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Face aux clandestins, une Europe hermétique

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  • Face aux clandestins, une Europe hermétique

    Silvio Berlusconi a fait adopter en Italie une des lois les plus répressives en matière d'immigration. Reuters

    L’UE veut renforcer la lutte contre les clandestins avec des règles répressives pour encadrer l’expulsion des sans-papiers.

    Les ministres de l’Intérieur des Vingt-Sept ont adopté hier, à Luxembourg, le projet de directive fixant des normes minimales en matière de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière (lire Libération d’hier). Ce texte, qui doit encore être voté par le Parlement européen pour entrer en vigueur, est qualifié de «directive de la honte» par plusieurs associations françaises de défense des droits de l’homme, dont la Cimade (Comité intermouvements auprès des évacués), qui lui reprochent, en autres, de prévoir une durée de rétention administrative pouvant aller jusqu’à dix-huit mois alors que le maximum, en France, est de trente-deux jours. Une nouvelle fois, le spectre d’une «Europe forteresse», hostile aux immigrés, resurgit. Il est vrai que le vote de cette directive intervient dans un contexte marqué par le durcissement de plusieurs législations nationales : ainsi, après le Danemark et le Royaume-Uni, la France vient pour la cinquième fois en six ans de donner un nouveau tour de vis et l’Italie se prépare à faire de même (lire page 4).

    Bref, l’Union et ses Etats membres envoient un signal très clair au reste du monde : les immigrés ne sont pas les bienvenus. Le texte voté hier par les ministres de l’Intérieur fixe des normes minimales afin que les étrangers en situation irrégulière soient traités à peu près de la même façon dans les 27 Etats membres. Il faut en effet éviter que dans l’espace sans frontières intérieures qu’est l’Union, ils puissent choisir la loi qui leur sera la plus favorable. Le problème est que les législations nationales sont très éloignées les unes des autres et que les Etats refusent d’abandonner leur système qu’ils jugent évidemment comme le plus performant. D’où l’approche retenue par la Commission européenne : proposer des directives non pas d’harmonisation, mais instaurant des règles minimales qui ne font pas obstacle à des dispositions nationales plus favorables. En même temps, ces directives protègent les étrangers en interdisant aux Etats d’aller en deçà de ces normes minimales. Ainsi, la directive «retour» instaure un droit à l’aide judiciaire et un droit de recours effectif qui n’existent pas partout. De même, en limitant la durée de rétention administrative à dix-huit mois maximum, elle va obliger neuf Etats membres qui ne prévoient aucune limite temporelle à revoir leur législation sans pour autant obliger ceux qui prévoient des durées plus courtes à s’aligner.

    Contradictions.

    Bref, pas de quoi hurler au texte «liberticide», même s’il ne marque pas un réel progrès sur l’état du droit existant dans de nombreux pays. Cela n’est guère étonnant : la politique européenne d’immigration ne peut pas aller à contresens des législations des Etats. Ce n’est pas un hasard si c’est surtout dans le contrôle aux frontières extérieurs, c’est-à-dire dans le répressif, que les progrès ont été importants : harmonisation des visas, création de l’agence Frontex sise à Varsovie, embryon d’un futur corps de gardes-frontières européens, sanctions contre l’aide à l’immigration clandestine, création du fichier Eurodac centralisant les empreintes des demandeurs d’asile et des étrangers reconduits à la frontière, etc. «Les différences sont trop grandes entre les systèmes et les besoins» pour imaginer à terme une véritable politique européenne d’immigration en dehors de quelques domaines, estime Patrick Weil, directeur de recherche au CNRS et spécialiste de l’immigration. Notamment, il n’est pas question que Bruxelles décide un jour du nombre d’étrangers qui seront admis au séjour. «Il n’y a pas de partage possible dans la politique d’admission au séjour, souligne Patrick Weil. Entre les pays à forte démographie que sont la France et le Royaume-Uni et les pays à faible démographie que sont l’Allemagne et l’Italie, les besoins ne sont pas les mêmes.»

    La France, qui souhaite que ses partenaires adoptent durant sa présidence semestrielle de l’Union, qui débute le 1er juillet, un «pacte européen sur l’immigration et l’asile», risque de se casser les dents sur cette réalité. Car son but principal est, outre un nouveau renforcement des contrôles aux frontières extérieures, d’empêcher des régularisations massives, comme celles qui ont eu lieu en Italie et en Espagne (plus de 2 millions de personnes entre 2003 et 2007)… Ces pays lui ont déjà fait savoir que cela ne regardait pas l’Union et encore moins la France. Ce pacte est d’ailleurs un condensé des contradictions européennes puisqu’il prévoit en même temps une ouverture plus grande de l’Europe, mais à une «immigration choisie et concertée».

    «Non-dit ethnique».

    Car, entre fermeture et ouverture, l’Europe n’arrive pas à trancher. Les Etats savent que le déclin démographique fera perdre 20 millions de travailleurs à l’Union entre 2010 et 2030, comme le lui répète la Commission à longueur de rapports. Et les candidats à l’immigration le savent aussi, sinon ils ne viendraient pas. «En fait le non-dit est ethnique : les Européens sont obsédés par les différences culturelles. Ce n’est pas un hasard si le Royaume-Uni a ouvert grand ses frontières aux pays de l’Est, mais se montre particulièrement dur à l’égard des autres immigrés», souligne Patrick Weil. «Il faut sortir de ça : les étrangers non souhaités arrivent quand même et on le paie ensuite.» Etre une forteresse ouverte n’est effectivement pas un exercice simple.

    in Libération du 06/06/2008
    Ce que vous faites de bien et de mal, vous le faites à vous
    Mahomet
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