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La Finance dangereuse

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  • La Finance dangereuse

    Dans cette entreprise de restructuration juridique du secteur bancaire et financier public, ce n’est pas tant la privatisation qui pose problème, mais ses limites, eu égard au caractère névralgique de ce secteur pour l’économie nationale. Autrement dit, jusqu’où l’Etat peut aller pour le taux de participation des banques étrangères dans le capital de nos banques publiques, sans qu’il perde toute faculté de régulation monétaire (application d’objectifs de politique monétaire et de change) et/ou financière (suivi et orientation des crédits) mettant l’économie algérienne peu compétitive, en position permanente de pré-crise.

    Une telle préoccupation est cruciale, car les banques et les institutions financières étrangères, particulièrement, et transnationales sont fonctionnellement liées à un système financier mondial devenu très complexe et instable, par essence. D’une part, elles participent à son expansion, et d’autre part elles créent les conditions idéales pour la survenance des crises financières et en deviennent un canal très puissant de transmission mondiale. Situation qui peut survenir à n’importe quel moment, avec la récurrence des crises financières, due à la défaillance des garants de la stabilité financière mondiale. Avant de donner quelques éclaircissements à ce propos, il nous paraît utile d’aborder la crise récente dite du subprime.

    Au coeur de la crise américano-européenne (2007-2008) : la titrisation


    Avec la libération financière, les crises financières se répètent fréquemment. Dans les années 80 et 90 du siècle passé, selon Goldstein: «125 pays ont connu des crises bancaires sérieuses, 70 pays en développement ont fait face à l’insolvabilité de leur système bancaire»(1).

    A travers ces crises, les emprunteurs sont identifiés. Les créances détenues sur eux avec les risques d’impayés sont domiciliées dans les banques prêteuses qui, les premières, subissent les pertes, lorsque survient la cessation de paiement des dettes, bien avant l’échéance. Or, la possibilité technique d’autonomiser le risque a pu conduire à le transférer hors de la banque qui accorde le crédit et à le faire supporter par d’autres institutions financières ou des particuliers, ici et là, dans le monde. En quelque sorte, il s’agit d’une mutualisation mondiale du risque.

    C’est cet aspect inconnu dans les crises précédentes qui ressort dans celle actuelle. Grâce à l’utilisation de la technique de titrisation, les génies de l’ingénierie financière ont mis au point un procédé de transformation de créances, surtout à risques élevés, en produits financiers structurés, bien complexes, commercialisables. Il s’agit de titres adossés à des actifs.

    Pour plus de clarté, avec un exemple simple, nous illustrons ce principe de la titrisation.

    Supposons une banque qui détienne dans son portefeuille de titres deux bons du trésor public au taux d’intérêt de 4%, pour cinq ans, chacun d’une valeur de 1.000 $, trois obligations émises par des entreprises, d’une valeur chacune de 1.500 $, au taux d’intérêt de 5% pour cinq ans, et cinq créances sur des particuliers, chacune d’une valeur de 500 $ pour cinq ans, à un taux d’intérêt élevé de 7%, car il comprend une prime de risque, du fait que les emprunteurs ont une faible capacité financière.

    Au total, la valeur du portefeuille est de 9.000 $, avec une fourchette de taux comprise entre 4 et 7%.

    Plusieurs combinaisons sont possibles: choisissons celle qui nous permet de mettre dans un même panier les créances à hauts risques, douteuses, d’où sortiront les produits structurés. Dans le premier panier, nous aurons un bon du trésor public de 1.000 $, auquel on ajoute deux obligations de 1.500 $ chacune, d’où un total de 4.000 $, au taux moyen de 4,5% (4% 5% /2). On peut alors en sortir deux titres, chacun à 2.000 $ à un taux de 4,5%, pour cinq ans, qu’on nommera Neptune. Quant au second panier, il se compose de ce qu’il reste: un bon du trésor, une obligation et les cinq créances douteuses dont la valeur totale est de 5.000 $, au taux moyen de 5,33% (4% 5% 7%/3). On pourrait en tirer aussi deux titres, chacun d’une valeur de 2.500 $ à 5,33%, d’une durée de cinq ans. Ce titre sera dénommé Jupiter. Nous pouvons pousser plus loin cette logique. Ce dont ne se privent pas les institutions bancaires et financières transnationales.

    Pour revenir à notre exemple, lorsque les titres Neptune et Jupiter entrent dans le portefeuille d’une banque, ils peuvent être accolés à d’autres instruments financiers, en général très risqués, et subir les transformations nécessaires pour se fondre dans un nouveau produit structuré.

    Dans le schéma conventionnel, ce que l’on qualifie plus haut de panier, devient tranche. En général, on découpe le portefeuille à titriser en trois tranches de degré de risque différent, allant de la tranche contenant les titres les moins risqués, dont le paiement est assuré, à celle dont le remboursement est très aléatoire (2).

    Cette démarche est rendue possible car les fonds versés par les débiteurs initiaux, dans notre exemple l’Etat, les entreprises, les particuliers, vont servir à payer, en priorité, la première tranche (senior), puis la seconde (mezzanine), enfin la troisième (equity). Dans le cas où une partie des débiteurs ne paie pas ses dettes, seuls les titres de deux premières tranches sont payés. Quant à ceux qui ont investi dans les titres de la dernière tranche, ils ne le seront pas et perdront donc tout ou une fraction du capital investi. Ce qui est la règle adoptée pour ce type de produit financier. C’est ainsi qu’aux Etats-Unis, après avoir distribué à profusion des prêts hautement risqués, surtout dans l’immobilier, les crédits subprime, qui sont des crédits à taux variables élevés, incluant une prime de risque, les banques ont titrisé leur portefeuille de titres incluant les créances douteuses. Elles en ont sorti des produits financiers placés dans des banques et des fonds de placement, par le biais des marchés de gré à gré, particulièrement, aux Etats-Unis et en Europe. Néanmoins, avec la politique monétaire américaine plus restrictive, poussant les taux d’intérêt à la hausse, au courant de l’année 2007, de nombreux bénéficiaires de crédits subprimes n’ont pu rembourser leurs dettes, eu égard à la charge croissante des intérêts. Ces ruptures initiales de paiement vont en entraîner d’autres, ne permettant plus d’honorer les engagements financiers vis-à-vis des détenteurs de titres à hauts risques qui se sont avérés pour certains être des banques transnationales de premier plan. Pour elles, il s’en est suivi de lourdes pertes, à milliards de dollars et d’euros, obligeant surtout la Réserve fédérale américaine et la Banque centrale européenne à intervenir à partir d’août 2007 (3), en injectant de grandes masses de liquidités à travers les marchés monétaires, afin d’éviter un désastre financier et économique dont le monde entier aurait pâti.

    Une carte de crédit illimité pour les maîtres de la finance mondiale

    D’après le Fonds monétaire international, le coût global de la crise avoisinerait les 1.000 milliards de dollars américains (4). Certains analystes financiers pensent que ce coût est trop exagéré. Sans nous étendre sur ces considérations, l’aspect qui nous intéresse au plus haut point concerne le rôle des agences de notation externe et des superviseurs nationaux, en tant que garants de l’application de règles prudentielles, évitant ainsi les exactions des banques et autres institutions financières. En fait, on ne peut que constater leur défaillance.

    Ainsi, suite à l’évaluation de la qualité de produits structurés qui s’est avérée bien mauvaise, les agences de notation, sur la base de critères propres à elles, leur ont attribué d’excellentes notes tel un AAA. Elles signifient qu’un investisseur peut y placer son argent, en toute quiétude. Et s’agissant d’institutions bancaires, elles n’étaient donc pas tenues de geler des fonds pour compenser d’éventuelles pertes liées à ces produits, puisque le risque a été considéré comme nul. Il est étonnant que cette évaluation ait été acceptée sans réserves, alors que tous les analystes financiers impliqués dans le suivi du marché de ce type de produits savaient qu’ils recelaient en eux des risques élevés, puisqu’en partie composés des titres représentatifs des crédits subprimes. Entreprenant un travail d’investigation auprès de l’agence de notation Moody’s, des journalistes du Financial Times ont découvert que l’erreur est due à la légèreté avec laquelle... le logiciel a noté les titres soumis à son expertise (5).

    Avec la profusion des produits structurés incluant des actifs très diversifiés aux risques innombrables connus des seules institutions financières opérant leur montage (les arrangeurs), les agences de notation, d’ailleurs très peu nombreuses, ne pourront en aucun cas évaluer correctement ce type de produit, quel que soit le degré de sophistication de leurs logiciels d’analyse.

    Les difficultés auxquelles ont été confrontées les grandes institutions financières, particulièrement les banques, montrent que le travail entrepris par le comité de Bâle, depuis des décennies, pour un meilleur contrôle bancaire, n’a pas donné tous ses fruits. Il faut dire qu’en cela, ce même comité a ouvert la brèche en leur permettant d’établir le niveau de fonds qui leur convient pour accroître sans frein leurs activités et non celui qui devrait être, pour couvrir les risques réels. C’est ainsi qu’on les a autorisés à adopter des modèles internes à caractère mathématique pour calculer les fonds propres susceptibles de couvrir d’éventuelles pertes.

  • #2
    En fait, il existe une multiplicité de modèles appliqués, avec des contenus très disparates (hypothèses, variables...) d’une banque à une autre, rendant impossible le travail de vérification des informations communiquées par les établissements de crédit. D’une manière générale, il n’existe plus aucun contrôle exercé sur les entités financières transnationales. Du comité de Bâle aux superviseurs nationaux, en passant par les agences de notation, la tendance est simplement d’exercer des pressions, par un biais ou un autre, pour que les maîtres de la finance mondiale maîtrisent les risques, jouent la transparence et émettent des informations crédibles. Ainsi, en s’adressant aux banques engagées avec les fonds à plus hauts risques, trois hauts responsables de la Réserve fédérale américaine écrivent: « Les autorités de supervision bancaire attendent des établissements bancaires qu’ils comprennent et gèrent efficacement l’ensemble des risques de crédit, de liquidité et risques opérationnels que les hedge funds font peser sur leurs activités ». (6).

    Il est clair que les rapports de forces sont largement en faveur des transnationales financières, car avec la globalisation financière supposant une mobilité parfaite des capitaux, il est évident que lorsque dans un pays on se montre trop tatillon envers elles, elles délocalisent leurs activités et s’installent ailleurs, sous des cieux plus cléments.

    Conclusion

    Dans un pays en développement, telle l’Algérie dont l’économie est très fragile, l’entrée des banques et autres institutions financières étrangères peut amener un haut savoir-faire dans les diverses activités financières et de plus, avec la privatisation des banques publiques, renflouer les caisses de l’Etat à coup de milliards de dinars algériens ou équivalent en devises. Mais par ailleurs, notre secteur financier s’intégrera dans le système financier mondial par le biais de ces entités financières. Il deviendra très vulnérable aux chocs financiers extérieurs.

    A terme, afin d’éviter ou limiter la transmission de ces chocs sur la finance algérienne, dans la politique de privatisation des banques publiques, les pouvoirs publics doivent déterminer et conserver la part du capital qui permette d’accéder aux informations financières et de détenir l’un des leviers de commande financier susceptible d’être actionné en cas de besoin. Formulé autrement et dans un cadre plus général, Stiglitz J.E., prix Nobel d’économie, qui ne peut être taxé d’antilibéral, écrit dans son ouvrage «La grande désillusion»: «Si les marchés sont au centre de l’économie, l’Etat aussi a un rôle à jouer, limité mais important» (7).

    Pour avoir méconnu ce principe en Argentine, la privatisation des grandes banques publiques, 8 sur 10, en 1994 (8), a conduit quelques années plus tard, en 2001/02, à une grave crise financière devant laquelle l’Etat a été totalement désemparé.

    Par Mohamed Sari, Professeur à la faculté des sciences économiques et de gestion de Annaba, Le Quotidien d'Oran

    Notes :

    1 - Drouin J.C.: «Les vrais maîtres de l’économie. Pouvoirs et contre-pouvoirs», Ed. Larousse, 2004, p. 121.

    2 - Cousseran O. et Rahmouni I., «Le marché des CDO. Modalités de fonctionnement et implications en terme de stabilité financière ». Banque de France, Revue de la stabilité financière (RSF), n°6, juin 2005. (accès sur le site : www.banque-france.fr)

    3 - Ewerhart C. et Valla N.: « Liquidité des marchés financiers et prêteur en dernier ressort ». Banque de France, RSF, numéro spécial liquidité, n°11, février 2008, p. 153. (site Banque de France)

    4 - Résumé synthétique du rapport sur la stabilité financière, avril 2008. (www.imf.org.external/french)

    5 - « Moody’s error gave top ratings to debt products », 21 may 2008. (www.ft.com)

    6 - Cole R.T., Feldberg G. et Lynch D. «Hedge funds, transfert du risque de crédit et stabilité financière», Banque de France, RSF, numéro spécial hedge funds, n° 10, avril 2007, p 13. (site banque de France)

    7 - Librairie Arthème Fayard, édition française, 2002, p 22.

    8 - Musset A., Santiso J., Thery H. et Valut S., Les puissances émergentes d’Amérique latine, Armand Colin/Her, Paris, 1999, p 87.

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    • #3
      L'Etat n'a pas besoin d'être actionnaire (influent) dans les banques pour maîtriser les risques de crises bancaires

      Il lui suffit d'avoir une banque d'Etat qui fixe des regles et qui veillent à leurs application

      notamment les regles Bale II actuellement en vogue car très rigoureuses

      Elle permettent à l'Etat d'avoir l'oeil sur les risques prix par les banques privées et limiter ainsi le risque de leur banqueroute


      Rares sont les banques qui vont apporter leurs devises en capital pour se contenter d'être minoritaire

      C'est comme cela

      on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre et la fille de la caissière :-
      .
      .
      ''La pauvreté ne sera plus séditieuse, lorsque l'opulence ne sera plus oppressive''
      Napoléon III

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