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OPA sur le Maghreb

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  • OPA sur le Maghreb

    Tout y passe, avec les gestionnaires lumineux qu'on a eu, ça m'étonne pas.
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    Immobilier, banques, tourisme, téléphonie... De Tanger à Tripoli, les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite, le Koweït et le Qatar investissent massivement. Pour le meilleur et pour le pire.

    Les compteurs s’affolent : 30, 50, 80, 100 milliards de dollars… Sur la Mauritanie, la Libye, et surtout sur l’Algérie, le Maroc et la Tunisie, une pluie de pétrodollars tomberait du ciel. L’inflation des projets d’investissement en provenance des pays du Golfe donne le tournis. « L’objectif pour l’Algérie en 2008 est d’atteindre 50 milliards de dollars d’intentions d’investissement, dont 19 milliards se concrétiseront par la signature de protocoles dès cette année », assure Brahim Bendjaber, le président de la Chambre algérienne de commerce et d’industrie (Caci). En Tunisie, une soixantaine de milliards étalés sur quinze ans devraient irriguer l’économie. Et au moins une cinquantaine au Maroc.
    Dans cette course au trésor, les gouvernements des pays du Maghreb n’hésitent pas à dérouler le tapis rouge aux investisseurs qui gèrent la rente pétrolière des pays du Moyen-Orient. Alger, Rabat et Tunis se disputent les faveurs de capitaux prometteurs. Régulièrement mitraillés par des photographes devant des maquettes de projet, les chefs d’État se prêtent avec bonne grâce au rituel de la pose de la première pierre. Et si, dit-on, Mohammed VI entretient d’excellentes relations avec ses homologues princiers du Golfe, Abdelaziz Bouteflika n’est pas en reste. Celui qui a résidé plus de six ans dans les Émirats au début des années 1980 n’hésite pas aujourd’hui à passer dix jours dans la région, comme il l’a fait du 19 au 29 avril.

    Remporter la mise

    Les pays du Maghreb luttent au coude à coude, et leur capacité à attirer les capitaux du Golfe se mesure souvent au gigantisme des projets annoncés, dont certains ne verront jamais le jour. Sur les Berges nord du lac de Tunis, « Sports City » (voir encadré p.27), dont la maquette a été présentée le 17 mai, sera d’ici à cinq ans « le complexe touristique, résidentiel et sportif le plus huppé et le plus vaste de la planète ». Son concepteur, la société privée d’investissement émiratie Bukhater, prédit 40 000 emplois. La facture ? 4 milliards d’euros. En face, sur la rive sud, la société immobilière Sama Dubai fait des prévisions encore plus grandioses avec la « Century City & the Medirerranean Gate » ! C’est le plus gros investissement annoncé au Maghreb en 2007. Il doit engloutir 10,2 milliards d’euros sur quinze ans pour faire quasiment émerger une ville nouvelle et créer 130 000 emplois.
    Avec sa marina, ses hôtels cinq étoiles, son tramway, son vaste ensemble résidentiel, un autre imposant pôle urbain s’étendra sur 6 000 hectares. Il sort actuellement de terre au… Maroc et doit réconcilier Rabat avec sa façade maritime dès 2012. Découpé en tranches réparties entre plusieurs investisseurs du Golfe, cet ambitieux projet d’aménagement de la vallée du Bouregreb coûtera plus de 2 milliards d’euros.
    À Alger aussi, les pelleteuses sont en action. Depuis plus d’un mois, elles dessinent le parc Dounya : 450 hectares de verdure délimités par une enceinte d’habitations de luxe, de bureaux et de centres commerciaux. Il fera passer Central Park, à New York, pour un square de quartier, selon ses promoteurs, la société d’investissement Emirates International Investment Company (EIIC, basée à Abou Dhabi), qui débourse 3,7 milliards d’euros. « Ce sera le plus grand parc urbain au monde », renchérit Cherif Rahmani, le ministre algérien de l’Aménagement du territoire, de l’Environnement et du Tourisme.

    Des sommes astronomiques

    Avec une trentaine de holdings privés ou publics du Golfe actifs dans la région, plus discrets les uns que les autres, pas une semaine ne s’écoule sans l’annonce d’un investissement émirati, saoudien ou koweïtien.
    En 2006, les monarchies pétrolières ont même subtilisé aux Européens le titre de premier investisseur dans la région. Un exploit qu’elles n’ont pas réédité. Mais l’événement avait prématurément incité les gouvernements et les milieux d’affaires maghrébins à annoncer un raz-de-marée de pétrodollars. Un scénario idéal, fruit d’une fraternité et d’une solidarité accrues entre pays arabes, qui se révèle vendeur auprès des populations. Si ce sentiment communautaire a pu être exacerbé depuis le 11 septembre 2001 - notamment parce que les investisseurs du Golfe ont davantage de difficultés à vendre leurs projets outre-Atlantique -, il n’est pas sûr qu’il soit déterminant.
    « La fraternité arabe peut jouer. Le prince saoudien Al Walid ou l’Aga Khan peuvent financer des projets sur ce principe. En revanche, les investisseurs du Golfe sont comme les Chinois, il n’y a que l’argent qui compte », observe Bénédict de Saint-Laurent, le responsable d’Anima Investment Network, le réseau des agences de promotion des investissements de la région Meda, qui regroupe treize pays partenaires de l’Union européenne (UE), de la Mauritanie à la Turquie.

    Derrière l’effet d’annonce qui gonfle de nombreux projets venus du Golfe, les investisseurs européens devancent à nouveau en 2007 les monarchies pétrolières au Maghreb. Sur les 65 milliards d’euros d’IDE qui ont arrosé la zone Meda en 2007, dont 15,5 milliards au Maghreb, la part de l’Europe s’est élevée à 24,5 milliards d’euros pour 42 % des projets d’investissement. De leur côté, les pays du Golfe ont lancé 17,9 % des projets, coiffant sur le poteau les États-Unis et le Canada (17,8 %)*. En revanche, les monarchies pétrolières misent beaucoup plus gros sur chacun des projets. C’est un peu leur marque de fabrique, au risque d’être accusées d’avoir les yeux plus gros que le ventre et de ne réaliser qu’une partie des investissements promis. « Ces cinq dernières années, le budget prévisionnel moyen des investisseurs du Golfe s’est situé à 268 millions d’euros, contre 70 millions en moyenne pour les pays européens, observe Pierre Henry, chargé d’étude chez Anima. Ils n’ont pas peur de se lancer dans des projets greenfield [créer une activité à partir de rien, NDLR] avec des budgets importants, alors que les Européens préfèrent acquérir des entreprises ou des unités existantes, y compris des PME, pour les développer ensuite. » Avec deux fois moins de projets à leur actif que les Européens en 2007, les pays du Golfe les talonnent avec 22,2 milliards d’euros mis sur la table.
    Si ces derniers semblent avoir les yeux rivés sur ce nouvel eldorado maghrébin, ils n’oublient pas leur première destination : le Machrek, où ils ont mobilisé, de 2003 à 2007, trois fois plus de fonds qu’au Maghreb. En 2007, l’Égypte a été la première destination des pays du Golfe, devant la Turquie, tandis que l’Algérie pointe loin derrière avec 1,5 milliard d’euros, à la même hauteur que la Jordanie et la Syrie. La Tunisie (802 millions d’euros), le Maroc (455 millions d’euros) et la Libye (128 millions d’euros) sont distancés. Les investisseurs se tournent encore vers les pays les plus proches, géographiquement et culturellement.

    La suite...
    Dernière modification par zek, 04 juin 2008, 16h41.
    Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin

  • #2
    Une lame de fond

    Peut-être plus lente que prévu, l’envolée des pays du Golfe est pourtant bien réelle. Et irréversible sur le long terme. En cinq ans, leur poids dans les investissements a doublé, passant de 15 % à 34 %. « Depuis deux ou trois ans, on note une vraie bascule avec une forte montée en puissance de ces pays, qui éprouvent un besoin de diversification de leurs investissements en dehors des États-Unis et de l’Asie », observe Bénédict de Saint-Laurent.
    Parmi les monarchies pétrolières, les Émirats arabes unis sont les plus actifs (voir ci-contre). Ils distancent très nettement l’Arabie saoudite (3,8 milliards d’euros) et le Koweït (3,2 milliards d’euros). Ce n’est pas étonnant. Les groupes émiratis, notamment de services (Dubai Ports Authority, Emirates Bank international), les sociétés immobilières (Emaar) ou les fonds d’investissement (Mubadala Development Company, Dubai Holding, Emirates International Investment Company…) sont les fers de lance d’ambitieuses politiques d’internationalisation et de prises de participations à l’étranger. Avec des marchés nationaux étriqués ou saturés, les pays du Golfe cherchent des relais de croissance en déversant leurs excédents commerciaux, tirés de la manne des 500 à 600 milliards de dollars de revenus des hydrocarbures, dans l’immobilier résidentiel, les services (télécoms, banques…), les infrastructures logistiques et l’industrie (chimie, métallurgie).
    « Il y a de bons profits à faire, des perspectives saines et des entreprises solides », explique Walid Fayçal al-Fehaid, le directeur général de CMKD, la plus ancienne société d’investissement du Golfe au Maroc, née en 1976 de la volonté des gouvernements koweïtien et chérifien (voir p. 25). Cependant, les investisseurs du Golfe ont consacré, ces cinq dernières années, la moitié de leurs projets maghrébins à l’immobilier, au tourisme et à la construction de mégacentres commerciaux à l’américaine (malls). Contre 14 % dans les services (télécoms, banques) et 13 % dans l’énergie. À l’image de leur propre développement, les monarchies du Golfe se diversifient à l’international dans des secteurs de rente. Ce qui laisse planer un doute sur l’effet de levier de leurs investissements sur les économies locales. « On peut supposer qu’une partie des emplois créés par les investissements du Golfe ne dureront que le temps de la réalisation des chantiers », souligne le rapport Anima 2008.

    Quels bienfaits pour l’économie locale ?

    Et ce n’est pas la seule interrogation. Les moyens considérables que déploient les entreprises du Golfe ne risquent-ils pas d’étouffer les opérateurs locaux ? Les PME maghrébines seront-elles sollicitées pour tous ces chantiers ? Faudra-t-il instaurer des quotas d’ouvriers locaux, comme l’envisage la Tunisie ? Y a-t-il un danger de « bétonisation » des côtes ? Qui occupera ces stations touristiques et balnéaires de grand standing qui se multiplient ? Quel impact sur le prix de l’immobilier ? À Tinja, près de Tanger, les appartements du projet résidentiel de luxe de la société immobilière émiratie Emaar se négocient à partir de 3 millions de dirhams (300 000 euros) ! « Nous avons des doutes sur la durabilité de certains projets, souligne Bénédict de Saint-Laurent. Les investisseurs du Golfe cherchent un retour élevé, avec des risques faibles, un impact environnemental vite évalué, une maturité courte. Bref, l’inverse de ce dont la région a besoin. » Les Maghrébins pourront-ils se consoler avec les parcours de golf, qui seront bientôt plus nombreux chez eux qu’en Écosse ?

    * Rapport 2008 d’Anima sur les investissements directs étrangers en Méditerranée.

    Jean-Michel Meyer
    Jeune Afrique
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