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    par Ali Babès
    Quotidien d'Oran


    L'Algérien doit recevoir la médaille de l'homme le plus patient de la planète. Bien que réputé très nerveux, colérique, le citoyen algérien ne mérite pourtant pas de tels qualificatifs discourtois. Pourquoi? C'est simple: devant une administration des plus fermées, vivant pratiquement en autarcie, l'Algérien arrive à supporter les mille et un sévices psychologiques pour arriver, enfin, à déposer son dossier. Peu importe si c'est pour un permis de conduire, un permis de construire, une demande de logement ou le renouvellement de son passeport. Dans tous les cas de figure, il arrivera à vaincre la ténacité et les arcanes administratives et autres réglementations extra-bureaucratiques pour déposer son dossier et recevoir en retour le fameux «jeton».
    Dans les administrations algériennes, chefs-lieux de wilayas, de daïras ou les mairies, la lutte est épique, la guerre sans pitié: à la rigueur toute inhumaine de l'administration, le citoyen algérien arrive, oui, arrive à nager et à s'en sortir pour avoir, quelques mois ou quelques semaines après, son document, de voyage ou pour son confort personnel.
    Et, là, entre nous, nous sommes amenés à nous poser cette question simple: pourquoi a-t-on l'impression d'être affreusement dominés, humiliés devant des guichets froids et impersonnels, de n'être que des moins que rien devant un simple préposé de guichet d'une administration anonyme, chargé d'établir une simple fiche ou un certificat pour vivre dignement? Pourquoi, après ses heures (légales) de travail, le quidam derrière son guichet redevient un simple citoyen, pestant contre la hausse des prix de l'huile de table, et cherchant des entrées dans tel ou tel ministère, quand, lui à son poste, mène la vie dure à de simples Algériens comme lui?
    En fait, c'est cela notre drame: on gueule trop, on rouspète, mais on ne travaille pas assez. Pourquoi les documents administratifs de citoyens tardent-ils à être signés au niveau des wilayas ou des collectivités locales, retardant des projets et compromettant des carrières professionnelles, quand les responsables du secteur s'échinent à démontrer le contraire? Pourquoi on investit des milliards de dinars dans le développement local lorsque les routes qu'empruntent les citoyens sont toujours mal tenues, non goudronnées, notamment dans certains quartiers oubliés de certaines villes, alors que les artères principales de ces mêmes villes sont «belles et propres».
    L'Algérien simple arrive les souliers pleins de boue à son lieu de travail, pile à l'heure, alors que les responsables ont les souliers flambant neufs, bien astiqués. Ont-ils un secret? C'est comme ce roman d'Ernest Hemingway: En avoir ou Pas.
    L'Algérie de tous les jours vit à ce rythme: une frange domine l'autre, une autre cannibalise l'autre, et le tout baigne dans un état de prédation avancé où le citoyen sert de proie. Le reste, ce ne sont que des discours pour la galerie.
    Mieux vaut un cauchemar qui finit qu’un rêve inaccessible qui ne finit pas…
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