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Rumeur, information et éthique

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  • Rumeur, information et éthique

    « Elle court, elle court la rumeur », disait Jean Noël Kapferer, l’un des rares spécialistes du phénomène rumoral, qui a beaucoup tenté d’analyser le phénomène , principalement dans les domaines sociaux, commerciaux, politiques et diplomatiques.


    En dépit des avantages informationnels incontestables du XXIème siècle qui s’ouvre sur plus de proximité, de technologie, de diffusion et de communication , la rumeur , en tant que dysfonctionnement , continue à se multiplier à profusion.

    Fait social aussi fascinant que déconcertant, les rumeurs ont fait l’objet d’une production intellectuelle et scientifique quantitativement importante mais qualitativement fort inégale. Il s’agit essentiellement du constat de ses effets, d’une tentative de compréhension sociologique et historique, d’une étude des mécanismes et d’un «catalogue» de cas génériques, où l’enjeu est de taille.

    Cet enjeu de taille pour l’étude des rumeurs présente plusieurs dimensions, dont l’obligation « à poser une nette séparation entre les rumeurs et les autres modes de circulation de l’information, désinformation, propagande, mensonge, etc. ».

    Mais, autant les rumeurs sont incontrôlables, autant les informations délivrées par la propagande sont télécommandées et ont pour seule fonction d’obtenir de celui qui reçoit l’information propagandiste d’agir par rapport à elle et dans un sens qui lui est en fait imposé.

    Si l’on retient le sens classique dans les définitions de la propagande, on fera appel à Guy Durandin pour souligner que «la propagande a pour but d’exercer une influence sur les personnes où les groupes auxquels elle s’adresse: soit pour les faire agir dans un sens donné (...) soit au contraire pour les rendre passifs».

    Y ajoutant une autre dimension, Philippe Breton pose que la propagande est une «méthode de présentation et de diffusion d’une opinion de telle manière que son récepteur croit être en accord avec elle et en même temps se trouve dans l’incapacité de faire un autre choix à son sujet.»

    Il est à noter par ailleurs que dans son livre, «Rumeurs, le plus vieux média du monde», Jean Noël Kapferer met en exergue que « ce qui est intéressant dans la rumeur n’est pas de savoir si elle est vraie ou pas, mais ce qui a fondé au juste le besoin la créer ».

    En lisant quelques travaux de Philippe Aldrin , je peux dire que la circulation des rumeurs parmi les professionnels et les spécialistes de l’information doit être replacée dans l’économie générale de l’information.

    « Les usages de la rumeur prennent en effet leur sens dans le contexte de la compétition pour le pouvoir et de la structuration de l’espace public », écrit-il , en ajoutant que « faire circuler une rumeur (en la créant ou en ne faisant que la retransmettre) permet ainsi aux acteurs de jouer un coup dans le champ agonistique de la politique, tout en minimisant les risques de la prise de parole du fait du caractère anonyme et officieux de l’information ».

    Il est vrai que la rumeur est un phénomène qui se prête particulièrement mal à l’observation directe, avec son cortège de crédules, d’affabulateurs et de manipulateurs.

    Rumeurs d’attentats, d’assassinats et de cadavres errants, amènent à repenser le journalistique, tant ses liens que ses valeurs. Dans ce cas, les spécialistes ont été confrontés à deux types de rumeurs, les unes étant centrées sur « les explications visant à rendre cohérents des éléments épars », les secondes mobilisant la figure d’une « sous-estimation du nombre de morts ». L’analyse qui en découle est une analyse de contenu qui vise à comprendre ce fait, plus précisément cet imaginaire en acte .

    Dans ce cas, on pénètre un autre registre qui s’apparente au mythe. « Ce n’est pas que le réel soit fidèlement passé dans l’imaginaire, c’est l’inverse ». Edgar Morin a, lui aussi, perçu ce renversement des paradigmes en étudiant la rumeur d’Orléans ; il évoque un « micro- mythe ».

    Il est un aspect sur lequel je souhaiterais insister ici. Il est donné à voir dans un même espace deux logiques. Très proches de leur contexte de production, ces rumeurs peuvent s’analyser comme des vecteurs idéologiques (preuve en est la place qui leur est faite par des médias). Paradoxalement, « elles sont en parallèle an-historiques et fonctionnent dans une logique d’un temps circulaire qui fait que ni les motifs de la rumeur, ni son moteur ne s’épuisent », à l’exception de la phase de saturation qui fait que « le château de carte » s’effondre .

    Il n’en fallait pas moins pour que les professionnels de la presse se sentent mis en cause. L’investigation, la précision , « l’honneur de la profession» comme le nomme Dominique Marchetti, devient en effet «un enjeu important pour l’ensemble du champ journalistique, dans la mesure où il a aussi des usages externes, permettant aux journalistes de réaffirmer la légitimité souvent contestée de leur profession et leur autonomie à l’égard des univers sociaux dont ils parlent». C’est ainsi que la réplique journalistique doit être faite sur des arguments de probité éthique et déontologique.

    En dépit des aléas du temps et des errements des hommes , l’histoire humaine et celle des choses est malgré tout un dialogue , qui a permis aux uns et aux autres de s’écouter. Ce n’est qu’à ce moment là qu’une esthétique naîtra et permettra non seulement à la presse de s’épanouir , mais aussi d’être désormais au centre de la dynamique sociale, loin des approximations et des désinformations.


    - Par le Quotidien d'Oran
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