La lutte d'influence
Conscient d'ailleurs, il fait rédiger un modificatif, auquel il donne le nom d'Articles Organiques, qui tente de lui redonner la primauté en subordonnant l'Église à l'État par le truchement d'autorisations gouvernementales pour toutes décisions religieuses d'importance. Certes, le Pape proteste à la parution de ces articles qui dénaturent le Concordat, mais, persuadé qu'ils n'auront aucune conséquence spirituelle, morale et temporelle, il décide de s'en accommoder. Faiblesse a-t-on dit! Victoire au contraire, la suite va le démontrer.
Napoléon a succédé à Bonaparte le 18 mai 1804. Les mêmes problèmes se posent à l'Empereur, du fait des demi-solutions proposées par le Premier Consul.
Il semble qu'une démonstration théâtrale, aux dimensions de l'ambition du nouvel empire, soit de nature à fonder le régime aux yeux de l'Europe et, du même coup, à gommer le problème religieux intérieur. Napoléon pense au sacre solennel à Notre-Dame de Paris par le Souverain Pontife en personne. Même les rois de France n'y avaient prétendu!
Pendant l'hiver 1804, Pie VII, en grand équipage, quitte Rome pour Paris. Le 27 novembre une véritable caravane de carrosses traverse la forêt de Fontainebleau. Dans le plus somptueux, le Pape, déjà âgé, visage distingué, toujours secret mais plus pensif au fur et à mesure qu'il comprend mieux le jeu qu'on lui fait jouer, attend la prochaine étape au château maintenant tout proche.
On sait avec quelle habileté Napoléon a organisé une rencontre << fortuite>> avec le Pape en pleine forêt. Le Souverain chasseur se présente aux glaces du carrosse pontifical, salue le Pape, se nomme, invite le Prélat dans sa propre voiture, se montre affable et charmeur. Il conduit au château de Fontainebleau un Pape détendu et agréablement surpris.
Les fastes déployés ne manqueront pas de revenir à la mémoire du Saint-Père au moment de l'accueil désinvolte de 1812.
La cérémonie du Sacre intervient comme on sait!
La venue du Pape à Paris n'a pas réduit le contentieux entre les deux hommes et probablement même elle l'a aggravé. Le Pape a bien mesuré le poids et le prix de la caution qu'il vient de donner le 2 décembre; il a aussi jaugé le potentiel d'audace de Napoléon. Ce jour-là il décide de ne jamais concéder quoi que ce soit de plus et s'il le faut, d'opposer à l'impérialisme napoléonien la solide stabilité de la chrétienté dont l'inertie peut être un frein mortel aux débordements inspirés par le Diable.
De son côté Napoléon a compris jusqu'où il ne lui faudrait pas aller sans risque grave. Il sait que l'analyse du voyage de Pie VII en France comporte des réserves péjoratives.
Dans cette évaluation de la force de volonté des deux hommes, la comédie est même allée aux limites de la courtoisie; après le couronnement Napoléon a poussé le pari jusqu'à faire entendre au Pape qu'on pourrait le retenir à Paris.
<< Tout est prévu, répondit le Pontife, avant de quitter l'Italie, j'ai signé une abdication régulière; elle est entre les mains du cardinal Pignatelli à Palerme, hors de la portée du pouvoir des Français. Au lieu d'un Pape, il ne restera entre vos mains qu'un moins appelé Barnabé Chiaramonti>>.
A partir de cet instant, tous les prétextes seront bons pour chercher querelle au Pape. Les détails sont connus de cette tragédie aux trop célèbres tableaux.
- Le 15 février 1806 Napoléon écrit de Paris au Saint-Père pour lui dire sa volonté de soumettre toute l'Italie aux lois de l'Empire. Il reconnaît pour le Pape une souveraineté spirituelle mais ne lui cache pas son intention de lui ôter son pouvoir temporel. << Vous êtes le Roi de Rome mais j'en suis l'Empereur>>.
- Le 2 février 1808 l'ordre est donné au général Miollis d'occuper Rome. Le Pape est enfermé sur le Mont Cavallo, dans le Palais du Quirinal.
- Le 10 juin 1809 (en exécution d'un décret signé à Vienne le 17 mai) Napoléon réunit Rome et les États Pontificaux à l'Empire français. Le même jour le Pape rend publique la bulle d'excommunication de Napoléon. L'orage éclata.
- Le 6 juillet 1809, c'est l'enlèvement du Pape et son exil à Savone.
Auteur : GOSSE Colonel
Revue : Revue du Souvenir Napoléonien
Numéro : 305
Mois : 05
Année : 1979
Pages : 2-8
Conscient d'ailleurs, il fait rédiger un modificatif, auquel il donne le nom d'Articles Organiques, qui tente de lui redonner la primauté en subordonnant l'Église à l'État par le truchement d'autorisations gouvernementales pour toutes décisions religieuses d'importance. Certes, le Pape proteste à la parution de ces articles qui dénaturent le Concordat, mais, persuadé qu'ils n'auront aucune conséquence spirituelle, morale et temporelle, il décide de s'en accommoder. Faiblesse a-t-on dit! Victoire au contraire, la suite va le démontrer.
Napoléon a succédé à Bonaparte le 18 mai 1804. Les mêmes problèmes se posent à l'Empereur, du fait des demi-solutions proposées par le Premier Consul.
Il semble qu'une démonstration théâtrale, aux dimensions de l'ambition du nouvel empire, soit de nature à fonder le régime aux yeux de l'Europe et, du même coup, à gommer le problème religieux intérieur. Napoléon pense au sacre solennel à Notre-Dame de Paris par le Souverain Pontife en personne. Même les rois de France n'y avaient prétendu!
Pendant l'hiver 1804, Pie VII, en grand équipage, quitte Rome pour Paris. Le 27 novembre une véritable caravane de carrosses traverse la forêt de Fontainebleau. Dans le plus somptueux, le Pape, déjà âgé, visage distingué, toujours secret mais plus pensif au fur et à mesure qu'il comprend mieux le jeu qu'on lui fait jouer, attend la prochaine étape au château maintenant tout proche.
On sait avec quelle habileté Napoléon a organisé une rencontre << fortuite>> avec le Pape en pleine forêt. Le Souverain chasseur se présente aux glaces du carrosse pontifical, salue le Pape, se nomme, invite le Prélat dans sa propre voiture, se montre affable et charmeur. Il conduit au château de Fontainebleau un Pape détendu et agréablement surpris.
Les fastes déployés ne manqueront pas de revenir à la mémoire du Saint-Père au moment de l'accueil désinvolte de 1812.
La cérémonie du Sacre intervient comme on sait!
La venue du Pape à Paris n'a pas réduit le contentieux entre les deux hommes et probablement même elle l'a aggravé. Le Pape a bien mesuré le poids et le prix de la caution qu'il vient de donner le 2 décembre; il a aussi jaugé le potentiel d'audace de Napoléon. Ce jour-là il décide de ne jamais concéder quoi que ce soit de plus et s'il le faut, d'opposer à l'impérialisme napoléonien la solide stabilité de la chrétienté dont l'inertie peut être un frein mortel aux débordements inspirés par le Diable.
De son côté Napoléon a compris jusqu'où il ne lui faudrait pas aller sans risque grave. Il sait que l'analyse du voyage de Pie VII en France comporte des réserves péjoratives.
Dans cette évaluation de la force de volonté des deux hommes, la comédie est même allée aux limites de la courtoisie; après le couronnement Napoléon a poussé le pari jusqu'à faire entendre au Pape qu'on pourrait le retenir à Paris.
<< Tout est prévu, répondit le Pontife, avant de quitter l'Italie, j'ai signé une abdication régulière; elle est entre les mains du cardinal Pignatelli à Palerme, hors de la portée du pouvoir des Français. Au lieu d'un Pape, il ne restera entre vos mains qu'un moins appelé Barnabé Chiaramonti>>.
A partir de cet instant, tous les prétextes seront bons pour chercher querelle au Pape. Les détails sont connus de cette tragédie aux trop célèbres tableaux.
- Le 15 février 1806 Napoléon écrit de Paris au Saint-Père pour lui dire sa volonté de soumettre toute l'Italie aux lois de l'Empire. Il reconnaît pour le Pape une souveraineté spirituelle mais ne lui cache pas son intention de lui ôter son pouvoir temporel. << Vous êtes le Roi de Rome mais j'en suis l'Empereur>>.
- Le 2 février 1808 l'ordre est donné au général Miollis d'occuper Rome. Le Pape est enfermé sur le Mont Cavallo, dans le Palais du Quirinal.
- Le 10 juin 1809 (en exécution d'un décret signé à Vienne le 17 mai) Napoléon réunit Rome et les États Pontificaux à l'Empire français. Le même jour le Pape rend publique la bulle d'excommunication de Napoléon. L'orage éclata.
- Le 6 juillet 1809, c'est l'enlèvement du Pape et son exil à Savone.
Auteur : GOSSE Colonel
Revue : Revue du Souvenir Napoléonien
Numéro : 305
Mois : 05
Année : 1979
Pages : 2-8
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