Dans son livre "1940-1945, années érotiques", le français Patrick Buisson révèle que pendant l'occupation allemande de Paris, les femmes parisiennes s'offraient volontiers aux "beaux" soldats allemands.
Concrètement, Patrick Buisson décrit l'occupation allemande de la France comme du "tourisme sexuel".
- Je vous conseille cet excellent article du Times : Paris était une "gigantesque orgie" sous l'occupation nazie
L'Occupation au-dessous de la ceinture
Il y a des concomitances qui, pour tout devoir au hasard, n'en sont pas moins troublantes. Au moment même où la Bibliothèque historique de la Ville de Paris inaugurait une exposition de photographies d'André Zucca sur la vie des habitants de la capitale pendant l'Occupation, paraissait aux éditions Albin Michel le premier tome d'un diptyque de Patrick Buisson, directeur général de la chaîne Histoire, 1940-1945, années érotiques.
En couverture, la photo d'une jeune femme élégante flirtant avec un soldat devant la tour Eiffel. Elle fait partie de la célèbre série de Roger Schall,"Paris au quotidien, 1939-1945". On pense aux clichés de Zucca, à ces moments de légèreté saisis par l'oeil du photographe, et dont la présentation, parce qu'elle ne soulignait pas assez le caractère orienté de ces images, suscita une intense polémique (Le Monde du 28 avril). La lecture décuple le malaise.
Car à quoi ressemble l'Occupation que nous dépeint Buisson ? Ni plus ni moins qu'à une gigantesque orgie. Pétain ? Un vieillard libidineux. Ses ministres ? Des libertins déguisés en pères la morale. L'Hôtel du Parc ? Un lupanar. Les auberges de jeunesse, les Compagnons de France et les Chantiers de jeunesse ? Des "repaires de débauche". Pas autant toutefois que les cinémas : à suivre l'auteur, pour qui la sulfureuse correspondance entre Montherlant et Roger Peyrefitte n'a pas de secret, on en vient à se demander comment les spectateurs ont pu sortir sains et saufs de ces hauts lieux de la "chasse pédérastique"...
Il y aurait évidemment beaucoup à dire sur la place accordée, parmi les ressorts de l'engagement, aux facteurs émotionnels voire pulsionnels. Ainsi, à propos des jeunes résistants réunis sur les Champs-Elysées le 11 novembre 1940 : "Ce prurit de jeunes mâles à la sève bouillonnante, cette fièvre née de la dépossession ou de la menace de dépossession que la concurrence prédatrice des Allemands faisaient courir à leurs prérogatives masculines, s'ils n'ont pas été l'élément déclencheur de la manifestation du 11 novembre, en constituent à tout le moins un préambule dont la connotation n'est pas douteuse."
Il y a surtout ces effets de sens produits par la juxtaposition de certaines scènes. Comme dans ce chapitre où l'auteur évoque successivement la vie dissolue du collaborateur Jean Luchaire, les "orgies de la rue Lauriston" et les "fiestas" organisées par Sartre et Beauvoir. Ramenés à leurs pratiques sexuelles, tous les individus se valent, c'est la conclusion à laquelle est amené le lecteur. Surtout quand, d'un côté, on accable le "Castor" de tous les vices, et que, de l'autre, on oublie de rappeler que le 93 rue Lauriston fut aussi l'un des pires lieux de tortures du Paris occupé...
On pourra toujours dire que là n'était pas le sujet. Il n'empêche : avec le regard rivé au-dessous de la ceinture - comme lorsque l'objectif reste fixé sur les terrasses des cafés et les rues ensoleillées -, la guerre n'en est que plus douce. Quand il s'agit d'histoire, à l'écrit comme en photographie, l'enjeu est toujours le même : parvenir à resserrer la focale sans évacuer le contexte. On se dit parfois que l'essentiel se joue hors champ.
Thomas Wieder - le Monde
Concrètement, Patrick Buisson décrit l'occupation allemande de la France comme du "tourisme sexuel".
- Je vous conseille cet excellent article du Times : Paris était une "gigantesque orgie" sous l'occupation nazie
L'Occupation au-dessous de la ceinture
Il y a des concomitances qui, pour tout devoir au hasard, n'en sont pas moins troublantes. Au moment même où la Bibliothèque historique de la Ville de Paris inaugurait une exposition de photographies d'André Zucca sur la vie des habitants de la capitale pendant l'Occupation, paraissait aux éditions Albin Michel le premier tome d'un diptyque de Patrick Buisson, directeur général de la chaîne Histoire, 1940-1945, années érotiques.
En couverture, la photo d'une jeune femme élégante flirtant avec un soldat devant la tour Eiffel. Elle fait partie de la célèbre série de Roger Schall,"Paris au quotidien, 1939-1945". On pense aux clichés de Zucca, à ces moments de légèreté saisis par l'oeil du photographe, et dont la présentation, parce qu'elle ne soulignait pas assez le caractère orienté de ces images, suscita une intense polémique (Le Monde du 28 avril). La lecture décuple le malaise.
Car à quoi ressemble l'Occupation que nous dépeint Buisson ? Ni plus ni moins qu'à une gigantesque orgie. Pétain ? Un vieillard libidineux. Ses ministres ? Des libertins déguisés en pères la morale. L'Hôtel du Parc ? Un lupanar. Les auberges de jeunesse, les Compagnons de France et les Chantiers de jeunesse ? Des "repaires de débauche". Pas autant toutefois que les cinémas : à suivre l'auteur, pour qui la sulfureuse correspondance entre Montherlant et Roger Peyrefitte n'a pas de secret, on en vient à se demander comment les spectateurs ont pu sortir sains et saufs de ces hauts lieux de la "chasse pédérastique"...
Il y aurait évidemment beaucoup à dire sur la place accordée, parmi les ressorts de l'engagement, aux facteurs émotionnels voire pulsionnels. Ainsi, à propos des jeunes résistants réunis sur les Champs-Elysées le 11 novembre 1940 : "Ce prurit de jeunes mâles à la sève bouillonnante, cette fièvre née de la dépossession ou de la menace de dépossession que la concurrence prédatrice des Allemands faisaient courir à leurs prérogatives masculines, s'ils n'ont pas été l'élément déclencheur de la manifestation du 11 novembre, en constituent à tout le moins un préambule dont la connotation n'est pas douteuse."
Il y a surtout ces effets de sens produits par la juxtaposition de certaines scènes. Comme dans ce chapitre où l'auteur évoque successivement la vie dissolue du collaborateur Jean Luchaire, les "orgies de la rue Lauriston" et les "fiestas" organisées par Sartre et Beauvoir. Ramenés à leurs pratiques sexuelles, tous les individus se valent, c'est la conclusion à laquelle est amené le lecteur. Surtout quand, d'un côté, on accable le "Castor" de tous les vices, et que, de l'autre, on oublie de rappeler que le 93 rue Lauriston fut aussi l'un des pires lieux de tortures du Paris occupé...
On pourra toujours dire que là n'était pas le sujet. Il n'empêche : avec le regard rivé au-dessous de la ceinture - comme lorsque l'objectif reste fixé sur les terrasses des cafés et les rues ensoleillées -, la guerre n'en est que plus douce. Quand il s'agit d'histoire, à l'écrit comme en photographie, l'enjeu est toujours le même : parvenir à resserrer la focale sans évacuer le contexte. On se dit parfois que l'essentiel se joue hors champ.
Thomas Wieder - le Monde
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