical. Le séropositif est doublement pénalisé, par son état biologique dont il n’est souvent pas responsable et par le comportement irresponsable frisant l’inconscience, que lui opposent des membres du corps médical. Corps médical censé lui apporter aide et réconfort. Se peut-il que ce comportement n’ait pas changé depuis maintenant plus de vingt ans ? C’est le cas de le penser ! Un an après ce premier décès par sida et dans la même ville de l’arrière-pays, un événement à la limite anodin démontrait déjà toute la problématique de l’illettrisme scientifique de certains corps professionnels de la santé. Cette ignorance touchait à l’évidence les deux rives de la Méditerranée. Il s’agissait d’un descendant d’émigrés algériens de statut français renvoyé par la préfecture de police vers le pays de ses aïeux, pour motif de séropositivité. Après sa remise par les services de la Sûreté nationale, le médecin et l’infirmier de psychiatrie le «coffraient» dans une cellule réservée aux agités en état de démence.

    Mis fortuitement au courant de cette mésaventure, je demandais à l’infirmier d’ouvrir la lourde porte de la geôle; dans un geste pusillanime, celui-ci s’interposait pour me «protéger de la bête immonde». Je me devais de vaincre la terreur de l’agent paramédical en faisant montre d’un courage, où il n’y avait aucun danger au bout. Assis près du «détenu» à qui j’offrais une cigarette, j’apprenais par sa propre bouche sa pathétique cabale. Il disait n’avoir aucune attache dans «ce bled perdu»; son seul tort était d’être séropositif. L’accueil dans le pays de ses ancêtres n’a d’ailleurs été ni plus chaleureux ni moins inhumain.

    Il n’avait pas mangé ni bu depuis 48 longues heures. Une sentence atavique ne dit-elle pas: «L’ignorant se fait plus de mal par son ignorance que ne l’exercerait son propre ennemi sur lui».

    Où en est-on maintenant ? On en est à la stigmatisation des séropositifs par les parents, l’employeur, l’entourage. Tout l’environnement humain leur est hostile. Certaines hépatites infectieuses sont sexuellement transmissibles, mais demeurent socialement admises. Où résiderait la différence ? Elle résiderait dans l’hypocrisie des tabous. Si l’acte sexuel en dehors du mariage est accepté comme une «prouesse chevaleresque», il est par contre «honni» quand il en résulte une naissance illégitime ou une infection sexuellement transmissible Quel est le tort de ce bébé de mère séropositive ? Le doigt accusateur du malade et du séropositif est dirigé sur chacun des membres de cette société, qui se moque de ses tares.

    La libéralisation dans les domaines socio-économique et culturel a des travers qu’il faudra assumer. La proximité subsaharienne, les échanges commerciaux soutenus avec les pays du Sud-Est asiatique impliquant une mobilité des individus placent notre pays dans l’oeil du cyclone; mais l’on ne peut s’emmurer dans une bulle. Aussi si la relation sexuelle en dehors du mariage est à mettre sur le compte de nouvelles mœurs, elle doit être néanmoins protégée. Le préservatif est à l’infection sexuellement transmissible ce qu’est le gant en latex pour la décharge électrique. Ce sont tous deux des isolants; le vocable «azal» en arabe est on ne peut plus explicite.
    Quotidien d'Oran
    Mieux vaut un cauchemar qui finit qu’un rêve inaccessible qui ne finit pas…
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