Ils ont tué Lounès le 25 juin 1998. Ils avaient essayé déjà, mais à chaque fois Lounès était reparu. » Ainsi s’annonçait le livre témoignage Pour l’amour d’un Rebelle écrit par son épouse, Nadia, et paru en 2000 à Paris aux Editions Robert Laffont. La vie de Lounès aura été jalonnée d’épisodes dramatiques qui ne faisaient que lui rappeler son statut de sursitaire dans une époque où l’intolérance produit des « chasseurs de lumières » qui privent le ciel de ses étoiles et la Terre de sa lumière.
Sinon, sa vie aura été celle d’un homme exceptionnel de part sa bravoure légendaire que le commun des humains avait cru ne relever que de l’imaginaire. En effet, ni l’anathème et les rumeurs assassines distillées intentionnellement pour le diaboliser et tenter de le mettre au ban de la société, ni les intimidations, les pressions et les menaces, ni même les attentats qui l’ont mutilé physiquement n’ont pu avoir raison de son courage et de son abnégation qui laissaient admiratifs plus d’un. Tel un phénix, il renaissait de ses cendres, à chaque fois que la folie et l’ignorance le frappaient. « Si vous croyez que vos balles peuvent me tuer, me revoilà, plus vivant que jamais », déclamait-il dans L’ironie du sort sortit en 1989. L’autre de ses qualités avérées et qui a souvent été à l’origine de pas mal d’incompréhensions, est sans nul doute sa singulière sincérité dans tout ce qu’il entreprenait, disait ou faisait. Il y a quelque temps, l’une de ses grandes amitiés, une grande dame faite de valeurs humaines et de principes politiques inébranlables, à l’image d’ailleurs de son grand ami Lounès, nous disait à juste titre qu’il « était versatile comme tous les grands artistes ». C’est méconnaître la part de l’humanité qui caractérise la personnalité du barde que de prendre sa franchise pour de l’inconstance. Beaucoup se rappellent encore de la controverse dont il avait été à l’origine, lors de la célébration du l0e anniversaire du Printemps amazigh lorsqu’il vilipenda les principaux acteurs du Mouvement culturel berbère (MCB) dans un discours qui avait failli transformer le grand gala en une arène de gladiateurs.
La déception était grande. Et pour cause, une célébration particulière qui intervenait pour la première fois en démocratie dans le multipartisme et dans la liberté, de sorte que des Imazighen du Maroc, de Djerba, de Libye, des Aurès, de Cherchell, de la vallée du M’zab, du Tassili, du Niger, de la Mauritanie et du Mali ainsi que des îles Canaries, tous ont tenu à marquer de leur présence ce grand moment de retrouvailles qui fut gâché par l’inattendue sortie au vitriol de Matoub. Certains, de retour chez eux, avaient, sous le coup de la colère, réservé un autodafé des œuvres de l’artiste qu’ils avaient aimé depuis ses débuts. Pourtant, une semaine après, il était l’invité de la coordination des étudiants de l’université de Hasnaoua pour donner une conférence sur « la musique populaire chaâbi » de El Anka à nos jours. La salle était pleine comme un œuf. Dehors, des milliers d’étudiants et de citoyens qui n’ont pas pu y accéder poireautaient. Le conférencier du jour s’avéra être un fin connaisseur de la musique et de son histoire. Mais ce que l’assistance attendait, c’était le débat qui allait suivre. Comme attendu, la première question d’une étudiante, visiblement émue, reprocha à Lounès, avec beaucoup de tendresse d’ailleurs, sa sortie du campus de Oued Aïssi en lui disant : « C’était sur toi que reposait tout notre espoir de réaliser notre union et c’est toi qui a aggravé la division ». Tout souriant et visiblement touché par la sincérité de l’étudiante, Lounès commença sa réponse par une plaisanterie, disant qu’il aurait dû ramener son mandole pour rechanter la chanson qui avait mis le feu aux poudres lors du gala avorté. Reprenant son air sérieux, il ajouta : « Tu sais ma fille, je veux rester authentique de sorte que ceux qui m’aiment sauront pourquoi et ceux qui me haïssent aussi. Mais, je vous donne ma parole aujourd’hui devant tout ce monde que si un jour, je me rends compte que j’ai tort, je n’hésiterai pas une minute à faire mon mea culpa et à me rapprocher de mes adversaires d’aujourd’hui pour leur demander pardon ». C’était là que, personnellement, Lounès m’avait reconquis par sa sincérité qu’il mettra d’ailleurs en œuvre, une année plus tard, en se réconciliant définitivement avec ceux qu’il avait vilipendés. Il avait eu tort, il s’en était rendu compte et il s’est corrigé en bon « homme libre ».
A ce titre, il chantera dans Regard sur l’histoire d’un pays damné : « ...Ce parti ou celui-là, je ne me gênerai pas à les torpiller haut et bas, sans relâche mais sans mépris... ». Et de poursuivre dans la langue pour laquelle il a voué toute sa vie : « ...Ma yella wthegh di gma assagi, tassa w ur ttugi... ». Il sera ainsi l’un des partisans les plus actifs de l’arrêt du processus dit électoral de 1991, qui allait mettre le destin du pays entre les mains du fanatisme religieux. A travers son album L’hymne à Boudiaf, sorti en 1993, il rendra un vibrant hommage à l’auteur de « L’Algérie avant tout » qui a su redonner espoir au peuple en six mois de gouvernance durant lesquels il avait incarné la rupture avec la langue de bois en vigueur et avec l’islamisme avec lequel il avait décidé d’en finir. Malgré la tourmente croissante provoquée par les attentats terroristes qui frappaient les services de sécurité et l’élite nationale dont des journalistes, des compétences mondiales, des militants qui payeront de leur vie leur engagement en faveur de l’Etat républicain, Matoub était de ceux qui ont choisi de rester parmi les leurs. Il prendra part aux assises du Mouvement pour la République (MPR) en novembre 1993 et participera à la grandiose marche du 29 juin 1994 à laquelle avait appelé ce mouvement transpartisan pour exiger toute la lumière sur l’assassinat du président Boudiaf. Un attentat à la bombe fait 2 morts et plus de 70 blessés. En cette année 1994, l’horreur intégriste avait atteint son point culminant. Passant à un stade de barbarie toujours plus abjecte, les islamîstes massacraient les femmes refusant le port du voile, syndicalistes, militants démocrates et citoyens qui refusent la soumission devant leur diktat. L’Etat était à genoux et donc incapable de garantir la sécurité aux citoyens. L’appel à la résistance était lancé et des groupes d’autodéfense se constituèrent aussitôt à travers les hameaux et villages. Avec comme seules armes des fusils de chasse, des armes blanches et la farouche détermination de ne pas laisser les hordes terroristes piétiner l’honneur des villages. Matoub soutient cette solution et encourage les réticents à se constituer dans le cadre de la résistance qui lui était chère et qu’il évoquera avec force sur scène lors de son ultime gala, début 1998, au Zénith de Paris. Démocrate, républicain et amoureux de l’Algérie jusqu’au bout des ongles, il était aussi un laïque qui s’assumait.
Sinon, sa vie aura été celle d’un homme exceptionnel de part sa bravoure légendaire que le commun des humains avait cru ne relever que de l’imaginaire. En effet, ni l’anathème et les rumeurs assassines distillées intentionnellement pour le diaboliser et tenter de le mettre au ban de la société, ni les intimidations, les pressions et les menaces, ni même les attentats qui l’ont mutilé physiquement n’ont pu avoir raison de son courage et de son abnégation qui laissaient admiratifs plus d’un. Tel un phénix, il renaissait de ses cendres, à chaque fois que la folie et l’ignorance le frappaient. « Si vous croyez que vos balles peuvent me tuer, me revoilà, plus vivant que jamais », déclamait-il dans L’ironie du sort sortit en 1989. L’autre de ses qualités avérées et qui a souvent été à l’origine de pas mal d’incompréhensions, est sans nul doute sa singulière sincérité dans tout ce qu’il entreprenait, disait ou faisait. Il y a quelque temps, l’une de ses grandes amitiés, une grande dame faite de valeurs humaines et de principes politiques inébranlables, à l’image d’ailleurs de son grand ami Lounès, nous disait à juste titre qu’il « était versatile comme tous les grands artistes ». C’est méconnaître la part de l’humanité qui caractérise la personnalité du barde que de prendre sa franchise pour de l’inconstance. Beaucoup se rappellent encore de la controverse dont il avait été à l’origine, lors de la célébration du l0e anniversaire du Printemps amazigh lorsqu’il vilipenda les principaux acteurs du Mouvement culturel berbère (MCB) dans un discours qui avait failli transformer le grand gala en une arène de gladiateurs.
La déception était grande. Et pour cause, une célébration particulière qui intervenait pour la première fois en démocratie dans le multipartisme et dans la liberté, de sorte que des Imazighen du Maroc, de Djerba, de Libye, des Aurès, de Cherchell, de la vallée du M’zab, du Tassili, du Niger, de la Mauritanie et du Mali ainsi que des îles Canaries, tous ont tenu à marquer de leur présence ce grand moment de retrouvailles qui fut gâché par l’inattendue sortie au vitriol de Matoub. Certains, de retour chez eux, avaient, sous le coup de la colère, réservé un autodafé des œuvres de l’artiste qu’ils avaient aimé depuis ses débuts. Pourtant, une semaine après, il était l’invité de la coordination des étudiants de l’université de Hasnaoua pour donner une conférence sur « la musique populaire chaâbi » de El Anka à nos jours. La salle était pleine comme un œuf. Dehors, des milliers d’étudiants et de citoyens qui n’ont pas pu y accéder poireautaient. Le conférencier du jour s’avéra être un fin connaisseur de la musique et de son histoire. Mais ce que l’assistance attendait, c’était le débat qui allait suivre. Comme attendu, la première question d’une étudiante, visiblement émue, reprocha à Lounès, avec beaucoup de tendresse d’ailleurs, sa sortie du campus de Oued Aïssi en lui disant : « C’était sur toi que reposait tout notre espoir de réaliser notre union et c’est toi qui a aggravé la division ». Tout souriant et visiblement touché par la sincérité de l’étudiante, Lounès commença sa réponse par une plaisanterie, disant qu’il aurait dû ramener son mandole pour rechanter la chanson qui avait mis le feu aux poudres lors du gala avorté. Reprenant son air sérieux, il ajouta : « Tu sais ma fille, je veux rester authentique de sorte que ceux qui m’aiment sauront pourquoi et ceux qui me haïssent aussi. Mais, je vous donne ma parole aujourd’hui devant tout ce monde que si un jour, je me rends compte que j’ai tort, je n’hésiterai pas une minute à faire mon mea culpa et à me rapprocher de mes adversaires d’aujourd’hui pour leur demander pardon ». C’était là que, personnellement, Lounès m’avait reconquis par sa sincérité qu’il mettra d’ailleurs en œuvre, une année plus tard, en se réconciliant définitivement avec ceux qu’il avait vilipendés. Il avait eu tort, il s’en était rendu compte et il s’est corrigé en bon « homme libre ».
A ce titre, il chantera dans Regard sur l’histoire d’un pays damné : « ...Ce parti ou celui-là, je ne me gênerai pas à les torpiller haut et bas, sans relâche mais sans mépris... ». Et de poursuivre dans la langue pour laquelle il a voué toute sa vie : « ...Ma yella wthegh di gma assagi, tassa w ur ttugi... ». Il sera ainsi l’un des partisans les plus actifs de l’arrêt du processus dit électoral de 1991, qui allait mettre le destin du pays entre les mains du fanatisme religieux. A travers son album L’hymne à Boudiaf, sorti en 1993, il rendra un vibrant hommage à l’auteur de « L’Algérie avant tout » qui a su redonner espoir au peuple en six mois de gouvernance durant lesquels il avait incarné la rupture avec la langue de bois en vigueur et avec l’islamisme avec lequel il avait décidé d’en finir. Malgré la tourmente croissante provoquée par les attentats terroristes qui frappaient les services de sécurité et l’élite nationale dont des journalistes, des compétences mondiales, des militants qui payeront de leur vie leur engagement en faveur de l’Etat républicain, Matoub était de ceux qui ont choisi de rester parmi les leurs. Il prendra part aux assises du Mouvement pour la République (MPR) en novembre 1993 et participera à la grandiose marche du 29 juin 1994 à laquelle avait appelé ce mouvement transpartisan pour exiger toute la lumière sur l’assassinat du président Boudiaf. Un attentat à la bombe fait 2 morts et plus de 70 blessés. En cette année 1994, l’horreur intégriste avait atteint son point culminant. Passant à un stade de barbarie toujours plus abjecte, les islamîstes massacraient les femmes refusant le port du voile, syndicalistes, militants démocrates et citoyens qui refusent la soumission devant leur diktat. L’Etat était à genoux et donc incapable de garantir la sécurité aux citoyens. L’appel à la résistance était lancé et des groupes d’autodéfense se constituèrent aussitôt à travers les hameaux et villages. Avec comme seules armes des fusils de chasse, des armes blanches et la farouche détermination de ne pas laisser les hordes terroristes piétiner l’honneur des villages. Matoub soutient cette solution et encourage les réticents à se constituer dans le cadre de la résistance qui lui était chère et qu’il évoquera avec force sur scène lors de son ultime gala, début 1998, au Zénith de Paris. Démocrate, républicain et amoureux de l’Algérie jusqu’au bout des ongles, il était aussi un laïque qui s’assumait.
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