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Maroc:Enquête. El Himma. le ONE man show et ce qu’il cache

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  • Maroc:Enquête. El Himma. le ONE man show et ce qu’il cache

    Enquête.
    El Himma. le ONE man show et ce qu’il cache

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    Fouad Tracteur a beaucoup de succès sur Internet. Son profil est l'un des plus visités sur Facebook, la nouvelle Mecque du Net. Il recrute des amis à une vitesse qui défie tous les Don Juan de la toile : 30 pour la seule journée du 2 juin. Femmes et hommes, les 20-40 ans se jettent littéralement sur la liste d'amis du faux Fouad. Et souscrivent, déjà, à
    l'un des forums qui font fureur chez le tracteur de Skhour Rhamna : “Et si on parlait de Fouad Ali Himma”. Ben oui. “Afine a l'makhzen, ça va ?”, “Mes respects, naâmassi”, etc. Les post et les messages d'accueil sont variés, colorés, débridés. Le tracteur est traité comme n'importe quel produit de grande consommation sur le Net : avec ce mélange de candeur et d'ironie, d'excès en tous genres, qui caractérisent si bien le monde du Net.

    Roule, roule, le tracteur. El Himma a rejoint en quelques semaines le cortège des célébrités marocaines sur le Web. Il récolte un succès fou. Le faux Fouad marche sur les traces du vrai, le virtuel n'est qu'un reflet de la réalité. En un mot, Si Fouad est partout. A la télévision, dans les journaux, parmi les happy few des fins de soirée mondaines, chez les politiques comme chez les VIP de la haute, un micro de tribun ou une coupe de champagne à la main, sur le terrain poussiéreux de Benguérir ou les pistes rutilantes d'une boîte chic de la nuit casablancaise.

    Un phénomène. Fouad Ali El Himma a plus de visibilité que le Premier ministre, la bande-annonce du film de la semaine et la dernière campagne de communication institutionnelle réunis. Seul son ami le roi parvient à faire mieux. Evidemment. Mais comment séparer l'un de l'autre. Ils sont copains de classe, trente ans plus tard il leur arrive encore de se donner rendez-vous pour une pause-café doublé d'une séance de briefing, ou simplement pour prendre la route ensemble. Mohammed VI est roi, Fouad est son ombre. Le deuxième est une sorte de Sisyphe qui porte la parole, les soucis et les desseins du premier comme un poids sur les épaules, un devoir, une obligation. Hier encore, Fouad le faisait à partir des couloirs du ministère de l'Intérieur. Il a déplacé, aujourd'hui, son combat sur le terrain, les terrains du Maroc qu'il laboure inlassablement. Comme un tracteur !

    La caravane du MTD
    Fouad trône au sommet de l'association la plus courue de tout le royaume : le MTD, Mouvement pour tous les démocrates. 5 mois d'existence à peine, instantanément légalisée, bientôt reconnue d'utilité publique. Il la conduit comme un bolide à 200 km / heure, même s'il n'en est ni le président (Ahmed Akhchichine), ni même le trésorier (Khadija Rouissi). “Je suis membre du bureau (de onze personnes), je suis comme tout le monde”, répète-t-il à qui veut l'entendre. Personne ne veut le croire. A raison, bien entendu.

    “Je suis simplement au service de mon pays”, répond El Himma, tout sourire dehors, à ceux qui s'étonnent de son activité tous azimuts. La star du MTD bouge comme mille. Quand il accorde un rendez-vous, il rappelle très souvent pour se décommander, repousser, changer d'adresse. Huit mois après son élection haut la main aux Rhamna, il carbure à plein régime, jonglant, volant, entre ses activités parlementaires (il conduit un groupe de 36 élus et préside la Commission des affaires étrangères et de la défense nationale au Parlement) et son travail dit de terrain, via ce qu'on peut appeler la caravane du MTD. Sans oublier les mondanités auxquelles Si Fouad ne manque pas de sacrifier, entre deux affaires à régler, deux rendez-vous à honorer.

    “Il y a comme une sorte d'utilisation du pouvoir pour préparer à la création d'un parti politique”, dénonce Mohamed Boukili, un des principaux dirigeants de l'Association marocaine des droits humains (AMDH). Parti politique, l'idée est en l'air. “On a choisi de ne pas aller plus vite que la musique, alors on verra, la piste n'est pas exclue. Pour le moment, le plus important est de posséder une expression politique. Déjà. Et d'écouter”, exprime un des proches collaborateurs de l'ancien ministre délégué de l'Intérieur.

    Plus qu'avec le groupe Authenticité et Modernité, pourtant bien campé au Parlement, c'est avec le MTD que l'expression politique prend toute sa forme. De Tanger à Agadir, en passant par Marrakech, Rabat ou Khénifra, la Har(a)ka a assuré le spectacle. Cinq kermesses, cinq shows où le spectacle était assuré, même dans sa dimension la plus folkorique. C'est dans la ville ocre, à quelques kilomètres de son fief des Rhamna, que Fouad Ali El Himma a réussi sa démonstration la plus aboutie. C'était le week-end dernier, un témoin raconte : “Le meeting a eu lieu au Palais des congrès, enceinte la plus prestigieuse de la ville. A l'intérieur, la salle était comble quand El Himma est arrivé à la tête d'un cortège quasi royal. Il était entouré de partout, de ses partisans comme de simples badauds. On lui tapotait les épaules, on le saluait, on lui embrassait la main, des gens ont tenté l'impossible pour lui remettre des lettres de doléances destinées au roi”. Carrément. A Marrakech, où le spectacle a été assuré tant à l'extérieur qu'à l'intérieur du prestigieux Palais des congrès, la star du MTD a eu des allures de vice-roi. “Pour ce qui est du discours, poursuit notre témoin, il est resté le même que lors des précédentes escales du MTD”. En gros : il est temps de décentraliser le Maroc, d'aller dans les régions, de faire du travail de terrain, de solliciter les potentialités locales, etc. Aide-toi, le Maroc t'aidera.

    Un observateur qui a suivi les déplacements du MTD relève, lucide : “Cela s'appelle de la langue de bois. Le MTD n'a aucun programme politique, aucune solution dans le sens pratique du terme. Il reproduit un discours proche de la ligne officielle du pays…”. Mais les gens acclament avant de rentrer chez eux, contents d'avoir vu de près, serré ou baisé la main, à l'ami du roi.

    Ce qui peut passer pour une fantasia dans la plus pure tradition makhzénienne est considéré, avec le plus grand sérieux, par la garde rapprochée du député des Rhmana. “Entendons-nous bien : le MTD n'a pas de potion magique dans sa besace. Nous sommes dans une première phase, nous écoutons”, résume un membre de l'entourage “himmien”. Ce que notre source suggère entre les lignes peut être reformulé, avec une très faible marge d'erreur, comme suit : “Nous approfondissons nos réseaux locaux, nous draguons, nous recrutons, pour être prêts demain, au cas où”.

  • #2
    La campagne de recrutement
    La caravane de “Si Fouad Ou Oulidatou (El Himma et sa bande)”, comme les désignent déjà les mauvaises langues, devra multiplier les étapes (Casablanca, Laâyoune, Errachidia sont prévues au menu de juin), peut-être traverser une deuxième fois les frontières marocaines (un premier meeting a eu lieu à Paris, il y a quelques mois, dans un milieu essentiellement étudiant) avant d'observer une halte. Et d'éprouver l'exercice de l'évaluation. Quand ? “Peut-être à la rentrée”, spécule ce proche d'El Himma, qui a préféré ne pas s'aventurer sur un échéancier dont seul l'ami du roi semble maîtriser le détail. C'est probablement là, au moment de l'évaluation, qu'El Himma pourrait sortir un nouveau lapin de son chapeau. Un parti ou, mieux encore, un pôle politique, drainant pratiquement l'ensemble de la droite dite libérale.

    Même dans ce cas de figure, et sauf surprise, l'association du MTD restera en vie, elle sera probablement estampillée du label “utilité publique”, si précieux pour fluidifier les donations dont elle bénéficie depuis sa création et sur lesquelles aucune indiscrétion n'a jamais filtré. La Haraka, déjà organisée en comités régionaux, pourrait se constituer en sections en bonne et due forme. L'ensemble, au final, aura bien les allures d'un vivier d'hommes, des “soldats” mobilisables en toute occasion. “Ils pourraient alimenter les rangs d'un nouveau parti, ou rejoindre les partis existants, tout en continuant à faire du terrain pour le compte de l'association du MTD”, note, à juste titre, cet observateur.

    C'est que la campagne de séduction - recrutement bat son plein. La caravane du MTD est en fait un train que les uns et les autres prennent en marchant, en courant même. Pas un jour ne passe sans que l'un des membres du précieux comité ne reçoive un coup de fil, selon le modèle bien éprouvé du : “Bonjour, je suis (…) je propose mes services pour le MTD”. Ce procédé existe, nous l'avons vérifié de nos propres yeux, mais aussi auprès de nos sources, depuis plusieurs semaines. “Attention, rectifie toutefois ce membre du staff du MTD. Nous n'acceptons pas n'importe qui, n'importe comment. Même nos meetings sont filtrés à l'entrée, de façon à ne laisser passer que les invités dûment sélectionnés”. Certes. Mais la réalité est complexe. Séduction et recrutement sont mixés au point que la frontière entre les deux n'est plus étanche. El Himma en personne peut inviter une connaissance, un “ami”, à assister à un meeting, ou à y prendre directement la parole. Les invités d'aujourd'hui sont des recrues potentielles, qui peuvent, à leur tour, proposer d'autres “amis”, des invités inédits.

    On peut appeler cela le drainage par récurrence. Ou l'effet boule de neige. Le MTD en est déjà friand. Pour le reste, l'association établit ses panels d'invités en se reposant sur un procédé qui calque largement les méthodes de l'administration marocaine, version dépoussiérée. “Quand on projette une escale dans une ville du royaume, on sollicite ceux parmi nous qui possèdent une connaissance du terrain, avec des relais sur place”, nous précise ce membre du MTD. L'échantillonnage, dans tous les cas, est étalonné sur la configuration basique du Maroc qui bouge : cadres du privé, militants associatifs, hommes d'affaires, étudiants, femmes, hommes, etc. Le microcosme qui se bouscule aux kermesses du MTD est un réduit du Maroc utile, celui des relais. A ceci près que le plus important pour le MTD, aujourd'hui, ne semble pas tant d'agir que de rassembler. Ce que nous confirme à sa manière Mohamed Sebbar, le président du Forum vérité et justice : “En général, les membres du Mouvement ont plus un profil droit-de-l'hommiste que politique. Mais ce n'est peut-être qu'une première étape, une façon de préparer l'émergence de profils plus politiques. De toute manière, les valeurs droits-de-l'hommistes sont les plus fédératrices aujourd'hui”.

    Séisme chez les partis de gauche
    Le MTD fait des vagues. Qui atteignent, surprise, jusqu'au groupe parlementaire Authenticité et Modernité. Les députés de Si Fouad assistent, de loin, à la harka du MTD. “Certains piaffent d'impatience d'être à la place des ténors du MTD, à sillonner le royaume de long en large”, ironise cet habitué des joutes parlementaires. Le groupe ronge son frein et attend de voir. Parce Si Fouad a bien noué des contacts avec les dirigeants de la classe politique, mais pas forcément au nom du groupe parlementaire qu'il a monté en quelques jours à peine. “En fait, corrige ce dirigeant de gauche, El Himma et ses hommes tapent à toutes les portes, et on ne sait plus au nom de qui, ni de quoi”.

    À l'USFP, premier parti de gauche au royaume, la porte est restée fermée. Les amis d'Elyazghi ont sans doute d'autres chats à fouetter, à commencer par tenir un congrès (du 13 au 15 juin) et renouveler des instances bien ankylosées. D'où des bruits de couloir insinuant, plus ou moins clairement, l'exclusion des Ittihadis accusés de prendre part au one man show de Si Fouad. Latifa Jbabdi et Mohamed El Gahs, deux amis d'El Himma, sont particulièrement visés. “Jbabdi, transfuge du défunt PSD, n'a jamais été complètement intégrée à l'USFP, mais ni elle, ni encore moins El Gahs ne risquent réellement l'exclusion. L'USFP a juste besoin, à la veille de son congrès, de galvaniser ses bases. C'est au peuple ittihadi, celui d'en bas, que les slogans anti-makhzéniens sont destinés en priorité”, tempère en off ce dirigeant socialiste. Inutile de préciser, au passage, que les rêves d'El Gahs de succéder à Elyazghi à la tête du parti de la rose sont pratiquement réduits à néant…

    Le même jeu de cache-cache a été observé avec les autres formations de gauche, le PPS et le PSU, où Fouad Tracteur compte de nombreux relais potentiels. Le parti de Mohamed Bensaïd, particulièrement remonté, est allé jusqu'à diffuser, en fin de semaine, un communiqué où le “Mouvement” d'El Himma est désigné par “Hizb Addaoula Al Jadid”, le nouveau parti officiel. L'allusion au fameux FDIC, monté en 1963 autour de Réda Guédira, est évidente. “Mais ce n'est qu'une allusion. Le MTD n'est pas et ne sera pas le FDIC. Chaque parti est le produit de son époque, de son contexte”, résume une source à l'intérieur du PSU.

    Bien entendu, le séisme provoqué chez les partis de gauche ne les rend pas plus imperméables au “tracteur” de Si Fouad. Bien au contraire. “Il faut reconnaître, à la base, que l'initiative d'El Himma repose sur une idée forte, un principe de gauche : aller vers le terrain, les bases, les assises locales. L'ami du roi est, dans l'absolu, le seul homme politique à déployer, dès à présent, une stratégie manifeste dans la perspective des élections communales attendues en 2009. En plus, il s'engage clairement contre les islamistes. Tout cela lui confère un surplus d'attractivité pour des potentialités de gauche. Même si, pour le moment, il n'a aucun programme politique dans le sens propre du terme”. L'analyse, que l'on doit à un autre leader de gauche, qui a requis l'anonymat (comme la quasi-totalité des sources consultées pour les besoins de ce dossier), n'est pas sans intérêt. Elle pointe le dilemme des progressistes, plus que jamais confrontés à l'épreuve de la realpolitik. “Au mieux, cela poussera les forces de gauche à se regrouper. Et permettrait, pourquoi pas, l'émergence, enfin, d'un vrai pôle de gauche”, souffle, un brin sceptique, un ancien dirigeant de gauche, qui a basculé aujourd'hui dans le sillage d'El Himma.

    Au mieux, donc, El Himma pousserait indirectement à l'émergence d'un pôle progressiste. Mais au pire ? “Le pire n'est pas si loin du mieux. Il signifie que les partis de gauche doivent se redéfinir, certains perdraient fatalement en influence. Mais les idées de gauche resteront, le Maroc en aura toujours besoin”, conclut notre source.

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    • #3
      La guerre aux islamistes aura lieu
      L'Istiqlal observe, comme de coutume, une prudence dont il est familier quand les affaires fleurent bon le parfum makhzénien. Le parti de Abbas El Fassi se demande si le roi n'est pas, d'une manière ou d’une autre, derrière El Himma. Et ne perd pas de vue qu'une motion de censure parlementaire, théoriquement possible, peut à n'importe quel moment défaire le gouvernement Abbas. Alors prudence, prudence.

      Plus à droite de l'Istiqlal, l'UC, le RNI et le MP se livrent à une course effrénée, agitée, pour monter dans le train d'El Himma. “Salaheddine Mezouar, ministre des Finances, donne ses préférences au MTD aux dépens des réunions du parti. Et Mustapha Mansouri, le président du RNI, se rebelle en interne avant de déclarer en public qu'il ne voit guère d'inconvénients à ce que le parti se rapproche d'une association comme le MTD”, ironise ce connaisseur de la cuisine interne du parti des bleus. La même agitation emporte, depuis quelques semaines, les autres locomotives à droite de la classe politique, comme le MP ou l'UC, deux partis largement “pompés” par Authenticité et Modernité d'El Himma. Qu'à cela ne tienne, les deux partis, dans le but déclaré de “servir les intérêts suprêmes de la nation (et les leurs)”, semblent prêts à se rallier aux mouvements de l'ami du roi, dans un groupe parlementaire plus élargi ou à l'intérieur du MTD. Sinon ? “Sinon, comme pour la gauche, les gens de droite ou du centre seront amenés à reconfigurer leurs contours et leurs troupes, ce qui n'est pas forcément plus mal”, résume cette source proche du MTD.

      En fait, de tous les partis politiques, seul le PJD se dresse comme un véritable obstacle sur la route du MTD. C'est tout sauf une surprise. “Le projet de société islamiste me dérange, le PJD est un adversaire politique”, a l'habitude de répéter El Himma à ses interlocuteurs. Pourquoi ? “Parce qu'il nous ferme la porte de la modernité et nous ramène en arrière”. Moderniste, l'ami du roi ? Ses partisans, pour les moins opportunistes d'entre eux, le croient dur comme fer. Les autres, plus pragmatiques, s'en tiennent à la théorie sécuritaire, tout aussi valable. “Le trône est potentiellement menacé par l'islamisme rampant, combiné aux poussées de fièvre (mouvements de revendication sociale) dans la rue. En s'opposant à l'islam politique, et au PJD en particulier, El Himma ne fait que défendre le trône et servir la monarchie”, remarque cet observateur. “Possible, possible, rétorque un militant socialiste connu pour flirter avec le MTD. Mais nous, alors, la société, les démocrates, les modernistes, qu'est-ce qu'on fait : on assiste à ce combat en croisant les bras ? Ou on se mêle de la partie en optant pour le camp qui défendra au mieux nos valeurs ?” Bonne(s) question(s). Qui nous renvoie à l'une des définitions de base de la politique : l'art de saisir les opportunités, de s'adapter au contexte pour grappiller des points, tout simplement.

      Au jeu du “qui tirera plus vite que son ombre”, MTD et PJD, qui ne sont pas des enfants de chœur, amusent déjà la galerie. Quand Mustapha Ramid, chef du groupe PJD au Parlement, accuse nommément El Himma d'avoir fomenté la manifestation contre Le Journal Hebdomadaire, dans les suites de l'affaire des caricatures du prophète (2006), les amis de Si Fouad, probablement en souvenir de son passé de coordonnateur en chef des services de renseignement, se répandent dans les coulisses : “Ramid et les autres ne sont pas blancs comme neige. Que chacun nettoie devant sa porte”. La réponse du berger à la bergère. Les doux échanges MTD-PJD ressemblent pourtant bien à un trompe-l'œil. Les deux adversaires savent bien que la bataille engagée dépasse de loin le strict cadre des personnes. El Himma et Ramid, voisins au Parlement, se croisent régulièrement comme des compagnons de classe. Mais le premier (se) demande : “Quel islam voulons-nous : celui de tous les Marocains, ou celui importé d'Orient et décliné en chiisme-wahhabisme ?”. Et le deuxième sait, pour sa part, que s'en prendre à El Himma est un moyen détourné de critiquer la monarchie, sujet officiellement tabou pour l'ensemble de la classe politique.

      Des moyens, en attendant des résultats
      Le combat MTD-PJD promet de nouveaux rebondissements, au moins jusqu'aux communales de 2009. Mais il n'est pas seulement électoral. “C'est aussi un enjeu de société. Le MTD et le PJD sont peut-être les seuls à s'être donné la peine d'analyser les rapports du cinquantenaire et les résultats des dernières législatives. Ils savent que la majorité des Marocains est dans le besoin, ne vote pas, et ne croit plus en grand-chose. C'est cette majorité, diluée à travers tout le tissu social du pays, qu'il faudra gagner” analyse cet observateur. Le PJD est parti depuis longtemps à l'assaut de la “majorité” via le MUR, laboratoire d'idées et vivier de dirigeants en devenir, mais aussi en développant une action sociale et culturelle de proximité. El Himma n'est pas loin d'emprunter le même chemin, avec des moyens plus conséquents (et sans doute plus d'opportunistes dans les rangs), via le MTD. Pour commencer.

      À l'instar des islamistes, l'honorable député des Rhamna fait aussi du social. Les moyens sont plus impressionnants, mais les résultats… L'anecdote, telle qu'elle nous a été rapportée par l'un de ses acteurs : “Il y a quelques mois, El Himma a été intercepté par un groupe de diplômés chômeurs à l'entrée du Parlement. Ils voyaient sans doute en lui le relais idéal vers le roi… El Himma les a écoutés avant de leur donner rendez-vous. Entre-temps, il a convoqué un staff de haut niveau, fait d'Ahmed Akhchichine (son bras droit au MTD, accessoirement ministre de l'Enseignement), Moulay Hafid Elalamy (patron des patrons), ainsi que des représentants de la société civile. Chacun avait des idées pour embaucher des gens, à certaines conditions. Après le départ de la délégation des diplômés, la paix sociale a été rompue, d'autres diplômés ont manifesté, et les forces de l'ordre ont sévi, plus violemment que jamais”. Résultat : personne n'a été embauché, et aucune avancée n'a été enregistrée dans l'épineux dossier des diplômés chômeurs.

      Moralité : les moyens, c'est bien d'en disposer. Mais, comme pourrait le dire El Himma himself, “les problèmes du royaume sont tellement complexes”. Il ne suffit pas d'être l'ami du roi pour réussir, du jour au lendemain. Bon courage, tout le monde.

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      • #4
        Lobbying. Le roi de la com'

        L’ami du roi ne préside ni le groupe Authenticité et Modernité, ni le MTD, ses deux “partis”, mais le MMC… une boîte de communication. “Un cabinet de consulting”, rectifie, avec le sourire, un des dirigeants de l'entreprise. MMC, ou Mena Media Consulting, emploie une vingtaine de permanents et des free-lances (experts politiques, économiques) à la pige. Elle a pour vocation, nous explique-t-on, d'effectuer un travail de veille sur l'ensemble de l'actualité marocaine. “Nous scannons tout, avant de le filtrer et d'en faire une synthèse selon la demande de nos clients”. MMC fait du monitoring, du conseil, auprès de clients qui peuvent être de grands groupes économiques, ou des Etats (“Nous avons travaillé sur les dernières négociations de Manhasset pour le compte du gouvernement marocain”). C'est ce cabinet, à l'existence longtemps tenue secrète, qui régit la communication de son président et principal actionnaire depuis décembre 2007, Fouad Ali El Himma. C'est même, nous assure-t-on dans l'entourage de l'ami du roi, “MMC qui constitue aujourd'hui la principale source de revenus d'El Himma, son salaire de député étant intégralement reversé au MTD”. Un certain mystère continue, toutefois, d'envelopper les origines de la société (qui remonteraient à deux ans, d'après certaines sources), la répartition de son actionnariat (Othmane El Omeir, l'homme d'affaires saoudien, en aurait été l'actionnaire de référence avant de céder ses parts à El Himma), et sa vocation initiale. Pour le futur, c'est évident, MMC se tournera de plus en plus clairement vers des actions de lobbying politique. pour le compte de Monsieur le président, pour commencer.

        El Himma - Majidi. Le choc des titans

        Il y a toujours un préféré ! Ni trois, ni deux, un seul. C'est ce que dit la règle. Mais le roi en a deux, l'un en politique, l'autre en économie. Comment s'étonner, dès lors, du duel à distance auquel semblent se livrer les deux hommes de confiance du roi, qui alimentent par leur bougeotte la chronique du petit Maroc qui compte. Quand ils ne se marchent pas sur les pieds, le politique Fouad Ali El Himma et l'économiste Mounir Majidi se renvoient la balle comme d'un bout à l'autre d'un court de tennis. Il leur arrive, en parlant l'un de l'autre, de laisser entendre (trop) poliment que leurs relations ne sont pas toujours au beau fixe. Autant dire que, dans la réalité de tous les jours, elles tournent parfois au vinaigre. Les exemples sont nombreux : déjà en 2003, au lendemain des attentats du 16 mai, l'ancien ministre délégué à l'Intérieur a tenté une première incursion dans le monde des affaires, chasse gardée de Majidi. Le raisonnement est sécuritaire : l'économie défaillante et la pauvreté galopante sont la (principale) cause du terrorisme. El Himma s'est alors rapproché des principaux capitaines d'industrie, trop contents de se jeter dans ses bras pour se plaindre (et se prémunir) de la boulimie aiguë du groupe royal géré par Majidi. Le résultat est un clash politique - affaires, un premier incident entre les deux hommes de confiance du roi, à une époque où les managers de l'ONA redessinaient le capitalisme marocain à leur guise (en forçant les fusions acquisitions pour l'émergence de “champions nationaux”) et donnaient des sueurs froides à la communauté des affaires… Deuxième incident, plus direct : en 2006, El Himma, secondé de Yassine Mansouri, patron des renseignements extérieurs, remettent Majidi à sa place devant tout son staff, en lui faisant subir ce qui ressemble à un interrogatoire au sujet des conflits entre l'ONA et ses (anciens) partenaires français. Désobligeant. Les petits coups entre amis, relayés par “radio sérail”, ne s'arrêtent pas là : des sources crédibles laissent clairement entendre que c'est l'ex-ministre délégué à l'Intérieur qui serait derrière la révélation de l'affaire dite des terrains des Habous (2007). Majidi a appris, depuis, à bien se défendre en coulisses. Son influence grandissante s'est même ouverte, aujourd'hui, aux “planètes” du football et de la culture. “Normal, il y trouve de nouveaux espaces pour marquer des points sur le terrain politique. Sait-on jamais !”, s'exclame cette source dans l'entourage de Majidi. C'est en marge de “son” festival, Mawazine, que le roi a gratifié de nombreux musiciens de “chèques d'encouragement”. Un geste dont la paternité (en matière de conseil) semble disputée entre Majidi… et El Himma, évidemment. “Notez bien, relève cet observateur, que lorsque le député des Rhamna puise dans le vivier de la société civile pour renforcer son MTD, Majidi regroupe toutes les stars du business pour l'épauler dans la gestion du football”. Les deux hommes se télescopent parfois (un Mustapha Bakkoury, patron de la CDG, partagé entre le MTD de l'un et le FUS de l'autre), et s'imitent le plus souvent (conférences de presse et apparitions en public décidées, simultanément, par l'un et l'autre). Sympa, le derby Himma-Majidi qui secoue épisodiquement le premier cercle royal.


        Plus loin. Pourquoi lui ?

        Fouad Ali El Himma dispose de nombreux atouts en main : un groupe parlementaire, un mouvement convertible (en parti), une proximité exceptionnelle avec Mohammed VI. Aucun homme, en dehors des trois rois qui ont gouverné le Maroc indépendant, n'a jamais réuni autant de cartes à la fois. On peut se demander : pourquoi donc (dispose-t-il, lui, d'autant de leviers d'action) ? Que va-t-il en faire ? Les deux questions renvoient à deux manières totalement différentes d'aborder la chose politique. Se focaliser sur la personne d'El Himma, sur la concentration de pouvoirs qui lui reviennent de facto, est une attitude compréhensible. Qui a le terrible défaut de confiner irrémédiablement à l'immobilisme. Lui ? Non. C'est, grosso modo, l'état d'esprit dans lequel se trouve une bonne partie de la gauche marocaine.
        La posture est courante, peut-être juste, mais pas exempte de tout reproche. La question de savoir ce qu'il peut tirer de ses atouts est plus opportuniste, réaliste. Lui ? Pourquoi pas, si j'y gagne quelque chose. C'est la réflexion menée par ceux qui ont rejoint le “tracteur” des Rhamna. Maintenant, c'est bien connu, quand le vin est tiré, il faut le boire. Au-delà du fait, incontestable, que le citoyen El Himma tire toute sa légitimité de la couverture royale, son cas, son action, nous interpellent. Les valeurs qu'il affirme défendre, sous la couche du régionalisme (demain, le Maroc découpé en micro-gouvernements régionaux ?), et des tonnes de langue de bois, ont le mérite d'afficher clairement un parti-pris : la lutte contre les islamistes. Les politiques et les wahhabites d’entre eux. C'est tranché, on est loin, loin, des consensus mous auxquels même la gauche a fini par se plier. On est, simplement, dans un vrai débat de société, au cœur de la marmite de ce Maroc 2008. En affichant ses partis-pris, l'ami du roi nous oblige quelque part à sortir du bois. Et la possibilité, même infime, que le bon docteur Fouad n'exprime, au final, que le sentiment de son “ami”, rend la question encore plus intéressante. N'est-ce pas ?

        tel quel
        Dernière modification par Tems, 14 juin 2008, 11h52.

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