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Algérie: Absence de réformes sociales.

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  • Algérie: Absence de réformes sociales.

    L’Etat-providence est un Etat qui intervient dans le domaine social à travers un système global et cohérent de soutien et de prise en charge collective qui permet de garantir une sécurité de revenu face aux différents risques sociaux tels que la maladie, les accidents du travail, les décès, la vieillesse, la maternité, le chômage. Selon la conception de l’Etat-providence (Welfare State), l’Etat doit jouer un rôle actif dans la recherche du progrès économique et social.

    Cette conception s’oppose à celle du libéralisme économique, de l’Etat-gendarme selon laquelle l’Etat est cantonné dans des fonctions non économiques telles que la protection des individus et de la propriété par l’armée, la justice et la police mais, avec, cependant un devoir de prise en charge des activités non rentables financièrement tels les travaux d’infrastructures. L’Etat-providence est d’inspiration théorique keynesienne. Il cherche à associer progrès social et dynamique économique, compétitivité et solidarité, Etat et marché. La situation d’Etat-providence a été arrachée au capitalisme par les différentes luttes ouvrières. C’est en 1942, en Grande-Bretagne, que l’on a coutume de dater l’avènement de l’Etat-providence suite au rapport Beveridge sur la sécurité sociale.

    De nos jours, les notions d’Etatprovidence et de protection sociale sont synonymes et recouvrent une même réalité du capitalisme contemporain. La question de l’Etat-providence pose celle de son financement. Celui-ci est assuré par des cotisations sociales des salariés, les dépenses publiques de l’Etat et des collectivités locales. Avec le ralentissement de la croissance économique et donc des ressources de l’Etat et des entreprises, l’Etat-providence est entré en crise. C’est la crise du financement de la protection sociale. Et cette crise s’est généralisée dans les pays capitalistes développés dans le sillage des exigences, de la stabilité financière, la lutte contre l’inflation et donc la chasse aux déficits publics. Cette crise s’explique par une diminution des recettes (il y a beaucoup plus de chômeurs donc moins de cotisants) et des dépenses qui augmentent (avec la croissance démographique et la hausse des coûts de la santé).

    La crise de l’Etat-providence est due aussi aux coups de boutoir incessant des néo-libéraux qui attribuent la faible compétitivité de l’économie et des entreprises ainsi que le poids jugé trop lourd du déficit budgétaire et de la dette publique à cette «politique d’assistanat social», mise en œuvre par l’Etat et, qui selon eux, n’encourage pas les travailleurs à l’effort au travail et à la productivité et décourage à l’autre bout les entrepreneurs dont elle alourdit les charges qui pèsent sur leurs entreprises.

    Dans notre pays aussi, l’Etat-providence est en crise même si celleci est actuellement voilée par une situation financière globale largement favorable, et qui permet à l’Etat de renflouer les caisses de protection sociale chaque fois que cela est nécessaire. Dans la réalité, la Caisse nationale des retraites (CNR) traîne des problèmes financiers considérables, sous le double effet de la réduction du nombre de cotisants d’un côté (chômage important) et l’allongement de l’espérance de vie, de l’autre. L’avenir des retraités est menacé dès que les finances publiques se trouvent en situation difficile. De son côté, la Caisse nationale des assurances sociales (Cnas) est menacée de gros déficits financiers si le chômage reste aussi important, ou pire, s’aggrave.

    On sait déjà que cette caisse connaît une baisse importante des recettes (diminution du nombre de cotisants et nondéclaration d’un nombre élevé de salariés, notamment du secteur privé) et une hausse aussi importante des dépenses (sous l’effet de la hausse des prix des médicaments importés dans leur grande majorité et de l’élargissement de la base des assurés puisque même les bénéficiaires du filet social et leurs ayants droit bénéficient de la couverture Cnas).

    Les mesures draconiennes que ne cesse de mettre en place la Cnas lors de remboursements des frais médicaux des assurés témoignent des difficultés financières qui menacent la Caisse. La Caisse nationale de l’allocation chômage (CNAC) est aujourd’hui en bonne santé financière mais pourra-t-elle assurer l’allocation chômage à des travailleurs qui sont de plus en plus nombreux à être libérés dans le cadre des plans sociaux des entreprises publiques ? Bref, la question de la protection sociale est plus que jamais d’actualité chez nous. Pourtant, c’est l’une des questions qui semble préoccuper le moins le gouvernement bercé qu’il est par les flots de pétrodollars engrangés ces dernières années.

    Qui d’entre nous a entendu parler de la nécessaire réforme de la protection sociale ? Sait-on seulement qu’aucune réforme économique à même de relancer la croissance et le développement n’est possible sans une politique sociale juste et solidaire. Les réformes économiques se jouent dans la sphère sociale. Il est connu en effet que les réformes économiques génèrent des coûts sociaux lourds et ne peuvent progresser que si l’Etat accepte de financer la couverture sociale qu’exigent les processus de restructuration économique. Les réformes économiques nécessitent de l’argent et elles sont d’autant plus réalisables que les finances de l’Etat sont bonnes.

    Il vaut mieux mener les réformes économiques en contexte financier favorable qu’en situation de contraintes de ressources. Or, le paradoxe algérien est que précisément, c’est en situation d’aisance financière que la crise structurelle est oubliée et que les réformes sont remises dans les tiroirs. Et chez nous, l’Etat redevient jacobin, centralisateur et tatillon chaque fois que les caisses sont pleines. Le penchant naturel au contrôle de la rente l’emporte sur l’impératif de la régulation par le marché, par le calcul économique. L’arbitrage du marché n’est invoqué et mis en avant par les pouvoirs publics que lorsqu’il n’y a rien à distribuer.

    Quand la cagnotte est bonne, l’arbitre, le distributeur, c’est l’Etat : la régulation administrative avec ses approximations, ses gaspillages et son clientélisme reprend le dessus au détriment de la rationalité économique. Jugeons-en : la situation financière actuelle est florissante, la dette extérieure est purgée, la dette publique interne est soutenable, les perspectives du marché pétrolier mondial sont prometteuses : et c’est cette conjoncture et ce moment précis que choisit l’Etat pour redevenir interventionniste, réanime des entreprises publiques non performantes, oublie de soutenir la petite entreprise privée qui doit devenir le foyer principal de création de richesses et d’emplois. Et tout cela dans un contexte mondial d’ouverture, de flexibilité, de compétitivité, de globalisation. Erreur de pilotage, myopie ou projet délibéré qui resterait alors à justifier ?


    Abdelmadjid Bouzidi.
    Le soir d'Algérie. 4 Juin 2008.
    “La vérité est rarement enterrée, elle est juste embusquée derrière des voiles de pudeur, de douleur, ou d’indifférence; encore faut-il que l’on désire passionnément écarter ces voiles” Amin Maalouf
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