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Quel traitement pour les malades mentaux en Algerie?

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  • Quel traitement pour les malades mentaux en Algerie?

    Longtemps considérée comme une tare diminuante à plus d'un titre plutôt qu'une maladie normale, la psychiatrie continue de susciter moult interrogations de la part de spécialistes ou du commun des mortels.

    D'ailleurs, il n'est pas rare que les gens, en parlant d'un psychiatre de renommée nationale ou mondiale, disent qu'il est aussi «fou» que les personnes qu'il traite. Mais, en cotoyant justement ces spécialistes un peu spéciaux, nous nous rendons compte qu'en définitive, ils ne font qu'étudier, diagnostiquer, prescrire des traitements adéquats, en fait, faire le même travail que leurs collègues des autres branches médicales. Mais ce côté un peu mythique, mystérieux, incompréhensible de la maladie mentale est souvent utilisé pour des desseins inavouables et il est devenu clair que tant que cette croyance mêlée de crainte, d'incompréhension et de pitié est de mise, beaucoup peuvent s'imposer et tenir d'autres humains sous leur coupe. Et c'est ce qui a fait des centres de traitement des maladies mentales des asiles sans âmes, où les malades sont parqués tels des bêtes dangereuses auxquelles on donne des calmants pour les empêcher de nuire.

    Cette notion d'atteinte mystérieuse dont on ne pouvait guérir a de tout temps été combattue par des psychiatres qui voulaient faire admettre à tous que la maladie mentale n'est qu'une maladie comme les autres, dont on peut guérir ou pas, et la plupart ont totalement banni le mot «fou» de leur vocabulaire. C'est, en définitive, tout cela qui a incité le Pr Ridouh, qui est chef du service psychiatrique de l'hôpital Frantz Fanon, à organiser dernièrement cette troisième édition du séminaire dédié à la nouvelle approche du traitement des maladies mentales et ce, durant deux jours, à la bibliothèque centrale de l'université Saad Dahlab de Blida.

    Des psychiatres de plusieurs pays, comme la Tunisie, la France, l'Italie, la Martinique ont répondu présents à l'invitation de leurs collègues algériens et ont présenté divers travaux de recherches et préconisé des solutions et des approches à même d'aider les malades mentaux à retrouver leur équilibre et à réintégrer la société, selon les normes établies. le Pr Ridouh, ainsi que tous ceux qui étaient présents, et même l'ex-ministre de la Santé, M. Amar Tou, qui a assisté à la clôture du séminaire et M. Hocine Ouadah, wali de Blida, qui y était au début et à la fin, ont appelé à une nouvelle approche de la psychiatrie tendant à humaniser les soins, à essayer d'être plus proche du malade, à l'aider moralement et, surtout, à rendre les structures d'accueil plus.. accueillantes.

    C'est, d'ailleurs, sous le thème d'humanisation des hôpitaux psychiatriques, que ce séminaire a été initié, reprenant la pensée de Fanon, qui a milité jusqu'à sa mort pour cette humanisation, pour une psychologie institutionnelle, où l'amour la compréhension, la bonté peuvent remplacer tous les produits médicamenteux que les malades mentaux ingurgitent à longueur d'année et qui ne font que le plonger dans une apathie dangereuse pour sa santé psychique.

    Les intervenants ont essayé par leurs travaux de contribuer à l'évolution de la pratique psychiatrique basée sur les antidépresseurs, les neuroleptiques, les hypnotiques et d'autres médicaments propres à cette branche, vers une approche plus humaine, en recherchant plutôt les causes de ces troubles et en essayant de les annihiler pour que le malade retrouve son équilibre psychique et qu'il reprenne sa place dans la société.

    La famille, les institutions sociale, les médecins doivent tous s'associer pour cela. En outre, les psychiatres présents à ce séminaire ont pratiquement désavoué le DSM IV (4), qui comprend une codification américaine des maladies mentales qui ne tient pas compte de la personnalité purement humaine et individuelle de chaque malade, présentant des stéréotypes de maladies sans aucun regard vers leurs causes et, surtout, préconisant un traitement médical qui est souvent inefficace.

    Et le Pr Pierangelo Divetornio (Italie) a rapproché les points de vue très humanitaires de deux grands de la psychiatrie, Frantz Fanon et l'Italien Bassaglia qui a été le père des réformes en matière de psychiatrie, d'asiles psychiatriques en Italie et de toute l'approche concernant les maladies mentales en Italie, initiées vers la fin des années soixante-dix, et qui font que ce pays a décidé la fermeture des hôpitaux psychiatriques les remplaçant par des réseaux soignants au coeur des cités.

    Cette dénonciation des traitements subis par les malades mentaux dans les hôpitaux psychiatriques et les solutions préconisées par les deux hommes (Fanon et Bassaglia) se rapprochent l'une de l'autre et ont donné naissance à la psychiatrie alternative qui est déjà appliquée en Italie.

    En plus, il apparait clair que les spécialistes à travers le monde estiment que la psychiatrie est en crise, surtout avec la médicalisation à outrance prônée par les Américains qui fait qu'ils préconisent la relation : un symptôme = un médicament, passant sous silence les causes de ce symptôme et annihilant par là toute velléité de réclamer, de présenter un problème pour le solutionner ou de discuter politique, finance ou autres sujets tabous. Il suffit de dire qu'un tel est fou pour que tout ce qu'il dit ou fait soit axé d'irresponsabilité, de non sérieux, de comportement de malade.

    D'un autre côté, plusieurs intervenants ont tenu à dénoncer le système des cellules d'écoute qui sont installées après des catastrophes naturelles ou accidentelles et qui 'font que celui qui a perdu un être cher au cours d'une catastrophe soit dirigé vers un psychologue qui l'attend avec des réponses uniformes pour l'ensemble de ceux qui ont subi le même traumatisme et ceci, au détriment de toute relation humaine'. L'un d'eux s'est d'ailleurs interrogé : 'que vais-je dire au psychiatre quand je viens de subir une perte de quelque nature que ce soit, que je suis triste, c'est tout à fait normal et humain, que je pleure, ce psychologue ou ce psychiatre va m'attendre avec des solutions uniformisées'.

    Un détenu qui se met à tout casser dans sa cellule pour dénoncer sa condition de détention et qu'on présente au psychiatre afin qu'il définisse s'il est fou ou non, alors que ce comportement est tout à fait normal car c'est le psychiatre que ce détenu a trouvé pour se faire entendre.

    Plusieurs autres questions concernant l'éthique en psychiatrie, la psychiatrie infantile, les troubles ayant des origines génétiques, la psychothérapie et les diagnostics standardisés ont été largement débattus par les présents. Un film documentaire ayant pour titre «Mémoire d'asile» retraçant les conditions de vie très difficiles des malades mentaux qui étaient internés au sein de l'hôpital psychiatrique Frantz Fanon, depuis sa création jusqu'aux grandes transformations qu'il a subies, a été projeté à la fin du séminaire.

    - Le Quotidien d’Oran
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