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    Critique Savoir dire non
    LE MONDE DES LIVRES | 05.06.08 | 12h14 • Mis à jour le 05.06.08 | 12h14

    pprendre à dire non ? On entend d'ici les ricanements : êtes-vous sûr qu'il faille apprendre aux jeunes à dire non ? A s'opposer, à se rebeller ? Etes-vous sûr que, pour une fois, les stéréotypes ne disent pas le vrai, que l'adolescence ne soit pas "en soi" l'âge de tous les refus ?Sans doute. Mais il y a manière et manière de sortir du rang. Savoir dire non lorsqu'on est seul contre tous, et pour une juste cause, reste un défi quel que soit l'âge. Un défi qu'Actes Sud junior a décidé de relever avec une nouvelle collection intitulée "Ceux qui ont dit non". Destinée aux 11-15 ans, mais édifiante pour tous, cette série parie d'abord sur la vertu de l'exemple. "Depuis toujours, dans le monde entier, des hommes et des femmes se sont élevés pour barrer la route à l'inacceptable" : Victor Hugo a dit non à la peine de mort, Lucie Aubrac au nazisme, le Chilien Victor Jara à la dictature, l'Américaine Rosa Parks à la discrimination raciale... Ces exemples inspirent les quatre premiers titres de la collection, dont on imagine quels pourraient être les suivants : Yunus ou l'abbé Pierre : non à la misère ; Aung San Suu Kyi : non au totalitarisme ; Al Gore : non à la destruction de la planète, etc.
    POIDS DE L'EXEMPLE
    Mais le poids de l'exemple ne suffit pas. L'originalité de ces ouvrages, c'est qu'ils restituent au plus près la difficulté profonde de dire non. Le désarroi de Rosa Parks, en Alabama, lorsque, "désarmée", elle découvre que les Noirs n'ont pas le droit de boire à la même fontaine que les Blancs ; les coups qui pleuvent sur les mains du chanteur chilien Victor Jara ; la peur qui s'empare de lui au moindre claquement de bottes du tortionnaire. Ce serait si confortable de dire... oui. Si facile de courber l'échine. Les auteurs - Bruno Doucey, Nimrod, Murielle Szac, Maria Poblete - montrent chacun à leur façon dans quels trésors de courage moral et physique, d'idéalisme, d'opiniâtreté ou d'inconscience, il faut aller puiser pour lutter contre cette tentation. Ils montrent aussi la force ou la griserie qui peut en découler : "Maintenant, Victor (Jara) n'entend plus le claquement des bottes dur le sol, il ne sent plus les coups... Il sait que ses camarades feront entendre son chant longtemps après sa mort."
    Cette complexité-là est aussi palpable grâce au choix des auteurs. Tous sont personnellement engagés dans le combat de leur "héros" : Murielle Szac écrit des romans à trame sociale et politique forte ; la journaliste chilienne Maria Poblete est une rebelle dans l'âme ; le Tchadien Nimrod n'ignore rien de la discrimination raciale ; le poète Bruno Doucey sait à quel point la poésie peut constituer une arme de résistance. C'est probablement cette proximité qui donne aux livres leur poids de coeur et de chaleur.
    C'est aussi le fait que tous se prolongent par un cahier qui pourrait s'intituler "Et aujourd'hui ?" Sans tomber dans un schématisme simpliste, les auteurs proposent des exemples nombreux de dangers proches de nous. Soixante ans après la seconde guerre mondiale, on dénombrerait ainsi des dizaines de milliers de skinheads néonazis actifs en Russie, où ils ne se sentent pas menacés. Dans son dernier film, White Terror, le réalisateur suisse Daniel Schweizer montre la montée en puissance des groupes d'extrême droite aux Etats-Unis et en Suède notamment, et la propagande de ces groupes sur Internet. A Paris, en 2007, TF1 révélait au journal de 20 heures le cas d'un ingénieur dessinateur noir contraint de démissionner de son entreprise parce qu'il avait osé postuler à un poste "à visibilité extérieure auquel il ne pouvait pas prétendre" du fait de ses origines...
    Mais si des chantiers de toutes tailles nous attendent encore, les auteurs tentent surtout d'insuffler un état d'esprit. Comme le dit Lucie Aubrac, la résistance n'est-elle pas avant tout "une réaction intellectuelle et affective" à toute entrave à la liberté ?

    Victor Jara : "Non à la dictature" de Bruno Doucey
    Lucie Aubrac : "Non au nazisme" de Maria Poblete
    Victor Hugo : "Non à la peine de mort" de Murielle Szac
    Rosa Parks : "Non à la discrimination" de Nimrod
    Actes Sud Junior, tous 96 p., 7,80 €. Dès 11 ans.

    Florence Noiville
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