Conseil national économique et social (CNES) : Les membres du gouvernement seront auditionnés
par Ghania Oukazi
Quotidien d'OranBien que qualifiées par leur président «d'inquiétudes mystiques», les appréhensions des membres du comité ad hoc chargé d'élaborer le rapport de l'Economie fondée sur la connaissance (EFC) portent essentiellement sur l'acceptation de ce concept par le pouvoir politique qu'ils appellent «l'Etat» par pudeur institutionnelle.
Pris depuis octobre 2007 à bras-le-corps par le Conseil national économique et social (CNES), l'élaboration d'un rapport sur l'Economie fondée sur la connaissance (EFC) fait son chemin «à pas cadencés», comme l'a souligné hier Mohamed-Seghir Babes lors d'une réunion de son comité ad hoc. Réunis au siège du CNES, les membres de ce comité en ont fait le point sur la base d'un rapport d'étape précis. Présidé par Abdelmadjid Bouzidi, le comité ad hoc est appelé à tenir d'autres réunions pour mettre au point un certain nombre de drafts avant celui final d'ici au 15 novembre prochain. Bouzidi rappelle que le travail engagé a été fait en collaboration avec des experts de la Banque mondiale.
«Nous n'avons pas accepté que cette institution nous donne un kit EFC, nous estimons que nous sommes dans la phase de la constitution d'un réseau et le potentiel est là, nous tenons à ce que ça soit fait avec nos propres capacités», a-t-il précisé.
Le président du CNES intervient pour préciser que «la relation avec la Banque mondiale est une relation partenariale adulte et paritaire. Si ses experts sont producteurs des standards internationaux convenus, nous, nous avons cette petite prétention de produire quelque chose et non du couper-coller». Pour lui, «l'exigence est de produire un rapport national». Bouzidi rappelle que «l'EFC est une voie pour l'après-pétrole, c'est un dossier qui nous sort de toute cette brume». Le comité programme pour cela d'auditionner des membres du gouvernement en vue «d'un échange dans les deux sens», indique Bouzidi. L'audition de Hamid Temmar par le comité est prévue dans quelques jours. L'ambition est d'établir une jonction entre l'EFC et les politiques publiques de l'ensemble des secteurs d'activité. Des contacts doivent être pris, en outre, avec les universités, les entreprises et autres associations de la société civile pour «repérer la connaissance et en constituer un fichier».
Représentant le ministère délégué chargé de la Recherche scientifique, Mme Hassaim fera savoir que «nous créons des réseaux thématiques de recherche par lesquels nous établissons un listing de chercheurs que nous pourrons mettre à la disposition du comité». Mme Djehiche interviendra au nom du ministère délégué chargé du Développement durable et préfère être rassurée «si on n'est pas parti d'idées préconçues, celles d'aller chercher la connaissance dans les entreprises et les universités alors qu'on pourrait la trouver dans des niches locales, en discutant avec les élus et les walis».
Elle affirme «qu'au niveau des territoires, beaucoup de choses sont à valoriser». Babes la rassure: «Bien sûr que nous ne nous confinons pas dans une approche élitaire, évidemment que nous devons aller vers des niches locales pour chercher la connaissance, nous savons qu'il y a des territoires et des terroirs qui sont en train de mourir.»
«Tant que l'économie n'a besoin que de médiocres...»
La première appréhension, c'est Sid Ali Boukrami qui l'exprime en affirmant que «nous sommes incapables de tirer profit du progrès technologique» et fait remarquer que «le niveau des services est largement en deçà de la norme universelle» pour s'interroger «doit-on continuer à protéger la médiocrité de nos services ?». Il estime «qu'on a énormément d'argent pour en corriger les dysfonctionnements» alors «changeons de posture», tout en se demandant «est-on capable de réfléchir autrement ?». Son constat «on ne sait pas ce qu'on veut, on risque d'aller vers une économie virtuelle. Et tant que l'économie n'a besoin que de médiocres, l'université ne va pas s'améliorer.» Babes estime que «l'intuition de Boukrami est d'une importance capitale, il faut qu'on ait une version de l'EFC non éthérée». Pour l'éviter, «l'administration exige des réglages de type institutionnel sur la base d'une réflexion dirigée vers l'Etat», dit-il.
Intervient alors la notion de «l'Etat stratège» qui signifie pour Babes «l'intelligence par l'art de gouverner, de mettre à niveau l'administration». Mais pour y arriver, relève un membre du CNES, «il faut casser des résistances et redéployer l'Etat, certes c'est un problème politique, mais aussi d'organisation institutionnelle sur fond de gouvernance et de management». Bouras aura à l'esprit la réforme des structures et des missions de l'Etat... Babes explique que «l'Etat stratège est au coeur de la vision de Rachid Benaïssa, c'est pour ça que ça va être le chapitre 3 du prochain rapport sur le développement humain».
Mohamed Bahloul fait lui aussi dans l'appréhension et souligne «nous nous devons de nous poser toutes les questions de l'efficacité de notre travail et de son aboutissement». Il estime que «l'angoisse et le doute peuvent être des indices de compétence» parce que, dit-il, «la compétence est nourrie par le doute». Ce genre de halte permettra, selon lui, «de corriger, d'améliorer et de faire les réajustements nécessaires à ce que nous produisons».
«J'implique !»
Mais des préalables s'imposent, «l'important pour nous est que nous connaissons notre périmètre de mission», indique-t-il, «les moyens de diffusion du concept lui-même au niveau des entreprises, des universités, au niveau politique». Il pense qu'il faudra réfléchir d'ores et déjà «à une démarche de communication pour savoir comment le faire partager au plus haut niveau de la société». Bahloul affirme que «l'Etat joue un rôle extrêmement important, il doit être une forte autorité politique, libéral, qui aide les forces de la connaissance à émerger et qui fait de l'EFC un flux qui circule, il faut donc l'impliquer à un moment ou à un autre pour accepter et diffuser ce concept». Le président du CNES se remet à rassurer en affirmant «le concept est porter à la connaissance du gouvernement qui sait ce que nous sommes en train de faire, d'ailleurs on prévoit un débat entre lui et nous lors de la session plénière du CNES». Il fait savoir qu'à cette occasion, «il y aura un atelier qui examinera le travail effectué dans ce sens et fera des recommandations sans complaisance, j'en prends l'engagement». Pour plus d'assurance, Babes tient à souligner que «nous ne sommes pas un espace clandestin, nous sommes au CNES qui est une institution de la République». Il préfère cependant «laisser la maturation aller le plus profond possible avant de la sortir, on est en phase de construction, une fois validée, elle deviendra une démarche institutionnelle».
Nadira Chentouf rappelle la nécessité du lien devant être établi entre l'économie sociale, l'EFC et la protection sociale. Khelil Aomeur, universitaire, revendique: «Il faut ouvrir les services, il est vrai que le changement se fait toujours sous la contrainte et là nous avons de l'argent qui couvrira encore pour 30 ans de dépenses...» Kada Allab, qu'on dit premier matheux algérien, s'inquiète à propos «du profil du recrutement aux postes» et retient deux critères «la formation et l'expérience», comme pour narguer la réalité des choses.
Le président du comité, Bouzidi, annonce la tenue les 2 et 3 juillet prochain d'un atelier «pour débattre de tout cela». Cependant, il affirme en guise de réponses à ces appréhensions que «ne vous en faites pas, le fil rouge, nous l'avons, nous savons où aller» donc, dit-il, «ces inquiétudes mystiques n'ont pas lieu d'être, certes ça ne se fera pas en six mois, mais il faut le faire, il faut y aller, une fois le concept est accepté, la bataille sera légale». Babes confirme la complexité de la tâche: «Je ne dis pas que c'est facile mais ce que nous faisons ici, je le relaie, j'implique !»
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